« Je teste des capteurs pour améliorer mon système d'élevage »

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Pierre Milin, éléveur laitier dans le Finistère, a changé ses pratiques. Il cure tous les trois mois et apporte des bactéries et champignons au moment du paillage pour favoriser le compostage. (©P.Le Cann)

Éleveur dans le Finistère, Pierre Milin fait partie des fermes pilotes d’Innoval. De multiples capteurs installés chez lui l’ont aidé à améliorer l’ambiance de son bâtiment et l’abreuvement des vaches. Il trouve la démarche enrichissante.

Installé en Gaec à Cléder, dans le Finistère, Pierre Milin se charge de l’activité laitière tandis que son associé s’occupe des légumes avec cinq salariés. Il produit 1,4 Ml de lait avec 125 vaches. La traite est robotisée depuis deux ans. « Avant, il fallait deux personnes pour traire et cela prenait plus de deux heures et demie », raconte-t-il. 

"La pose de capteurs d'ambiance m'a aidé à venir à bout d'une explosion des mammites ", assure Pierre Milin. (© P.Le Cann)

Pierre recherche un équilibre entre son travail et sa vie de famille. Son épouse travaille à l’extérieur. Le matin, en semaine, il veut se rendre disponible pour s’occuper de ses enfants à 8 heures. « Je vise un système simple, mon associé et les salariés doivent pouvoir me remplacer sans problème le week-end. » À la suite de la mise en service des robots, les mammites ont explosé. L’éleveur a tout tenté pour en venir à bout. Il a fait intervenir un géobiologue, réformé 60 vaches... Les frais vétérinaires sont montés à plus de 3 000 €/mois et la charge de travail s’est alourdie. Mais rien ne fonctionnait. Chaque semaine, de nouvelles mammites se déclaraient.

Les capteurs mesurent un excès d’ammoniac

Les vaches étant logées sur deux aires paillées et disposant chacune de 10 m2, l’éleveur paillait tous les jours et curait une fois par semaine. Il voyait qu’elles avaient tendance à se regrouper aux extrémités du bâtiment, comme si elles cherchaient de l’air. Quand elles sortaient, elles rechignaient ensuite à revenir dans le bâtiment. Des ventilateurs ont été installés quelques mois après le robot pour améliorer l’ambiance mais cela n’a pas suffi. Au même moment, Innoval cherchait à créer un réseau de fermes pilotes dans le cadre de son projet Innoval 4.0 (lire l’encadré page suivante). Les actions proposées variaient selon les élevages et Pierre a décidé d’y participer. Il trouvait la démarche intéressante, mais il voulait aussi mieux connaître l’ambiance dans son bâtiment. Des capteurs ont été installés à plusieurs endroits pour mesurer l’humidité, la température, la teneur en ammoniac et en CO2 et la vitesse du vent. Les données météo locales sont également recueillies auprès de Météo France (température, humidité). Des sondes de température ont été placées dans la litière. Les données sont mesurées toutes les dix minutes, 24 heures sur 24. La précision est donc bien meilleure qu’avec un diagnostic d’ambiance, qui reste ponctuel.

Disposés en différents endroits du bâtiment, les capteurs mesurent l'humidité, la température, l'ammoniac et le CO2. (© P.Le Cann)

Les capteurs ont révélé une présence excessive d’ammoniac dans le bâtiment, jusqu’à 18 ppm. L’éleveur n’a pas été surpris car il le sentait. Cela résultait à la fois d’une fréquence de curage trop élevée et d’une évacuation insuffisante de l’air. Les ventilateurs plaquent l’air vers le bas et la conception du bâtiment prévoyait une sortie par le toit. Des ouvertures ont été pratiquées à la tronçonneuse sur les côtés au niveau du bardage en bois. Depuis un an, l’éleveur ne cure plus que tous les trois mois et, quand il paille, il ajoute des bactéries et des champignons qui favorisent le compostage. « Depuis que je le fais, je vois que la litière est plus ferme, le tracteur ne s’y enfonce pas. »

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Les ventilateurs mis en route en fonction du THI

Il a également observé une meilleure répartition des animaux sur l’ensemble des deux aires paillées. Les capteurs ont confirmé l’amélioration, la teneur en ammoniac est tombée à 2-3 ppm. Les taux cellulaires sont revenus à 80 000-100 000 et les mammites ont cessé. Actuellement, la production quotidienne s’élève à 35 kg par vache dans un troupeau comptant 50 primipares pour 110 vaches. C’est 5 kg de plus qu’avant la mise en place du robot. Une prochaine étape visera à regarder le lien entre la qualité de l’air et la production laitière.

Par ailleurs, durant les périodes chaudes, les capteurs ont mesuré l’écart de température entre l’extérieur et l’intérieur : il va de 2 à 7 °C selon les endroits. « J’ai plus de translucides sur une partie du toit et, bien sûr, c’est là qu’il fait le plus chaud », constate l’éleveur. Il a prévu d’en enlever une partie pour conserver une température plus fraîche à l’intérieur.

Pierre Milin estime que grâce au robot de traite, il connait mieux ses vaches. (© P.Le Cann)

Pierre va continuer à suivre les informations relevées par les capteurs afin d’optimiser le confort dans le bâtiment. « Ici, dans le nord du Finistère, les journées très chaudes sont rares, mais nous sommes à 3 km de la mer et les taux d’humidité sont élevés », explique-t-il. Or le stress thermique est évalué par le THI (Temperature Humidity Index), qui combine température et humidité. Il arrive que l’éleveur estime la température conforme aux besoins des animaux mais qu’en raison de l’humidité, le THI soit élevé. La connaissance de son niveau lui donne une alerte et l’incite à faire tourner les ventilateurs. Depuis qu’il dispose des informations des capteurs et qu’il les utilise pour décider d’actionner les ventilateurs, il a remarqué aussi que la litière était plus sèche. Le bâtiment est sain et, si une dégradation survenait, l’éleveur le saurait tout de suite.

Cette démarche a bien plu à l’éleveur. Curieux, il aime bien l’idée d’innover et de tester des nouveautés. Dans le cadre d’Innoval 4.0, il s’est intéressé ensuite à la consommation d’eau dans sa ferme. Là aussi, divers capteurs ont été installés au niveau du compteur général et de chaque abreuvoir. Les données sont comparées à un calcul théorique de la consommation quotidienne par vache. Il prend en compte la composition de la ration, le niveau de production et la météo.

Pierre utilise l’eau d’un forage. Il en analyse la qualité tous les deux mois. Les mesures réalisées par les capteurs ont révélé une sous-consommation d’eau par les vaches. Après vérification, l’éleveur a vu que les abreuvoirs n’étaient pas suffisamment propres.

Créer des alertes pour rester sereins

Des micro-algues s’y développaient, l’eau était contaminée. Les canalisations ont été nettoyées et Pierre a installé une station de traitement de l’eau au peroxyde. Depuis, les abreuvoirs restent propres et les vaches boivent autant que nécessaire. « Ce suivi est intéressant pour anticiper et donc prévenir une baisse de production laitière », constate Pierre. Car quand une vache ne boit pas assez, sa production baisse avec un décalage d’un ou deux jours.

Sébastien Prudhomme, responsable de projet chez Innoval : "Le projet Innoval 4.0 vise à collecter un maximum de données en élevage afin d'anticiper les problèmes et d'avertir l'éleveur et son conseiller." (© P.Le Cann)

« Les informations issues des différents capteurs sont traitées par un logiciel, iCownect, que les adhérents d’Innoval utilisent déjà. L’éleveur reçoit des alertes en cas de dérapage, son conseiller aussi », précise Sébastien Prodhomme, responsable de projet chez Innoval. Il ne s’agit pas d’inonder l’éleveur d’informations. L’objectif est de proposer des actions si nécessaire, et d’abord de comprendre. Par exemple, une surconsommation d’eau est souvent due à une fuite. Mais il arrive aussi qu’elle s’explique plus simplement, parce que l’éleveur a rempli son pulvérisateur, par exemple. « Le croisement des données mesurées avec les informations de l’éleveur est indispensable. » Toutefois, ce dernier n’a pas besoin de surveiller en permanence. Le système est conçu pour lui apporter de la sérénité.

L’ambiance du bâtiment et l’abreuvement étant sous contrôle, Pierre veut poursuivre pour améliorer d’autres points. Il souhaite avancer pas à pas. Des tests sont en cours pour prévoir les rendements et la qualité des cultures, notamment du maïs, ainsi que la date de récolte optimale. Les données collectées concernent la nature du sol, la météo, les variétés mises en place, les apports d’engrais ou d’effluents, les traitements, etc.

Des caméras pour voir le comportement des vaches

« La production de légumes est rentable et donc je veux la conserver. Il me manque environ 20 hectares pour produire le maïs dont j’ai besoin. » Pierre voit dans la prévision du rendement un moyen de calculer avec plus de précision le volume de fourrages dont il aura besoin. Il pourra mieux anticiper ses achats. Ce type d’informations peut aussi être utile pour évaluer les besoins en correcteur azoté et, éventuellement, anticiper les commandes.

Ensuite, l’éleveur envisage de placer des caméras capables de reconnaître les vaches, donc de les suivre. « Je pense que cela m’apprendra beaucoup sur leur comportement, et je pourrai progresser encore. » L’idée est de mesurer le temps passé au repos, à l’auge ou au robot, et de le comparer aux besoins des animaux. Là aussi, en fonction des résultats, des corrections pourront être apportées. Elles amélioreront à la fois le bien-être des animaux et leur productivité. « Je me rends compte que grâce au robot de traite, je connais beaucoup mieux mes animaux, je suis plus proche de mes vaches. Ces informations qu’il me fournit peuvent être couplées avec d’autres, comme celles des capteurs, dans un esprit de meilleure compréhension et afin d’anticiper les problèmes au lieu de les corriger quand ils surviennent », conclut l’éleveur. Si l’année suivant la mise en service du robot a été éprouvante, aujourd’hui, le système est bien calé et Pierre va travailler avec plaisir.

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