LES MODÈLES INDUSTRIELS ET PAYSANS NE PEUVENT PAS COHABITER

Laurent Pinatel, 44 ans, éleveur en Gaec avec sa soeur à Saint-Genest-Lerpt (Loire). Il produit 270 000 litres de lait bio et de la viande bovine, dont une partie est commercialisée en direct. Il emploie trois salariés pour la transformation, mais aussi pour le remplacer lorsqu'il s'absente. Secrétaire général de la Confédération paysanne de son département en 2009, il a appelé à la grève du lait. Porte-parole de la Confédération paysanne depuis 2013, il milite ardemment contre la ferme des 1 00
Laurent Pinatel, 44 ans, éleveur en Gaec avec sa soeur à Saint-Genest-Lerpt (Loire). Il produit 270 000 litres de lait bio et de la viande bovine, dont une partie est commercialisée en direct. Il emploie trois salariés pour la transformation, mais aussi pour le remplacer lorsqu'il s'absente. Secrétaire général de la Confédération paysanne de son département en 2009, il a appelé à la grève du lait. Porte-parole de la Confédération paysanne depuis 2013, il milite ardemment contre la ferme des 1 00 (©)

La Confédération paysanne s'oppose au projet de la ferme des 1 000 vaches. Son porte-parole explique les enjeux de ce combat pour l'ensemble de la filière.

En quoi votre action contre la ferme des 1 000 vaches sert-elle la filière ?

Laurent Pinatel : Dans ce dossier, on trouve tout ce que la Confédération paysanne (CP) considère comme des dérives de l'agriculture. Un accaparement de 3 000 ha alors que des voisins ont besoin de terres. Une concentration extrême des moyens de production dans les mains d'un seul homme. Ce type de ferme-usine capte les subventions, les capacités de production. Il va aspirer le lait et ne laissera pas de place pour les autres. Pourquoi un industriel irait-il chercher 150 000 l à 100 km quand il peut en trouver 9 millions sur un seul site ? L'exemple du porc montre bien que quand la production commence à se concentrer dans une région, les autres se vident. Je me bats pour que les politiques prennent conscience de ce risque. L'enjeu est énorme pour des milliers d'exploitations et pour l'aménagement du territoire. Le budget de la Pac donne les moyens d'orienter les systèmes de production. Mais François Hollande reste convaincu que deux modèles aussi radicalement opposés peuvent coexister. Quelques amendements auraient permis de contrôler les structures, mais le PS n'a pas suivi. Les politiques veulent préserver la production plus que les producteurs. En élevage, ce qui fixe l'emploi sur les territoires, ce sont les produits élaborés. Nous ne sommes pas contre l'export, quand il valorise bien le lait. Ce n'est pas le cas des produits basiques exportés au bout du monde mais dont les marchés se trouvent à la merci d'un embargo !

Plusieurs émissions de TV ont dénoncé un certain mode d'élevage, et aussi les produits qui en sont issus. N'est-ce pas un danger pour tous les éleveurs ?

L.P. : On paie là l'absence de transparence qui prévaut dans la filière laitière. Les citoyens doivent savoir comment sont produits leurs aliments, y compris dans des fermes-usines. Nous avons souhaité les informer. Si l'on ne dit rien, ils ont le sentiment que l'on a des choses à cacher. C'est cela qui est dangereux et qui entraîne des dérapages. Ces émissions de TV l'illustrent. Mais nous avons pris nos distances avec les défenseurs du bien-être animal car leurs positions sont surréalistes.

L'organisation de la filière en 2015 n'est-elle pas plus urgente ?

L.P. : Nous y travaillons aussi car les éleveurs ont besoin de lisibilité. Les volumes ne compenseront pas les risques liés à la volatilité des prix. Or, les contrats actuels ne donnent aucune garantie sur les prix. La CP défend l'idée des organisations de producteurs transversales avec le FMB. C'est la seule voie qui permette aux éleveurs de peser. Cette organisation doit se faire à l'échelle des bassins laitiers afin d'y fixer la production. Actuellement, la filière est encore dans le déni de l'arrêt des quotas. L'État doit conduire une vraie réflexion à ce sujet. Stéphane le Foll a critiqué les contrats lors de leur mise en oeuvre, mais il n'a rien changé. Le mécanisme de gestion de crise met la barre à un niveau trop bas.

L'agrandissement est une réalité, votre rôle n'est-il pas de l'accompagner ?

L.P. : Il y a une évolution évidente vers plus de collectif. C'est une nécessité en élevage pour alléger l'astreinte. Mais il y a une question de taille et de modèle. Être paysan, c'est cultiver un lien fort avec la terre, les animaux, la nature. L'autonomie est au coeur du métier. Quand on voit son élevage à travers un ordinateur, on bascule, au risque de perdre la cohérence entre le système de production et l'environnement. C'est cette dérive qu'il faut éviter. Or, la course à l'agrandissement pousse dans ce sens. Certains se laissent entraîner dans cette spirale. À la CP, nous croyons qu'il est possible de maintenir des éleveurs nombreux sur tout le territoire. L'élevage laitier est une activité économique qui peut créer des emplois dans les fermes.

PROPOS RECUEILLIS PAR PASCALE LE CANN

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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