
Sélectionneur du meilleur troupeau holstein français en note globale, Denis Toquet n'effectue qu'à peine un quart des inséminations avec des taureaux sans descendance. Pour lui, les pedigrees restent une valeur sûre.
EN MATIÈRE DE SÉLECTION, c'est la fiabilité qui compte », affirme Denis Toquet, éleveur à Bringolo (Côtes-d'Armor). Les erreurs sont trop lourdes de conséquences pour ne pas chercher à limiter les risques. L'éleveur choisit ses accouplements avec soin, et reste méfiant vis-à-vis des index obtenus sans descendance.
Denis travaille en EARL avec son épouse Marie-Jo et deux salariés, l'un sur l'atelier de porcs et l'autre pour permettre à Denis de se consacrer à la sélection. Car l'élevage s'investit dans la valorisation de sa génétique. Il vend des jeunes mâles et des femelles pour la reproduction ou pour le lait. Sur ces marchés, la génomique a modifié la donne. Denis s'adapte aux demandes, sans révolutionner sa manière de travailler. « Je continue à croire en une sélection équilibrée entre la morphologie et la production, précise l'éleveur. Pour moi, la génomie est un outil de plus au même titre que le pointage, par exemple. » Les taureaux sans descendance ne réalisent ici que 20 à 25 % des inséminations, comme le testage auparavant. Denis se méfie un peu de ces index. « On dit qu'ils donnent une tendance juste. Sans doute, mais dans cette gamme, je n'utilise jamais de taureaux extrêmes. Car si la descendance ne confirme pas le caractère exceptionnel supposé, un tel taureau ne m'apportera rien. »
Cette méfiance incite aussi Denis à utiliser très peu de taureaux génomiques en transplantation. En cas de variation d'index importante, mieux vaut ne pas se retrouver avec plusieurs animaux sur les bras. En revanche, il reconnaît l'intérêt de cette technologie pour améliorer la variabilité génétique. Les origines disponibles s'étendent, notamment grâce à l'arrivée d'une vague de jeunes taureaux en même temps que leurs aînés. Mais sur le terrain, les entreprises de sélection tendent à réduire l'éventail des femelles. Denis y voit un risque sérieux de perte de variabilité. Il reste donc vigilant sur les pedigrees. « Je peux me fier à un taureau génomique s'il est issu d'une famille solide. Mais je n'utiliserai pas un mâle d'origine inconnue, même s'il dispose d'index exceptionnels. »
Cependant, il est difficile pour un sélectionneur de passer à côté de la génomique. « Pour vendre des reproducteurs, et notamment des mâles, cela estdevenu incontournable. » Car les entreprises de sélection françaises achètent leurs veaux d'abord sur le papier. L'éleveur constate que les souches qu'il travaille depuis longtemps ont confirmé leurs qualités lors du génotypage. Une satisfaction importante car l'arrivée de la génomique a déplacé le risque lié à la production de mâles des entreprises vers les naisseurs. Aujourd'hui, seuls les veaux bien indexés sont achetés. Les sélectionneurs se retrouvent donc avec davantage de mâles refusés qu'auparavant. Mais Denis est parvenu à maintenir, voire augmenter, le niveau de ses ventes de mâles aux entreprises de sélection. « Il y a sans doute une part de chance, mais je crois que c'est le résultat d'une longue sélection sur la morphologie et les fonctionnels. »
D'autres acheteurs demandent un génotypage américain des animaux. Denis a donc fait indexer des génisses selon cette méthode, et il est un peu surpris. D'une part, le prix est bien moindre : 250 € pour cinq génotypages contre environ 150 € l'unité en France. Et le classement des animaux varie avec l'origine des index.
DES DOSES SEXÉES PEU FERTILES
L'appréciation des génotypages des génisses se révèle donc délicate. Denis pourrait s'en servir pour choisir entre plusieurs pleines soeurs, mais pas à l'intérieur d'un groupe de pères différents.
D'ailleurs, il remarque que les entreprises de sélection hésitent à trier les génisses à partir de la seule valeur de leurs index, sauf s'il s'agit de filles d'un même taureau. La hiérarchie entre les animaux pèse davantage que la valeur brute des index. Ceci pose la question du poids de l'ascendance dans le calcul des index génomiques. De même, l'éleveur s'étonne de voir que les doses des mâles génomiques sont à peine moins chères que les autres, malgré l'absence de testage.
Cette utilisation modérée des taureaux génomiques ne pénalise pas les ventes ici. Pourtant, le progrès génétique espéré est d'autant plus haut que les taureaux utilisés sont jeunes. Mais nombre d'acheteurs ne se contentent pas des papiers et viennent voir le troupeau. Autre nouvelle technologie désormais disponible, les doses sexées laissent Denis un peu dubitatif. « Avec ces doses, mon taux de réussite à l'IA a chuté de moitié chez les génisses. » On est loin de la perte de fécondité annoncée à 10 ou 15 %. Et puis, l'utilisation de doses sexées risque de provoquer un engorgement du marché des femelles d'ici deux à trois ans. Malgré sa méfiance, Denis reconnaît que ces nouvelles technologies évoluent vers plus de fiabilité. Les premiers taureaux indexés par génotypage ont souvent confirmé leurs index avec leurs filles. Même si l'on a vu aussi des évolutions marquées.
PASCALE LE CANN
Un lot de famille homogène : Axelle Red (à gauche), fut championne espoir des Côtes d'Armor en 2008 et championne réserve rouge en 2009 à Paris.
Une relève de haut niveau en morphologie. Avec 160 à 180 points d'Isu, ces génisses sont indexées entre 3 et 4,4 en morphologie.
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