« UN QUART D'ABONDANCES DANS NOTRE TROUPEAU MONTBÉLIARD »

« Alors que les marchés du reblochon et de la tomme commencent à saturer, le fromage abondance possède de réelles perspectives de développement, estiment Christian Convers et Yannick Espaze du Gaec Le Védelou. Intégrer davantage de femelles de cette race dans notre troupeau est cohérent économiquement. »© PHOTOS A.B.
« Alors que les marchés du reblochon et de la tomme commencent à saturer, le fromage abondance possède de réelles perspectives de développement, estiment Christian Convers et Yannick Espaze du Gaec Le Védelou. Intégrer davantage de femelles de cette race dans notre troupeau est cohérent économiquement. »© PHOTOS A.B. (©)

Dans son troupeau montbéliard performant, le Gaec Le Védelou a introduit depuis deux ans des génisses abondances. L'enjeu est de conserver l'habilitation à produire du lait AOP du même nom et de garder le prix du lait (520 € de moyenne en 2013-2014).

AVEC ACTUELLEMENT 18 % DE VACHES ABONDANCES affichant au moins une lactation complète dans le troupeau, le Gaec Le Védelou à Cernex (Haute-Savoie) n'a pas baissé en lait. « Ce n'est pas la catastrophe que l'on craignait, reconnaissent avec soulagement les associés du Gaec. Avec 25 % de notre troupeau en race abondance, objectif fixé par notre coopérative de Groisy à atteindre d'ici le 1er avril 2015, nous perdrons peut-être 20 000 litres sur une année. Mais avec une plus-value de 80 €/1 000 l pour le lait abondance, ça vaut le coup ! »

Avant d'incorporer une quarantaine de génisses abondances dans leur troupeau depuis début 2013, les éleveurs de Cernex avaient des animaux de cette race, l'image de vaches moins productives que les montbéliardes et dures à traire. Sylvia, dont les parents avaient des abondances et qui aujourd'hui trait avec une TPA 12 postes, craignait en particulier des vaches longues à traire. « Les mamelles vont bien, constate-t-elle, et la vitesse de traite est satisfaisante. » L'Organisme de sélection des races alpines réunies (OS Rar) a beaucoup travaillé ces points-là.

Sylvia Convers et son mari Christian se sont installés en 1981, juste avant l'arrivée des quotas. Ils ont repris l'élevage familial 100 % montbéliard pour lequel avait été lancée la construction d'une stabulation à logettes de 57 places, équipée d'une salle de traite épi 2 x 5. « À l'époque, il y avait un gros besoin de modernisation des exploitations, se souviennent-ils. Pour financer les investissements, il était indispensable de produire plus. Au centre d'élevage de Poisy où nous avions tous les deux suivi notre formation, on nous avait appris à maîtriser la technique. Nous étions dans la performance. Alors que la majorité des troupeaux de Haute-Savoie étaient encore en abondance, le choix de la montbéliarde s'inscrivait dans ce cadre-là. Des camions entiers venaient alors du Doubs. »

« IL Y AVAIT UNE OPPORTUNITÉ QUE NOUS AVONS SAISIE »

En 1999, lors de l'agrandissement du bâtiment des laitières, les éleveurs choisissent la filière abondance. « Lactalis, pour lequel nous produisons du lait IGP tomme de Savoie avec du maïs épi et de la drèche, a commencé à développer le fromage abondance et nous a demandé si nous étions prêts à nous mettre en conformité avec le cahier des charges de ce fromage AOC (alimentation essentiellement). À l'époque, il n'y avait pas de critère de race et nous étions dans la zone de production. Le prix du lait abondance était de 20 €/1 000 l plus élevé que celui de l'IGP tomme. Il y avait là une opportunité que nous avons saisie comme plusieurs autres éleveurs du secteur. »

Depuis le 1er janvier 2013, le Gaec Le Védelou livre son lait à la coopérative de Groisy dont l'atelier de fabrication neuf est géré en partenariat avec le fromager Verdanet. « En intégrant la coopérative, notre prix du lait a progressé de 90 €/1 000 l. En contrepartie, nous nous sommes engagés à faire les efforts nécessaires pour monter en abondance dans notre troupeau. »

En 2013, le Gaec a lancé ses premiers achats.

« NOUS AVONS ACHETÉ DES ANIMAUX DE QUALITÉ DANS DE BONS ÉLEVAGES »

« Nous voulions commencer avec du potentiel génétique. Nous avons choisi d'acheter, dans de bons élevages, des animaux de qualité et qui produisent. Pas question de mettre le double d'animaux pour faire le même litrage. Notre bâtiment dispose de 88 logettes et de 15 places pour les taries. » Un lot complet de génisses prêtes (neuf femelles) a été acquis au Gaec du Sierroz, un élevage de Saint-Offenge-Dessous (Savoie). « Dans cette exploitation, nous avons trouvé des éleveurs qui ont toujours sélectionné, qui adhèrent au contrôle laitier et dont les animaux ont de bons index. Sur place, nous avons regardé les mères. Faute d'acheteurs dans la région, ces génisses devaient partir à l'export. Seuls, nous n'aurions pas trouvé ces animaux. Mickael Hervé, un administrateur de l'OS Rar, nous a mis en contact avec ce sélectionneur. Nous n'avions pas la trésorerie mais nous avons fait un prêt car nous savions que notre lait abondance serait bien payé. » L'année suivante, le Gaec Le Védelou a échangé avec ce même élevage cinq de ses montbéliardes contre des abondances. « Ancien producteur de tome des Bauges, l'élevage faisait le chemin inverse du nôtre, en cherchant à passer à 100 % en montbéliard. »

Aussi bien Christian Convers que Yannick Espaze croient aux progrès génétiques de la race abondance, « un temps malmenée. Le lait pourrait augmenter. Dans le troupeau, sur les quatorze abondances qui affichent au moins une lactation, la moyenne laitière est de 6 700 kg avec 35 de TP, alors que les 81 montbéliardes du troupeau sont à 8 800 kg de lait de moyenne à 33,1 de TP. En race abondance, il faut attendre que les vaches aient fini leur croissance et leur deuxième lactation pour mesurer leur potentiel. Les secondes lactations ont débuté cette année dans l'élevage. Les génisses abondances débutent à 21-22 kg de lait par jour en moyenne, les montbéliardes entre 26 et 28 kg. Avec le génotypage et les semences sexées, un bond formidable est possible en moins de dix ans ». Et d'espérer que les nouveaux éleveurs comme eux seront représentés dans les instances décisionnelles de sélection de la race. En début d'année, les éleveurs ont racheté trois génisses abondances dans deux élevages différents. Pour combler le déficit (sept femelles), d'autres achats sont prévus d'ici au mois d'avril.

DES PROGRÈS GÉNÉTIQUES À VENIR

« Dans l'élevage, nous sommes tranquilles. Nous allons atteindre notre objectif de 25 % de femelles abondances d'ici le 1er avril 2015. Nous avons fait ce qu'il fallait. Le parcours aurait pu être plus rapide si toutes nos abondances avaient fait des veaux femelles. Certaines ont fait des jumeaux que nous n'avons pas gardés. » Les onze transplantations embryonnaires réalisées n'ont pas eu les résultats escomptés : seuls trois veaux femelles et un mâle sont nés. « Le fait de sexer les embryons les rend plus fragiles, analyse Christian Convers. Lesvaches implantées ne les ont pas retenus. Cette expérience décevante n'empêche pas que la transplantation ait sa place dans la sélection. »

Les associés croisent les doigts pour que collectivement, la filière fromagère abondance AOP atteigne les 45 % d'animaux requis au 1er janvier 2016. Si ce n'est pas le cas, ce seuil s'appliquera alors individuellement à chacun des élevages intégrés dans la filière.

ANNE BRÉHIER

Au Gaec Le Védelou, l'objectif de 25 % de femelles de plus de six mois en race abondance sera atteint d'ici au 1er avril 2015.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

Monitoring

Tapez un ou plusieurs mots-clés...