« Le gras c’est bon, et en viande bovine, c’est ce qui donne du goût ! Alors si la filière en demande, elle devrait le payer ! » introduit Emmanuel Bernard, président de la section bovine d'Interbev à l'occasion du Grand angle viande organisé par l'Institut de l'élevage.
Si le regard des consommateurs quant au gras intramusculaire, ou persillé, tend à évoluer en en faisant un critère de qualité, les races allaitantes françaises ont longtemps été élevées et sélectionnées pour proposer une viande moins grasse. « Le consommateur a cela de contradictoire qu'il préfère la viande maigre en rayon, mais trouve les morceaux persillés plus goûteux dans son assiette ! » résume Annick Jentzer, responsable de la section bovine d'Interbev.
Les animaux les mieux finis sont aussi les plus persillés
Plus de 2 200 carcasses de vaches de réforme (Charolaise, Limousine et Blonde d'Aquitaine) ont été mesurées par l'Institut de l'élevage afin de faire un état des lieux des niveaux de persillé sur ces races. Environ 25 % des Charolaises et Limousines affichent des niveaux de persillé au moins égaux à 4 (sur une échelle de notation de 1 à 6), et seules 7 % des Blondes d'Aquitaine atteignent ce seuil. « Il apparaît également que les carcasses les plus persillées sont celles d'animaux plutôt gras, lourds et bien conformés. C'est essentiellement lié à l'effet de la finition sur ces critères et in fine sur le persillé », décrit Aubert Nicolazo de Barmon, du service qualité des carcasses à l'Idele. Mais même à des niveaux d'engraissement de 3, une variabilité de persillé se laisse observer.
A partir d'enquêtes en élevage auprès d'une quarantaine d'éleveurs, il a été observé que les carcasses de vaches de réforme les plus persillées proviennent d'animaux ayant consommé une alimentation à fort apport énergétique durant les différentes phases de vie de l'animal. Les veaux bénéficient en général d'une complémentation longue et soutenue, les vaches suitées ont des rations à haut niveau énergétique, ce qui peut constituer un début de finition, et la période de finition est généralement assez longue (entre 5 et 6 mois). Des travaux seront à envisager pour essayer d'identifier des itinéraires techniques permettant de produire des animaux persillés à un coût abordable.
« Le développement du persillé se déroule en deux phases. Premièrement avec la multiplication du nombre de cellules grasses (adipocytes) entre les 150 et 250 jours du veau, puis avec le grossissement de ces cellules. C'est du moins ce qui est observé sur les races asiatiques, ou anglo-saxonnes », explique Aubert Nicolazo de Barmon. « La conduite des jeunes veaux sur le niveau de persillé est une piste à approfondir, pour proposer une viande persillée sans forcément utiliser plus de concentré. Il y a peut-être des itinéraires techniques à étudier, avec une complémentation assez forte des jeunes veaux, puis une conduite plus économe. »
Une grille de notation pour les entreprises volontaires
En 2022, un accord interprofessionnel sur l’évaluation du persillé sur les carcasses de bovins de plus de 8 mois a été adopté. « La grille interprofessionnelle de mesure du persillé a été conçue pour garantir une harmonisation des notes entre les établissements d'abattage. Cette grille d’évaluation du niveau de persillé de la carcasse est composée de 6 niveaux (de la classe 1 pas de persillé, à la classe 6 très persillée). La notation se fait sur l’avant de la carcasse, après découpe primaire, au niveau de la 5e côte sur la noix », précise Interbev. Les outils d'abattage décidant de réaliser une évaluation du persillé sur tout ou partie de leurs carcasses doivent obligatoirement utiliser la grille interprofessionnelle, et se former à son utilisation.
Une rémunération à la clé ?
Difficile encore de se positionner sur les conséquences de cette grille de notation sur la valorisation des bovins, cette dernière étant encore peu répandue dans la filière. Pour Annick Jentzer, « nous verrons comment les abatteurs l'utilisent, mais s'il y a une demande du marché pour le persillé, il serait logique que l'éleveur en bénéficie ».
Contacté afin d'obtenir davantage d'informations sur la rémunération de ce nouveau critère, Interbev explique que « les études techniques en cours au niveau de l’Institut de l’Elevage montrent que le dépôt de persillé est très lié à la conduite alimentaire des animaux, confirmant le bénéfice de finitions longues et avec des niveaux énergétiques soutenus, et semblant également avancer l’intérêt d’une complémentation au jeune âge. Les études doivent se poursuivre pour confirmer ces premières hypothèses et mieux comprendre les mécanismes, en intégrant une approche économique pour mesurer le coût de ces changements de pratiques au niveau de l’élevage pour favoriser leur juste rémunération et la création de valeur dans la filière. »
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