BLEUE DU NORD. LA MIXITÉ AU SERVICE DU REVENU

Vache bleue du Nord typée mh/mh La productivité laitière moyenne s'élève à 3 700 l/VL dans les troupeaux qui comptent plus de 25 % d'animaux culards.
Vache bleue du Nord typée mh/mh La productivité laitière moyenne s'élève à 3 700 l/VL dans les troupeaux qui comptent plus de 25 % d'animaux culards. (©)

Les aptitudes bouchères très marquées de la race bleue du Nord compensent sa faible productivité laitière dans les systèmes d'élevages herbagers et économes.

LA RÉMUNÉRATION DÉGAGÉE PAR LES TROUPEAUX COMPOSÉS DE BLEUES DU NORD s'élève à 32 000 € par unité de main-d'oeuvre familiale (UMOf), au terme des quatre dernières campagnes. Un niveau équivalent à celui des races spécialisées, malgré une productivité laitière très inférieure (voir tableau). Entre 2007 et 2012, la collecte des données technico-économiques, dans le cadre du programme transfrontalier Bluesel, a en effet permis d'objectiver les performances de cette race laitière atypique. Les résultats issus de seize exploitations de référence (sept en France et neuf en Belgique) ont été comparés aux exploitations prim'holsteins du réseau d'élevage bovin-lait de Nord-Picardie.

UNE CULARDE EN SALLE DE TRAITE

Il existe 4 500 vaches bleues du Nord inscrites au contrôle laitier, dont 80 % se trouvent en Belgique où la race porte le nom de blanc bleue mixte. Elle est d'ailleurs directement issue du rameau blanc bleu belge. De cette ascendance, elle a hérité du caractère culard déterminé par la présence de l'allèle mh (hypertrophie musculaire), alors que l'allèle+ définit le caractère normal (non-culard). Pour que cette particularité génétique s'exprime, l'allèle doit être présent sur les deux chromosomes numéro deux du bovin, l'animal est alors homozygote mh/mh. Les hétérozygotes mh/+ extériorisent rarement ou faiblement ce caractère, mais conservent une capacité de développement musculaire supérieure aux animaux +/+.

Au cours de cette étude pluriannuelle, l'unité zootechnique de la Faculté des sciences agronomiques de Gembloux (Belgique) a pu déterminer l'effet dépressif de l'allèle mh sur les caractères laitiers (kg de lait, TP et TB). De ce fait, le niveau de production moyen s'élève à 3 758 l/VL/an dans les troupeaux de bleues mixtes qui comptent plus d'un quart des vaches de type mh/ mh, contre 4 680 l pour les troupeaux de type laitier. En outre, compte tenu de la faiblesse des taux de matière utile et en particulier du TB (37 g/l), la valorisation du lait est inférieure à celle des races spécialisées (- 34 €/1 000 l). « Pour les éleveurs, l'enjeu consiste à compenser cette faible productivité de l'atelier du lait par la production de viande et la mise en oeuvre d'une conduite technique économe, qui repose prioritairement sur l'herbe pâturée et stockée au détriment des concentrés », souligne Emmanuel Beguin, coordinateur de l'étude à l'Institut de l'élevage.

LES VEAUX MÂLES VALORISÉS ENTRE 331 ET 502 €

La production de viande vive est un indicateur essentiel de la rentabilité des élevages de bleues mixtes. Cet indicateur résulte du gabarit des animaux et de la productivité numérique des vaches. À ce titre, la productivité des troupeaux du réseau Bluesel est de 0,99 veau sevré/VL/an, proche de l'objectif d'un veau sevré recherché en élevage allaitant. Elle est déterminante compte tenu de l'excellente valorisation des veaux mâles qui atteint 502 € en moyenne dans les élevages orientés viande et 331 € dans ceux typés lait. Cela résulte de la vigilance accrue des éleveurs, de la bonne fertilité des vaches, de la faible mortalité des veaux (5,4 % contre 11,5 % dans les troupeaux holsteins) et de l'IV-V moyen de 394 jours, proche de l'objectif de 365 jours. Néanmoins, de 380 jours en moyenne avec les animaux laitiers, l'IV-V passe à 410, voire 420 jours avec les vaches mh/mh en raison des plus grandes difficultés de vêlage qui justifient parfois le recours à la césarienne. « La proportion d'animaux laitiers ouviandeux dans le troupeau est un choix de l'éleveur, conscient de la contrainte qu'implique le suivi renforcé des mises bas avec des animaux culards. » L'orientation génétique est également influencée par les places disponibles en bâtiments. « Les éleveurs plus laitiers cherchent à limiter le nombre de génisses conservées. Ils ont un taux de renouvellement de 27 %. Les éleveurs orientés vers la production de viande, principalement en Belgique où les animaux sont valorisés directement dans la filière de la bleue blanc belge plus favorable, conservent davantage de génisses pour les faire vêler et valoriser les veaux mâles à quinze jours ou après engraissement. Le taux de renouvellement moyen est alors de 38 %. » La mixité très affirmée de la race se retrouve également chez les vaches de réforme qui affichent un poids de carcasse moyen de 383 kg valorisés à 2,88 €/kg, et de 429 kg vendus 3,35 €/kg dans les élevages orientés viande.

LE PRODUIT VIANDE PLUS LOURD QUE CELUI DU LAIT

Globalement, la production moyenne de viande vive, d'environ 200 kg/UGB (180 kg à 210 kg selon le type génétique), est supérieure de 20 à 25 % à celle des races laitières spécialisées. Ainsi, les seize exploitations du réseau Bluesel se distinguent par un produit viande qui pèse 25 % du produit brut, contre moins de 15 % en système prim'holstein. « Ceci se traduit par une plus faible sensibilité du système d'exploitation aux fluctuations du prix du lait, comme cela a été constaté en 2009, analyse Emmanuel Beguin. Le revenu disponible s'est maintenu cette année-là autour de 25 000 /UMOf, alors que dans le même temps, il est descendu en dessous de 15 000 dans les exploitations du réseau Nord-Picardie. ». Mais ces résultats reposent également sur une conduite plus extensive et donc moins dépendante des intrants. « Compte tenu de la faible productivité laitière individuelle, le niveau d'exigence sur la concentration de la ration et l'ingestion de matière sèche est moindre, ce qui permet de miser sur une conduite alimentaire autonome et économe. »

DES SURFACES HERBAGÈRES BIEN RENTABILISÉES

L'alimentation des troupeaux de race bleue mixte repose à plus de 80 % sur l'herbe pâturée et récoltée sous forme d'ensilage, de foin et d'enrubannage. « Certains herbagers consacrent 100 % de leur surface à la prairie et chez les éleveurs les plus intensifs, la part de maïs et/ou de betteraves fourragères n'excède pas un tiers de la SFP. » Avec 25 ares d'herbe pâturée par vache au printemps et 30 ares en été, une durée de plein pâturage de trois mois, sans complémentation en concentré, correspond aux pratiques mises en oeuvre dans les sols à bon potentiel. Il faut compter 5 ares/VL supplémentaires dans les sols plus humides ou séchants.

« La durée de plein pâturage est un levier de rentabilité à activer pour des vaches dont la production laitière plafonne à 15 l de lait par jour. » Physiologiquement, une vache avec un faible niveau de production consomme moins de matière sèche pour couvrir ses besoins, ce qui autorise un niveau de chargement moyen élevé de 2 UGB/ha de SFP et facilite une utilisation économe de concentrés de 176 g/l de lait produit. « En cela, la bleue du Nord se rapproche d'une vache allaitante améliorée en lait et doit être considérée comme équivalente à 0,85 UGB. »

Là où l'herbe est obligatoire, la mixité de la race, associée à une conduite économe, autorise un niveau de rémunération supérieur à celui des troupeaux spécialisés : le revenu disponible avant main-d'oeuvre/UMOf est de 32 648 €, contre 24 497 € (résultats pluriannuels 2007-2010). En zone de culture à bon potentiel agronomique, la place de la bleue du Nord apparaît moins évidente avec un revenu disponible moyen de 31 455 € contre 39 098 €/UMOf dans les troupeaux prim'holsteins.

RENFORCER LA SÉLECTION SUR LE TAUX DE MATIÈRE UTILE

« L'analyse des performances de la race porte sur un nombre d'exploitations restreint qui limite la valeur statistique de l'étude, nuance Emmanuel Beguin. Il existe sur le terrain des écarts importants de performances entre les exploitations du réseau Bluesel. » Les quatre exploitations les plus performantes obtiennent en effet un revenu disponible moyen de 60 k€ contre 15 k€ /UMOf pour celles du quart inférieur. Elles se trouvent toutes en Belgique. Elles ont une productivité supérieure à la moyenne et une gestion de l'herbe plus pointue, mise en oeuvre compte tenu du prix élevé du foncier.

Cette dimension transfrontalière dans le domaine de la sélection vise à améliorer les taux de matière utile, principal point faible de la race. Côté nordiste, la Maison de l'élevage et le Centre régional de ressource génétique cherchent à promouvoir un fromage à pâte persillée identifié à la race, et à confirmer la plus grande teneur du lait produit en oméga 3 pour l'étiquetage d'une filière beurrière locale.

JÉRÔME PEZON

Génisse bleue du Nord typée +/+. La productivité moyenne des troupeaux orientés lait s'élève à 4 600 l/VL et jusqu'à 5 200 l maximum. Ce choix génétique est davantage celui des éleveurs français qui ne bénéficient pas d'une valorisation de la viande aussi favorable que les Belges directement reliés à la filière de la blanc bleu belge.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,46 €/kg net =
Vaches, charolaises, R= France 7,23 €/kg net =
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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