« Face aux difficultés, j’ai toujours cherché des solutions »

Article réservé aux abonnés.

Christophe a pris la suite de la ferme de son père Bernard. « J’ai hésité, reconnaît Christophe, même si je ne me voyais pas travailler ailleurs ». Pour Bernard : « S’il voulait reprendre c’était maintenant. Il n’avait pas trop le choix. Et d’ailleurs, heureusement que je suis encore là pour l’aider ». (©E. Durand )

En trente ans, Bernard Izard a modifié largement son exploitation. Il est passé en bio, a développé le maïs ensilage, créé une retenue d’eau, gagné en génétique et en productivité, installé un robot de traite et, surtout, il a un repreneur, son fils Christophe.

C’est en 1995 que L’Éleveur laitier rencontre pour la première fois Bernard Izard, à Mauriac (Aveyron), sur le plateau du Lévézou.

Revue L'éleveur laitier décembre 1995
Reportage paru dans L'éleveur laitier en décembre 1995.

Et trente ans plus tard, c’est son fils, Christophe, qui est aux manettes de la ferme. Il s’est installé en 2020, à 21 ans, en sortant d’un BTS Acse et d’une certification de spécialisation en conduite d’un élevage bovin lait au pôle de formation de Bernussou (chambre d’agriculture). « C’est le bazar en ce moment ! », s’exclame-t-il. La ferme est en plein « chantier bâtiment ». Avec l’installation de Christophe, les projets fleurissent : le robot de traite déjà, mis en place en 2021 et, surtout, le renouvellement du bâtiment pour davantage de confort et l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit (SAS créée). « Il faut expliquer dans votre article que tout va changer », insiste Bernard, sourire aux lèvres, à la retraite depuis dix ans, mais toujours aussi actif.

(© GFA)

Déjà, en trente ans, l’exploitation a bien évolué. Lors de notre premier passage, Bernard était seul sur la ferme. Il imaginait à l’époque « pouvoir embaucher un salarié qui pourrait par la suite prendre le statut d’associé ». finalement ce sera sa femme, Nadine, qui s’associera avec lui en 1999. Christophe naît deux ans plus tard. Installé en 1975, avec l’équivalent d’un Bac en poche, Bernard est « parti de rien », juste avec un terrain nu à la sortie du village de Mauriac. Il avait senti qu’une exploitation en plein centre-ville comme celle de son père n’avait pas d’avenir. Il commence avec 27 vaches pies noires et une stabulation ouverte.

https://dai.ly/k7C2vJJcH7z7GoDImre

Des bâtiments en perpétuelle évolution

Les bâtiments seront adaptés et agrandis au fil des ans. Pour suivre l’histoire de la ferme, il suffit de suivre celle des bâtiments. « J’ai tellement cassé et modifié dans ma vie », souligne Bernard. Avec l’installation de Nadine, la grange est agrandie, tout comme la stabulation des génisses. Bernard reconstruit un hangar de stockage avec l’argent de celui vendu dans Mauriac. Il crée un hangar à matériel en 2012. La même année, il change de salle de traite, passant d’une 2 x 4 classique à une 2x8 avec bras articulé. « Avec une 2x4, il y avait un temps mort. Avec la 2x8, nous gagnions du temps juste avec un équipement disposé différemment », rapporte Bernard.

« Si tu veux traire des vaches, il faut t’installer avec un robot », avait conseillé Bernard. Christophe a tout d’abord refusé l’idée puis a reconnu qu’il avait raison. (© E. Durand )

Et, en cette année 2025, le chantier porte sur la stabulation. « Le bâtiment était sombre, mal ventilé. Le couloir de raclage trop petit. J’avais trop de vaches boiteuses, ce qui a forcément un impact sur la production. » Christophe veut agrandir le bâtiment de 10 mètres environ pour y intégrer les vaches taries, l’ouvrir latéralement avec des filets brise-vent, mais aussi rehausser le toit, élargir le couloir de raclage, installer des logettes creuses, du photovoltaïque. « Avec la crise, nous avons reculé ces investissements », concède Christophe. Mais le chantier est là pour au moins une année. Bernard est devenu salarié de la ferme et ne s’arrête jamais, malgré ses 70 ans.

Une stabulation entièrement revue et démontée en majorité en auto-construction. Un chantier exigeant pour l'année 2025. (© E.Durand )
(© DR)

Des holsteins adaptées au territoire

Dans ses projets à lui, il se souvient de son idée, en 2002, de « faire des glaces fermières et de les commercialiser. J’avais tout préparé, évalué le projet à 100 000 €, mais Nadine a eu peur ». Il a aussi essayé de repousser des broutards ou encore de vendre des génisses pleines de race limousine. Son taureau limousin lui pose des problèmes sanitaires. Il arrête. Côté maladie, il se rappelle son achat de cinq ou six doublonnes dans le Tarn : « Issues d’un bon élevage pourtant, elles m’ont ramené la Mortellaro et la première s’est écartelée en descendant du camion, à peine arrivée. Une catastrophe ! J’aurais dû les acheter plus près. Elles ne se sont jamais habituées au contexte d’ici. J’ai perdu de l’argent. » La prim’holstein est reine chez lui et elle l’était déjà il y a en 1995. Bernard ne jurait que pas cette race. Christophe est clair lui aussi : « J’aime que mes vaches produisent. Elles se sont adaptées à notre territoire, avec le temps. Ce sont les meilleures pour produire ici. »

vaches prim'holsteins
(© E. Durand )

Dans les parcelles, pourtant, une jersiaise pointe son nez et le suit partout. « La jersiaise, c’était mon idée après un mois de stage au Canada. J’ai vu qu’elle pouvait faire du lait. Nous en avons cinq au total et je pense plutôt vendre le renouvellement qui a un bon niveau génétique », explique Christophe. Bernard avait déjà commencé un travail sur la génétique du troupeau avec de l’insémination. Il ne voulait pas de taureaux et les plans d’accouplement étaient calibrés avec le contrôle laitier. Le génotypage est arrivé quelque temps avant l’installation de Christophe, beaucoup plus passionné que son père par ce sujet. « Nous sommes depuis à Prim’Holstein France et le génotypage est maintenant systématique », confie-t-il. Du retard a été pris avec l’arrivée de la néosporose, il y a cinq ou six ans, entraînant la suppression des mères porteuses de la maladie. « Si nous poussions un peu les vaches, elles exprimeraient pleinement leur potentiel, mais ce n’est pas le but », estime Christophe. Odyssée, par exemple, a fait 57 500 litres en 4,5 lactations.

vache laitière holstein dans une prairie en été en Aveyron
Près d’une quarantaine d’hectares jouxtent la stabulation. Une partie du parcellaire est gérée en pâturage tournant dynamique (25 parcelles de 0,8 ha), mais avec la sécheresse de début d’été les clôtures sont retirées pour maximiser la surface. (© E.Durand )

Des lactations longues

La moyenne est de 11 300 l en 365 jours et nous sommes à 12,7 kg de lait par jour de vie (rang moyen de lactation : 3,2). Le vêlage a toujours été à 24 mois, sans problème. « Peut-être qu’aujourd’hui nous gardons nos vaches un peu plus longtemps », note-t-il. Sa plus vieille vache en lactation a eu son veau en 2020 – « sans refaire de veau depuis » – et affiche une production de 40 000 litres en quatre ans et demi. Elle devrait partir à l’abattoir cette année pour un bon prix. Le troupeau se compose actuellement de 60 vaches, même si, du temps de Bernard, il est monté à 70, puis redescendu à 60. Un nombre qui n’a pas vraiment vocation à augmenter car le foncier est difficile à trouver et cher. Aujourd’hui, la surface est de 84 ha. Bernard, en vrai terrien, a choisi d’investir 10 ha de foncier dans un autre département.

Gérard, le voisin qui avait influencé Bernard pour son passage en bio a aussi installé son fils. Mais lui est repassé en conventionnel. Christophe se refuse à suivre le mouvement. Il attend la fin de la crise et les débats vont bon train. (© E.Durand )

« Nous ne sommes pas bons en reproduction. Il nous faut entre deux et trois inséminations par vache pour réussir. Mais, heureusement, elles tiennent le lait », selon Christophe. Il en insémine 20 en semence sexée depuis deux ou trois ans, 20 en race pure et le reste avec du charolais. Si la génétique du troupeau a fortement évolué, un autre élément marquant reste le passage en bio, influencé par un voisin en 2016. Et l’arrivée du maïs ensilage auparavant. En 1995, cultiver le maïs était impossible à cause du climat et des 1 000 mètres d’altitude. Depuis, le climat a évolué, mais ce sont surtout les sols qui inquiètent Bernard pour demain, du fait de l’érosion et des orages qui ravinent tout. Le débat labour en bio versus semis direct avec glyphosate en conventionnel le taraude. Les prix n’aident pas. « Mais j’apprécie trop de ne plus atteler le pulvé. Et puis, le bio est plus technique », se réconforte-t-il. Toujours autonome en paille, Bernard a maintenu une réflexion poussée sur son système de pâturage. Les méteils sont arrivés en grain comme en enrubanné pour aller chercher de la protéine et de l’autonomie. Il cultive toujours des céréales. En 2006, il a construit une réserve d’eau, utile pour irriguer les maïs.

Travailler pour l’avenir

À l’image du reste, l’entreprise a aussi régulièrement changé de statut. Elle a commencé en tant qu’EARL et le restera lors de l’entrée de Nadine. Puis elle basculera en société civile laitière avec un voisin dans une quête de droits à produire. Elle repassera en EARL unipersonnelle avec Nadine lors du départ à la retraite anticipé de Bernard, pour enfin devenir un Gaec lors de l’installation de Christophe avec sa mère. Or arrive la question de la retraite de Nadine. « C’est pas pour tout de suite », affirme Bernard. Christophe imagine mal un associé. Il préférerait un salarié. Et le summum de la réussite pour Bernard réside dans l’utilisation régulière du service de remplacement. La question de se libérer du temps était déjà sa marotte il y a trente ans.

Autre événement important qui aura marqué sa carrière : « J’ai passé la main dans la distributrice. » Deux phalanges y sont restées, amputées par la suite. « J’ai eu la chance d’avoir des voisins extraordinaires. Ils sont venus traire, se remémore-t-il. Cela ne s’oublie pas ! Nous faisons un métier passionnant mais à risque. »

Réagir à cet article
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo

Danone met un pied en Bretagne

Danone

Tapez un ou plusieurs mots-clés...