Ma chronique du 8 marsLes mam'agris : ces bosseuses aux multiples casquettes

Je me souviens très bien de ce cadre accroché chez ma mère dans lequel on pouvait lire : « Il est difficile d'être une femme : il faut penser comme un homme, avoir la dignité d'une dame, travailler comme un cheval, et ressembler à une jeune fille. » Ça me faisait rire à l’époque et ça prend tout son sens aujourd’hui.

Je vous rassure tout de suite : je ne suis pas vraiment ce qu’on appelle une « féministe », mais j’avais envie en ce 8 mars -journée internationale des droits des femmes- de vous partager quelques récits de Mam’agri (c’est comme ça que j'appelle les femmes agricultrices et mamans).

Être maman est un choix propre à chacune (à respecter d’ailleurs !). Pour avoir croisé la route de nombreuses agricultrices ET mamans à plein temps, j’ai l’impression que cela relève parfois d’un parcours du combattant… Plusieurs d’entre elles ont accepté de me raconter.

Gérer les enfants à la ferme (ou gérer les enfants ET la ferme)

Installée dans les Ardennes en vaches laitières, Valérie confie : « J’ai toujours bossé en fonction de mon fils. La traite, les fromages, les veaux… Je m’adaptais. Soit il était avec moi, mais ça n’était pas toujours facile (d’autant plus quand il faisait froid), ou alors on utilisait le babyphone qui nous a bien aidé… L’avantage de notre métier est qu’on peut s’organiser comme on veut. » Agricultrice également, Sandrine partage : « On redistribue le temps, on change les horaires, mais il faut suivre. »

On attend de nous qu’on s’occupe des enfants comme si on n’avait pas de travail, et qu’on tienne le foyer comme si on n’avait pas d’enfants.

Bien sûr, certains optent pour la nounou ou la crèche. Amandine en est d’ailleurs pleinement satisfaite : « On n’y arriverait pas sans notre super nounou, où notre fille va de 8h à 18h la journée. » D’autres ont l’appui des grands-parents aussi.

D’après le retour de ces mam’agri, les enfants sont plus faciles à gérer à la ferme lorsqu’ils sont petits. « On les pose dans un coin, on mise sur la sieste », plaisantent plusieurs d’entre elles. Mais en grandissant, il faut leur trouver des activités et c’est là que ça se complique : « En général, ils aiment bien être présents à la traite, mais il ne faut pas que ça dure trop longtemps... Et il arrive que le "tateur" de papa fasse taxi. » Une vraie organisation en somme…

Le congé maternité chez les agricultrices

Je vous le dis parce que ce n’est pas un secret : j’espère pouvoir m’installer à mon tour un jour. Et vous n’imaginez même pas le nombre de personnes qui me disent : « Attends d’avoir des enfants avant de t’installer parce qu’après tu n’auras pas de congé maternité ! » Et cette réflexion, d'autres l'ont entendue avant moi (et pas seulement en agriculture, mais pour toutes les professions individuelles).

Les agricultrices ont pourtant droit au congé maternité. En 2019 même, un décret annonçait son allongement, le passant alors de 2 à 8 semaines. Mais d’après les différents retours d’agricultrices, c’est plus compliqué dans la réalité. Certaines ne trouvent personne pour les remplacer. Ou alors comme pour Nathalie, les remplacements ne se passent pas toujours très bien : « J’ai travaillé quand même car la personne ne connaissait rien aux vaches, il fallait repasser derrière et c’était trop compliqué à gérer. »

Audrey s’insurge : « Il faut que ça change, ce n’est pas normal de trouver personne pour nous remplacer ! » Cette éleveuse de chèvres s’estime pour sa part heureuse : « J’ai deux filles de 7 et 2 ans. Pour la première, je n’étais pas encore installée mais pour la deuxième, j’ai dû trouver quelqu’un pour me remplacer. Je ne le voulais pas spécialement, mais avec un accouchement par césarienne, j’étais bien obligée de m’arrêter après la naissance. J’ai finalement trouvé une remplaçante sur les réseaux sociaux. Elle avait fait quelques stages en ferme mais en travaillant un peu en binôme, je lui ai appris ma façon de faire. Et finalement ça fait du bien de s’arrêter un peu, de prendre du temps pour soi et bébé, d'autant plus qu'on y a droit alors il faut tout mettre en œuvre pour le prendre ce congé maternité ! »