Pour les fournisseurs de poussins, le virus et le vaccin perturbent les affaires

Manipulés avec précaution, des chariots d'œufs rejoignent un incubateur. Des dindonneaux duveteux écloront quatre semaines plus tard. Ce secteur clé pour la production de volailles craint de perdre encore des marchés à l'export si des pays se méfient d'une France réduite à vacciner contre la grippe aviaire.

Méconnue, l'activité de sélectionner et couver les futures volailles est stratégique : pas de poulet sans poussin, pas de poussin sans œuf, et il est très rare que l'éclosion ait lieu à la ferme.

Un établissement de l'ouest de la France, le plus grand couvoir européen pour les dindes, a exceptionnellement montré une partie de ses installations à des journalistes lors d'une visite organisée par l'interprofession française de la volaille (Anvol).

Dans une salle maintenue autour de 17 degrés, sont stockés des dizaines de milliers d'œufs, en provenance de fermes où des dindes ont été inséminées. Ces derniers sont en principe fertiles et attendent d'être incubés sur place, c'est-à-dire artificiellement couvés jusqu'à éclosion, ou expédiés ailleurs en Europe, au Moyen-Orient ou en Afrique. Là, d'autres professionnels se chargeront de les incuber.

Derrière les portes blanches des incubateurs aux allures de chambres fortes, température, humidité et ventilation sont contrôlées en permanence. Régulièrement, les plateaux d'œufs sont inclinés automatiquement pour reproduire les mouvements d'une dinde qui couve ses futurs petits. L'objectif est qu'un maximum de dindonneaux sortent, viables, de leur coquille, pour être expédiés dans la foulée vers les élevages.

Ce couvoir appartient à une filiale (Hybrid Turkeys) du groupe néerlandais Hendrix Genetics, un des principaux acteurs mondiaux de la sélection génétique et de l'accouvage des volailles, avec l'allemand EW (pour Erich Wesjohann). Deux entreprises françaises, Orvia et Grimaud, sont positionnées sur le marché des canards.

« Pas sans risque »

Bien implanté en France, principalement dans la région Pays de la Loire, le secteur représentait 4 500 emplois directs et près de 900 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019, dont un quart à l'export, selon les données de l'institut technique de l'aviculture (Itavi). Pour Hybrid Turkeys, c'est même 80 % du chiffre d'affaires qui dépend de l'export, selon Laurent Souti, un de ses dirigeants.

Or ce débouché est ultra malmené par la grippe aviaire qui a sévi en France de 2015 à 2017 puis quasiment en continu depuis fin 2020. Dès qu'un cas se déclare dans un élevage, le pays concerné perd au niveau commercial son statut « indemne ». La conséquence pour les pays européens, dont la France, est la fermeture de marchés à l'export hors UE, comme la Chine, qui refuse alors tout produit avicole en provenance du pays contaminé (viande, poussins et œufs à couver).

Certains pays, comme le Maroc, ont continué à commercer avec la France, à condition que les sites de production soient situés à distance des zones infectées par le virus. Ce fragile édifice a été balayé par les vagues de grippe aviaire de 2022 qui ont foudroyé la production dans les Pays de la Loire, tout autour du couvoir Hybrid Turkeys. « Le couvoir a été bloqué deux fois, la production ne valait plus rien, il a fallu détruire les stocks » d'œufs, décrit M. Souti, évoquant « plusieurs millions d'euros de manque à gagner ».

Il n'y a plus de cas dans la région depuis janvier et le couvoir espère reprendre les expéditions vers le Maroc, la Tunisie ou la Côte d'Ivoire. « Si on ne peut plus exporter, ça n'a pas de sens de continuer l'activité en France », affirme Laurent Souti. Une mise à garde à peine voilée : son groupe, « international », pourrait délocaliser, d'autant que la future vaccination amène son lot d'incertitudes.

La France compte vacciner les canards d'élevage contre la grippe aviaire en octobre. Les professionnels redoutent que des pays interdisent dès lors d'importer des produits avicoles français, au motif que le virus pourrait continuer à circuler à bas bruit. « La vaccination est une piste intéressante mais pas sans risque », estime M. Souti.

Le lobby de la volaille Anvol se dit favorable à la vaccination « car la situation n'est pas tenable » sur le front de la grippe aviaire. Mais, explique son directeur Yann Nédélec, l'interprofession demande à l'État de déployer une « diplomatie sanitaire active » pour « garantir que la plupart de l'export sera sécurisé ».

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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