
L'IA profonde sur bovins devient une réalité avec la mise au point d'un pistolet de nouvelle génération. En perspective, la possibilité d'élargir les IA sexées aux vaches adultes avec de bons résultats, et la pose bien plus aisée d'embryons.
A QUOI ONT PU SERVIR LES RÉSERVES FINANCIÈRES accumulées par les coopératives d'insémination artificielle pendant les quarante et une années où elles ont bénéficié du monopole de mise en place ? Pour beaucoup, à contenir le coût de leurs prestations. Mais pas seulement, pour la Cecna, Eliacoop et Codelia. Les fonds (plusieurs centaines de milliers d'euros) que ces trois coopératives ont investis dans Elexinn, start-up qu'elles ont créée en 2012, se concrétisent par une première mondiale : la possibilité de réaliser une insémination artificielle dite « profonde » sur les vaches. Quelles que soient les espèces, dont l'humain, cette technique s'impose comme la solution aux problèmes de reproduction. Elle consiste à déposer la semence le plus près possible de la trompe. Utilisée en routine sur les équins ou les porcins, elle restait en panne sur les bovins. Les travaux de recherche, menés au début des années 2000 aux Pays-Bas, s'étaient soldés par un échec.
TROIS ANNÉES DE RECHERCHE
En 2008, à la dissolution du groupe de travail Unceia (devenu Allice) sur les problématiques de reproduction femelle (réorientation des crédits sur la génomique oblige), la Cecna entreprend ses propres recherches. Rien d'étonnant à cela : elle est active sur une vaste zone confrontée à une déprise de l'élevage, où chaque retour après l'échec d'une IA coûte cher. S'y ajoute une analyse très lucide sur le devenir de son activité, vision partagée par Eliacoop et Codelia. « Il était vital de trouver une solution à une situation devenue inacceptable pour les éleveurs, au risque de voir l'IPE continuer de gagner du terrain. En effet, on vend avec l'IA un service pour lequel on assure un résultat positif dans seulement un tiers des cas », souligne Pierrick Drevillon, directeur technique à la Cecna. Cela fait référence à la race holstein où la fertilité moyenne nationale est tombée à 35 % (45 % en normande et 50 % en montbéliarde).
Les trois années de recherche et développement menées au sein d'Elexinn ont permis d'aboutir à la mise au point d'un pistolet, Xtremia, conçu pour réaliser une IA profonde sur vache. Avec cet outil, les spermatozoïdes ne sont plus déposés à la sortie du col de l'utérus, mais jusqu'à 25 cm plus loin dans la corne utérine, directement à la jonction utérotubaire, là où les spermatozoïdes acquièrent leur pouvoir fécondant. Alors qu'avec une IA classique, seulement 1 à 10 % de spermatozoïdes y arrivent, on comprend tout l'intérêt de pouvoir les déposer nombreux et intacts là où l'ovule les rencontrera. « Les 25 à 35 cm parcourus par des spermatozoïdes pour atteindre la jonction utérotubaire correspondent, à l'échelle humaine, à une traversée de l'Himalaya », image Pierrick Drevillon.
UNE ÉCHOGRAPHIE PRÉALABLE POUR CIBLER LE CÔTÉ OVULATOIRE
Les observations réalisées sur 2 600 vaches, en majorité de race montbéliarde, inséminées par neuf professionnels de la Cecna, Eliacoop et Codelia sont prometteuses. Elles montrent une nette amélioration en semence sexée : 42,3 % de taux de gestation pour les témoins en IA classique, 48,73 % en IA profonde (gain observé non significatif en semence conventionnelle ). Cette performance doit aussi au protocole particulier qui va de pair avec l'insémination artificielle profonde. Il implique une échographie préalable permettant d'identifier le côté ovulatoire (la vache est une espèce mono-ovulante). C'est l'occasion de vérifier que la vache est prête à ovuler, et donc d'écarter celles vouées à l'échec (vache laitière ayant déjà ovulé, follicules endommagés...).
SIX POINTS DE FERTILITÉ GAGNÉS EN IA SEXÉE
Pour arriver à ce taux de réussite, oublié le pousse-paillettes utilisé depuis quarante ans par les inséminateurs. La conception du nouveau pistolet est une vraie innovation, protégée par un brevet mondial.
Il se compose d'une première gaine grise, en matière plastique assez rigide pour passer le col, tout en accueillant en son sein une seconde gaine. L'extrémité de cette deuxième gaine en plastique extra souple peut prendre la courbure de la corne utérine et aller le plus loin possible sans la blesser. C'est ce cathéter creux qui est déplié, façon canne télescopique, une fois le col de l'utérus passé. C'est aussi lui qui, une fois en place, accueille via un effet piston le contenu de la paillette dure.
Au-delà du mécanisme déjà imaginé dans les années 2000, le secret de cette innovation réside dans la mise au point de matières plastiques faites de composites, et pas de PVC (trop rigide et cassant).
C'est tout le travail de recherche et de développement qu'a réalisé la start-up, avec des spécialistes de la plasturgie. Si toutes les IA ne sont pas appelées à être réalisées avec cette technique, elle s'avère néanmoins une vraie solution pour les vaches hautes productrices ayant des difficultés de reproduction. Elle ouvre surtout la porte de l'IA sexée aux adultes, option jusqu'alors réservée en priorité aux génisses pour assurer le résultat. Elle va aussi révolutionner la transplantation embryonnaire, en la rendant plus aisée et moins traumatisante pour les receveuses. Plus besoin d'épidurale. L'embryon est déposé aussi simplement que la semence dans la corne utérine.
L'insémination profonde, dont le surcoût est estimé à 15 €, est proposée par la Cecna au tarif de 22 € sans retour gratuit (24,40 € avec deux retours gratuits en IA classique), ou sous forme de supplément de 12 à 15 € en fonction des packs choisis. C'est le même principe d'achat par pack, avec un supplément de prix par rapport à une IA classique, qu'ont retenu Eliacoop et Codelia. Elexinn propose en outre pour 260 € un kit de démarrage incluant un pistolet, deux pistons, vingt gaines (le consommable) et un coupe-paillettes. Cible commerciale : tous ceux qui pratiquent l'insémination artificielle.
JEAN-MICHEL VOCORET
© J.-M.V.
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