
Les laitières supportent mal la chaleur. Dans l’ouest et le nord de la France, des températures à 22 °C et plus deviennent monnaie courante. Le trouble des vaches est accentué par l’humidité due au climat océanique. Interview d'Émilie Poyard, référente bâtiment et environnement à Elvup (Orne).
En quoi l’ouest de la France est-il concerné par le réchauffement climatique ?
Émilie Poyard : Les vaches font des efforts d’adaptation à partir de 22 °C. Ce niveau de température est désormais fréquent de la Bretagne au nord de la France. Sur ces territoires au climat océanique s’ajoutent des taux d’humidité élevés qui gênent les animaux. Ces deux composantes sont la source de leur stress thermique, qui est traduit dans l’indicateur THI (Temperature Humidity Index). Les laitières sont considérées en léger stress thermique à partir de 68 de THI et en stress marqué à partir de 78. Dans l’Orne, le THI moyen durant les périodes de stress thermique des six dernières années s’élève à 72,7. Le suivi qu’Elvup a engagé en 2019 met en lumière des pertes de production. Ainsi, en 2019 et 2022, toutes les deux caniculaires, la perte moyenne de production, cumulée sur trois mois et demi d’été, est évaluée à 127,3 kg par vache pour la première année et à 122,5 kg pour la seconde. Se déplaçant moins, les vaches ont mangé moins : 61 kg à 63 kg de matière sèche par vache ingérés en moins.
Quelles sont les adaptations possibles durant les fortes chaleurs ?
E. P. : La première est de distribuer la ration à l’auge quand il fait plus frais dans la journée, c’est-à-dire le matin et en fin d’après-midi, une fois que les rayons du soleil ne tombent plus sur la table d’alimentation. Moins gênée par la chaleur, la laitière s’y déplacera plus aisément pour s’alimenter. De plus, le maïs ensilage chauffera moins. Si les laitières pâturent, il faut privilégier le pâturage de nuit, encore plus si le bâtiment est mal ventilé ou la prairie insuffisamment ombragée. Dans l’ouest et le nord de la France, nous avons la chance que les températures baissent la nuit.
La deuxième adaptation est l’apport d’au moins 250 g par vache de bicarbonate de sodium pour contrer les pertes d’éléments minéraux et l’acidose sanguine dues à leur transpiration. La quantité de sels et minéraux habituels peut être également augmentée.
Faut-il ajouter de l’eau dans la ration ?
E. P. : L’objectif est d’encourager la consommation de la ration totale et ainsi de maintenir l’état corporel et la production laitière. Si sa teneur en matière sèche est supérieure à 40 %, l’ajout d’eau l’abaissera et améliorera l’ingestion. On considère que 5 litres d’eau par vache et par jour la diminue de 5 %, cela pour une ration à 18 kg de MS. Limiter la taille des fibres, par exemple en proscrivant le foin et l’enrubannage, favorisera aussi l’ingestion et contiendra les fermentations ruminales qui sont source de chaleur corporelle. Néanmoins, il ne faut pas descendre sous les 18 % de cellulose brute dans la ration. Une concentration supplémentaire en énergie de la ration compensera également partiellement la baisse d’ingestion. Idéalement, elle ne se fait pas sous forme d’amidon mais par un apport de matière grasse saturée qui est une énergie froide. Elle ne sollicite pas la fermentation ruminale.
L’apport d’additifs a-t-il un intérêt ?
E. P. : Selon Elvup, les seuls qui vaillent la peine sont le bicarbonate de sodium et le potassium. Les additifs intéressants sont ceux qui interviennent sur la Baca pour éviter l’acidose.
Quels sont les aménagements de bâtiment à mener impérativement ?
E. P. : L’abreuvement est essentiel. Les abreuvoirs individuels à pipette ne sont pas préconisés. Les abreuvoirs collectifs sont plus adaptés car ils permettent une réserve de 20 à 25 litres d’eau. Pour éviter la compétition entre les laitières, l’Institut de l’élevage conseille un abreuvoir pour dix à raison de 10 cm par vache. Les bacs sont nettoyés deux fois par jour pour proposer une eau propre. Une vidange ou un vidage rapides faciliteront la tâche. Au pâturage, les abreuvoirs doivent être espacés de 200 mètres au maximum et dotés d’un débit de 3 m3 par heure. Leur forme rectangulaire limite l’agressivité des dominantes par rapport aux dominées.
Faut-il investir dans des ventilateurs ?
E. P. : Investir dans des ventilateurs mécaniques peut être envisagé si l’amélioration de la ventilation naturelle de la stabulation et plus généralement des conditions d’hébergement s’avère insuffisante. Le besoin de renouvellement de l’air de l’ensemble du bâtiment est défini à 30 fois par heure. Il est compliqué à assurer si le bâtiment n’est pas perpendiculaire aux vents et/ou s’il est large de plus de 20 mètres. La ventilation mécanique y remédiera pour assurer une vitesse d’air sur les animaux de 2 mètres par seconde. A minima, on peut installer des ventilateurs au-dessus du parc d’attente de la salle de traite, couplés à un douchage pour refroidir les vaches. L’idéal est un déclenchement à partir d’un niveau de THI que l’équipement calculera grâce à ses capteurs de température et d’humidité. L’objectif est de refroidir l’animal par l’air, et éventuellement par l’eau si les conditions en sont bien maîtrisées.
Comment résoudre le problème des translucides dans les toitures ?
E. P. : Effectivement, l’amélioration du bâtiment ne sera pas complète si elle ne résout pas le rayonnement solaire généré par les plaques translucides dans la toiture. Les remplacer par des plaques en fibrociment classiques est la meilleure solution. Sinon les peindre avec de la peinture blanche pour serre permet de rejeter les rayons ultraviolets.
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