« LA CONDUITE DES CROISÉES EST PLUS FACILE »

« Je mise plus sur le croisement que la sélection génomique en race pure pour regagner rapidement de la rusticité. Il y a urgence avec un prix du lait ici à 300 €/1 000 l qui couvre juste nos frais », explique José Ramon Sainz de la Maza (au centre), en compagnie de deux de ses seize salariés. Photo © F.E.
« Je mise plus sur le croisement que la sélection génomique en race pure pour regagner rapidement de la rusticité. Il y a urgence avec un prix du lait ici à 300 €/1 000 l qui couvre juste nos frais », explique José Ramon Sainz de la Maza (au centre), en compagnie de deux de ses seize salariés. Photo © F.E. (©)

Comme en Californie, en Espagne, de grands troupeaux holsteins sont croisés pour regagner en rusticité. En 2005, José Ramon et Fernando Sainz de la Maza ont commencé à inséminer leurs 900 vaches avec du montbéliard et du rouge suédois.

EN 2005, NOUS AVONS ENTENDU PARLER DES CROISEMENTS qui se pratiquaient aux États-Unis. À l'époque, le technicien de la Conafe (Confederación de Asociaciones de Frisona Española) qui raisonnait les accouplements nous disait chaque mois que le choix devenait un peu plus difficile, la consanguinité augmentant. Mais surtout, la fertilité se dégradait, l'intervalle entre les vêlages atteignait 463 jours en 2004 et les mammites se multipliaient. La longévité se réduisait, nous n'étions plus qu'à une moyenne de 2,3 lactations par vache, et le coût du renouvellement grimpait. Nous devions réagir », raconte José Ramon Sainz de la Maza.

Avec son cousin Fernando, il élève 900 vaches laitières et 1 000 génisses à Linyola, en Catalogne (Espagne).

Pour en savoir plus sur ces croisements, José Ramon et Fernando n'hésitent pas à franchir l'Atlantique pour rencontrer des éleveurs qui ont osé les pratiquer. Convaincus que c'est une solution à leurs problèmes, ils se lancent à fond dès leur retour. Ils commencent par inséminer les génisses et les vaches holsteins les plus petites avec des taureaux rouges suédois, d'un gabarit plus réduit, et les autres avec du montbéliard.

« QUAND UNE CROISÉE TOMBE, NOUS LA SOIGNONS AVEC SUCCÈS »

Au 31 mai 2009, 676 génisses F1 étaient nées. « Puis, nous avons inséminé les croisées holstein x montbéliard avec du rouge suédois, et les holstein x rouge suédois avec du montbéliard », précise José Ramon. 89 génisses F2 sont déjà nées.

Parmi ces dernières, quelques unes seront bientôt inséminées avec du holstein, suivant le principe du croisement à trois voies préconisé aux États-Unis. Pour juger pleinement des résultats, il faudra évidemment attendre que tout le troupeau soit en croisement. Mais, d'ores et déjà, les premiers constats sont encourageants.

En mai 2009, 210 génisses F1 avaient commencé à produire sur un effectif de 820 vaches traites. Sur 160 à 180 jours de lactation, elles ont donné entre 31 et 33 kg de lait de moyenne par jour. « Les taux ont peu varié et la perte de productivité ne dépasse pas 5 %. C'est acceptable, compte tenu des progrès enregistrés par ailleurs », estime José Ramon. La fertilité s'est améliorée, avec un intervalle moyen entre vêlage et IA fécondante de 92 jours pour les F1, contre 150 jours pour les holsteins. Le nombre de mammites s'est fortement réduit.

« Sur les 210 génisses F1 qui ont débuté leur lactation, nous n'avons eu que quatre mammites. Les problèmes de cellules ont reculé et notre consommation de médicaments a chuté de 90 % ! »

Cette baisse doit beaucoup à la diminution des traitements hormonaux coûteux. « Notre objectif est de les supprimer complètement. »

Les boiteries sont un peu moins fréquentes et, surtout, elles guérissent mieux. « Quand une croisée tombe, nous la relevons en sachant que nous pourrons la soigner avec succès... »

Une remarque qui en dit long sur les chances de guérison des holsteins à problèmes. L'exploitation emploie seize salariés.

« C'est plus facile de les former à des méthodes de travail qui donnent des résultats positifs. Si vous devez tout le temps soigner des animaux malades, vous vous découragez. Quand, au contraire, la santé du troupeau s'améliore, vous vous remotivez. Cela devient une source de satisfaction pour toute l'équipe. »

Sur les premières F1 en production, José Ramon et Fernando ont remarqué qu'il n'y avait pas de pic de lactation très marqué. La production augmente un peu plus lentement que celle des holsteins pures, jusqu'à atteindre un palier où elle se stabilise durablement. « L'alimentation est plus facile à gérer. Ces vaches ne perdent pas autant de poids en début de lactation et utilisent mieux leur ration. Elles ont besoin de 10 % d'énergie en moins pour produire la même quantité de lait », estime José Ramon.

« NOUS CHERCHONS AVANT TOUT L'OPTIMUM PLUTÔT QUE LE MAXIMUM »

Beaucoup de voisins sont venus voir ce qu'ils faisaient. « Ils rencontrent les mêmes difficultés et sont intéressés par ces croisements. Quelques-uns se disent prêts à essayer, mais aucun ne se lance. Ils subissent des pressions des vendeurs de paillettes holsteins et de médicaments, qui veulent préserver leur chiffre d'affaires. ». Mais, pour lui, élever des animaux fragiles qu'il faudra soigner n'est pas une façon de créer de la richesse, du moins pour les éleveurs ! « Nous cherchons avant tout à optimiser notre marge en produisant de façon efficace, c'est-à-dire à moindre coût. Nous raisonnons nos pratiques pour préserver au mieux les équilibres naturels, limiter l'apparition de problèmes et réduire les achats. Au niveau des cultures, nous pratiquons le semis direct et nous compostons notre fumier pour améliorer sa valeur. Dans la même logique, au niveau du troupeau, grâce à la rusticité des croisées, nous économisons sur le nombre d'IA et sur les interventions sanitaires. »

D'ici à quatre ans, tout le troupeau devrait être constitué de croisées F1, F2 ou F3. « Pour retrouver de la rusticité au sein de la holstein, c'est plus rapide que de miser sur la sélection génomique Actuellement, avec un prix de vente du lait à 300 /1 000 l, nous couvrons tout juste nos frais. Avec cette stratégie de croisement à trois voies, nous espérons regagner une marge de manoeuvre indispensable pour nous adapter aux variations du prix du lait dans les années à venir », ajoute José Ramon.

FRÉDÉRIQUE EHRHARD

Le gain de fertilité obtenu avec les F1 croisées montbéliard ou rouge suédois s'est concrètement traduit par une diminution sensible des frais vétérinaires liés aux traitements hormonaux. Ces frais ont aussi diminué avec le recul des problèmes de cellules et de mammites.

© COOPEX MONTBÉLIARDE

Quatre-vingt neuf F2 croisées holstein x montbéliard x rouge suédois et holstein x rouge suédois x montbéliard sont déjà nées. Elles seront réinséminées avec du pure holstein, comme le font les Californiens convaincus des bienfaits du croisement trois voies.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

Monitoring

Tapez un ou plusieurs mots-clés...