Le miscanthus : quésaco ? Aussi appelée « herbe à éléphant », cette plante qui peut atteindre jusqu’à 4 m de hauteur sur pied connait divers débouchés : elle s’utilise en copeaux dans le paillage horticole, en litière pour les volailles mais aussi pour de plus gros animaux comme les bovins et équins. Néanmoins, c’est dans la ration de ses vaches que Henri Devillepoix l’utilise.
Henri Devillepoix élève avec sa femme 70 Prim'holsteins à Vron (80). Il intègre depuis trois ans du miscanthus dans la ration de ses vaches : « Nous avions de gros problèmes au niveau des taux, explique-t-il, le TB avait chuté à 33 g. Pourtant, nous n’observions aucun signe d’acidose. Mon nutritionniste de l’époque me conseillait de mettre de la paille dans la ration mais ma mélangeuse ne possédant pas de couteaux, il aurait fallu une paille coupée très fine de base. » En échangeant avec d’autres éleveurs, Henri réfléchissait aux anas de lin mais le prix l’en a dissuadé. Il s’est alors tourné vers le miscanthus, qui en plus est produit dans son département.
« Pour un premier essai, nous nous sommes faits livrer 6 tonnes de miscanthus et l’avons distribué à raison de 500 g/vache/jour, se souvient l’éleveur, en plus de notre ration classique (maïs, pulpe, drèches, aliment liquide). Très vite, le TB est passé de 33 à 37,5 pour être aujourd’hui au-dessus de 39 g. On constatait pourtant que tout ressortait dans les bouses durant les trois premières semaines. Philippe Colin, notre fournisseur, nous assurait qu’il fallait laisser un temps d’adaptation aux vaches. Et en effet, on en trouvait de moins en moins au fil des jours. Aujourd’hui, on est à environ 400 g/vache/jour pour un prix de 240 €/tonne, soit un coût de 10 centimes/jour/vache. »
Le miscanthus n’a pas de valeur alimentaire
Le miscanthus est livré à la ferme en semi-remorque (environ 6 tonnes tous les 6 mois). Il est baillé dans le corps de ferme devant les silos de maïs et est ensuite repris au godet pour être mis à l’abri dans un bâtiment (le camion ne passant pas sous le hangar). La quantité intégrée dans la ration varie en fonction des valeurs du maïs. « Si le maïs est un peu plus fibreux, j’aurais tendance à réduire la part de miscanthus, explique l’éleveur, néanmoins je ne le compte pas dans le calcul de ration. Pour moi, il n’a ni valeur alimentaire ni influence sur la production de lait. Il ne sert qu’à piquer le rumen. »
« Je n’ai jamais été tenté d’arrêter, par peur de revoir arriver les problèmes, confie l’éleveur. Le TB est même monté à 41 g/kg lorsqu’on est passé sur le nouveau maïs. Le surcoût engendré par l’intégration du miscanthus est compensé par la prime de la laiterie. On n’en retrouve que très peu dans les refus. De plus, la ration est mélangée donc les vaches ne peuvent pas le trier. »
L’avis de Philipe Colin, producteur de 250 ha de miscanthus
En cultivant 245 ha de miscanthus dans la Somme avec un rendement moyen de 12 t/ha, Philippe Colin est un expert de l'herbe à éléphant. Il l’affirme : son principal débouché reste l’alimentation des vaches : « 1 000 tonnes partent chaque année dans différents élevages des Hauts-de-France principalement pour alimenter des vaches laitières, même si depuis deux ans ce secteur est en baisse à cause de la crise du lait et d’un grand nombre de cessations d’activité. Néanmoins, si certains ont tenté de supprimer le miscanthus dans leur ration pour diminuer leur coût, beaucoup ont fait machine arrière car aucun autre produit n’est aussi performant pour la rumination », confie-t-il.
Contrairement au miscanthus brut que l’on trouve chez beaucoup de revendeurs, le "rumine-fort" comme il le surnomme est retravaillé pour entrer dans la ration des animaux : il est effeuillé et dépoussiéré. Pour ce qui est du rationnement, Philippe Colin a tendance à dire que le miscanthus est très similaire à la paille : « D’après plusieurs analyses, le miscanthus présenterait des valeurs alimentaires proches. L’avantage c’est qu’un éleveur en distribue trois à quatre fois moins puisqu’on se situe autour de 500 à 600 g/vache/jour au maximum. »