
Anne Quinquis et Alain Normant ont choisi une conduite d’élevage bio fondée sur l’autonomie, la monotraite et les vêlages de printemps. Une efficacité économique qui leur assure un revenu avec 230 000 litres de lait livré.
Un coût de concentré égal à zéro, 3 069 litres de lait livré par vache à 48,7 de TB et 35,5 de TP, pour une marge brute supérieure de 50 € au prix du lait. Ces quelques données chiffrées de l’exploitation d’Alain Normant donnent un premier aperçu d’une conduite d’élevage pour le moins atypique.
Lorsqu’il prend la succession de ses parents, en 1989, après quatre années en tant qu’aide familiale, Alain Normant s’installe sur un système des plus classiques : 35 prim’holsteins en étable entravée, 20 ha de maïs, 20 ha de céréales, 20 ha d’herbe et un atelier d’engraissement de porcs charcutiers comprenant jusqu’à 400 places. « J’ai toujours voulu m’installer en élevage laitier, se souvient Alain. Dans ce système, je trouvais la production porcine très complémentaire des cultures, grâce à la production de lisier. » L’atelier d’engraissement perdurera jusqu’en 2015.
« Passer d’abord par un système herbager bas intrants avant la conversion »
Du côté du troupeau laitier, l’éleveur recherche d’abord à intensifier la productivité, avec des rations à base de maïs et de ray-grass d’Italie. En 1992, il prend part à la création d’un groupe d’échange Atout lait. Dans ce cadre, il découvre des exploitations herbagères et bio lors de visites organisées. « Ce fut l’occasion de voir les marges réalisées par ces éleveurs engagés dans une voie plus économe. C’est la visited’exploitation chez Jean-Yves Penn (Morbihan) et, plus tard, chez Erwan Le Roux (Finistère), qui a été l’élément déclencheur de ma réflexion autour de la bio. » Une simulation technico-économique faite par la chambre d’agriculture confirme la faisabilité d’une conversion. Mais Alain ne souhaite pas brûler les étapes et signe dans un premier temps, en 2001, un CTE « système herbager bas intrants », dont le cahier des charges est moins contraignant.
D’un point de vue technique, le troupeau compte alors 55 vaches pour 300 000 litres de lait livré. Elles sont logées dans une stabulation à aire paillée construite en 1995, en même temps qu’une nouvelle salle de traite. Alain double la surface en herbe avec des prairies à base de RGA-TB sur les parcelles les plus proches et des mélanges suisses. Il conserve néanmoins 5 ha de maïs qui intègre encore un tiers de la ration hivernale. « Le CTE m’a permis de mûrir ma réflexion et surtout d’apprendre à gérer le pâturage tournant et l’herbe disponible. Je conseillerais volontiers de passer par cette étape avant la conversion. » Lors de cette période, Alain insuffle du sang jersiais dès 2007. Il met en œuvre progressivement la monotraite : d’abord pendant le premier mois de lactation, puis pendant les quatre premiers mois en prolongeant chaque année d’un mois le principe d’une traite par jour. Finalement, il franchit le pas de la conversion bio en 2009.
Le nouveau cahier des charges signe petit à petit le passage à des vêlages groupés de printemps – pour caler les besoins des animaux sur la pousse de l’herbe – , l’abandon du maïs au profit d’un assolement 100 % herbe, et la monotraite intégrale, accompagnée d’un accroissement de cheptel pour compenser la baisse de production. Puis, en 2013, son épouse, Anne Quinquis, quitte son emploi d’infirmière pour le rejoindre en tant que salariée sur l’exploitation.
La salle de traite est fermée deux mois pendant l’hiver
« Bien que fille d’éleveurs, je ne pensais pas m’installer, explique-t-elle. Mais j’étais motivée par ce système de production respectueux de l’environnement, et par le choix de la monotraite qui est déterminante pour la qualité de vie de notre famille, avec deux enfants de 16 et 18 ans. » Ici, l’astreinte est évaluée entre quatre et cinq heures par jour et les vêlages groupés autorisent depuis trois ans la fermeture de la salle de traite pendant deux mois l’hiver. Pour autant, le couple doit faire face à une forte charge de travail entre la fin de l’hiver et l’été où se concentrent tous les vêlages, l’allaitement des veaux, la mise à la reproduction, la gestion des pâtures, la fauche et l’adoption des petites génisses par des vaches nourrices.
La gestion du pâturage est la clé de voûte du système, de même que la reproduction. Celle-ci débute vers le 25 mai jusqu’au mois de juillet. Les vaches les plus décalées sont vendues en lait pour profiter de la forte demande d’animaux croisés sur le marché. Au plus tard, tout le troupeau est tari fin décembre, pour une reprise de la traite vers le 1er mars. Cette pratique exige une grande rigueur et, en la matière, les performances sont assez bluffantes : un IVV de 368 jours, une moyenne de 1,3 IA/vache, un taux de réussite en 1re IA sur multipares de 82,6 %. Les génisses sont mises au taureau dès 14 mois en vue de vêlages à deux ans, essentiels pour éviter les décalages. Ainsi, cette année, 66 vêlages ont eu lieu entre le 23 février et le 23 mars.
Pendant les trois premières semaines de lactation, la ration se compose de deux tiers de foin et un tiers d’herbe pâturée puis évolue vers le tout-herbe, pour une production comprise entre 17 et 18 litres de lait. Au mois d’août, malgré des terres séchantes, l’herbe représente encore un tiers de la ration, complétée par de l’enrubannage de qualité issu d’une première coupeprécoce. Les coupes suivantes sont fanées et/ou ensilées avec une remorque automotrice à un stade avancé (fourrage à 10 % de MAT) pour faire du stock destiné à l’alimentation au tarissement. « La monotraite et les moindres performances laitières permettent aux animaux de rester en état et d’avoir assez d’énergie, avec l’herbe pâturée, pour exprimer les chaleurs et féconder, analyse Gaëtan Ploteau, le conseiller BCEL Ouest. Cela, malgré l’absence totale de concentrés dans la ration tout au long de la vie des animaux. » En effet, les seuls achats sont les minéraux, le sel et de l’argile mis en libre-service.
« Nous privilégions la fertilité pour les doses d’IA »
« Pour le choix des doses d’IA, je privilégie la fertilité, souligne Alain. J’insémine dans une logique de croisement 5 voies : holstein néo-zélandaise, jersiaise néo-zélandaise, jersiaise danoise, montbéliarde et rouge scandinave. Mon objectif est d’avoir 50 % de sang de jersiaise car c’est la plus efficace pour valoriser l’herbe. Une fois sur deux, j’utilise donc des doses jersiaises en mixant néo-zélandais et danois pour diversifier les origines. » Ce schéma concerne les meilleures souches du troupeau. Parallèlement, un tiers des IA sont réalisées avec des doses blanc bleu belge. Ces veaux sont élevés sous la mère pendant quinze jours pour optimiser le produit viande. Les veaux issus du taureau jersiais sur primipares n’ayant aucune valeur, ils sont vendus en colis après 2,5 mois d’allaitement au prix de 15 €/kg.
« Notre outil sera plus facilement transmissible »
« La plus-value bio a permis d’arrêter la production porcine, de sécuriser le revenu pour deux et d’embaucher, explique Alain. Ce système que l’on peut qualifier de low cost, avec un minimum d’achats, nous permet aussi d’être plus résilients aux aléas, comme en 2017 où nous avons dû acheter 7 ha d’herbe en raison des mauvaises conditions climatiques. J’essaye d’y remédier en intégrant le pâturage de 8 ha de parcelles sous bois. Au final, nous gagnons plus, nous travaillons moins et en limitant la capitalisation, notre outil sera plus facilement transmissible. Si nous avons un seul regret, c’est de ne pas avoir commencé plus tôt. »
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