PETITES RACES : DES OUTILS GÉNOMIQUES D'ICI À FIN 2014

1 200 vaches, soit la quasi-totalité de la population de vosgiennes au contrôle laitier, ont fait l'objet d'un génotypage.© CLAUDIUS THIRIET
1 200 vaches, soit la quasi-totalité de la population de vosgiennes au contrôle laitier, ont fait l'objet d'un génotypage.© CLAUDIUS THIRIET (©)

Les races à petits effectifs devraient bénéficier d'outils issus du projet multirace d'évaluation génomique Gembal d'ici à la fin de l'année. Pour y parvenir, certaines doivent génotyper des femelles.

LA RACE VOSGIENNE, EN BONNE MONTAGNARDE, A GRAVI une étape importante vers son accession à la sélection génomique. Mille deux cents vaches, soit la quasi-totalité de sa population au contrôle laitier, ont fait l'objet d'un prélèvement de cartilage à l'oreille, fin 2013. Puis ces tissus sont entrés en phase d'analyse pour une cartographie, ou « génotypage » de l'ADN. « La vosgienne sera la première race entièrement génotypée, et la plus petite race (effectif : 11 000 animaux) pour laquelle cette action est menée », souligne Philippe Caussanel, directeur de l'organisme de sélection de cette race.

La vosgienne emboîte ainsi le pas aux races abondance et tarentaise. Celles-ci ont à leur actif « 500 génotypages en 2012 de femelles intéressantes et aux performances mesurées, puis autant cette année », indique Emeric Jouhet, animateur du Collectif des races locales de massif (Coram).

BÉNÉFICIER DES ACQUIS DES PLUS GRANDES

Ces races locales se mobilisent ainsi dans le cadre du projet Gembal (Génomique multiraciale des bovins allaitants et laitiers) avec l'objectif de pouvoir utiliser, à terme, la sélection génomique. Gembal, programme de recherche conduit par l'Inra, l'Institut de l'élevage et l'Unceia, a été lancé en 2011 avec neuf races bovines allaitantes concernées et onze races laitières (dont prim'holstein, montbéliarde et normande). Ce projet collectif repose sur le principe de mutualiser entre races les populations de référence (ensemble d'animaux à la fois génotypés et ayant des performances connues). L'enjeu est de développer, avec ce socle commun, l'évaluation génomique pour toutes les races, y compris celles à faibles effectifs. Car la première étape indispensable à l'évaluation génomique des reproducteurs d'une race est de constituer une population de référence. Sur cet ensemble d'animaux, on analyse les relations génotype-performances et on établit des formules mathématiques de prédiction. Formules d'autant plus précises que la population de référence est grande. « Pour une sélection génomique efficace, il faut plusieurs centaines ou milliers d'animaux indexés et génotypés », explique Stéphane Barbier, du service génétique de l'Unceia.

D'où la question à l'origine de Gembal : peut-on utiliser une population de référence commune à toutes les races, en identifiant des tronçons d'ADN qu'elles partageraient aujourd'hui, car « hérités » d'ancêtres communs ? « On sait que ces zones du génome existent. Mais elles sont de très petite taille pour avoir été conservées entre races, détaille Sophie Mattalia, responsable du service génétique laitière à l'Institut de l'élevage. Pour les détecter, il faut donc typer les animaux avec une puce à haute densité, à 770 000 marqueurs SNP, alors que la puce classique utilisée en évaluation est de moyenne densité, à 50 000 SNP. On pratique alors l'imputation : à partir d'un panel d'animaux typés en haute densité (HD) et en connaissant les parentés, on déduit pour les d'animaux typés en moyenne densité le génotypage HD qu'ils pourraient avoir. À partir de là, il s'agit de faire bénéficier les petites races des zones les plus informatives identifiées dans les grandes races. » Une quarantaine de caractères sont ciblés, comme dans les grandes races.

Pour pouvoir établir ces « ponts » entre génomes, il faut déjà collecter suffisamment d'informations par race. En vosgienne par exemple, avec seulement deux ou trois taureaux testés par an, soixante taureaux sont utilisables dans Gembal, c'est trop peu. Même problème pour l'abondance et la tarentaise, qui testent douze à quinze taureaux par an. « L'Inra a fait évoluer ses méthodes pour pouvoir utiliser des femelles. Pour les caractères laitiers, très héritables, le génotypage de cinq vaches correspond à celui d'un taureau. Pour des caractères moins héritables (fertilité, cellules), il faut plutôt dix femelles pour un taureau », explique Stéphane Barbier.

Ces prélèvements et analyses supplémentaires, les organismes et entreprises de sélection des trois races locales ont dû les organiser et les financer (ils dépassent le nombre de génotypages pris en charge par Gembal). L'opération de génotypage des 1 200 vosgiennes a ainsi été cofinancée, à hauteur de 90 000 €, par les chambres d'agriculture des Vosges et d'Alsace, Elitest, Alsace Conseil Elevage et Optival. Pour la partie scientifique, le financement est mutualisé, avec « la thèse d'un chercheur sur la génomique des petites races laitières financée par l'Unceia. Il élaborera les équations à partir des résultats », précise Stéphane Barbier.

UN FINANCEMENT IMPORTANT

Avec des premiers résultats attendus au deuxième semestre 2014, « d'ici à la fin de l'année, on proposera aux races laitières et allaitantes à petits effectifs, des outils de génomique adaptés à chaque situation », prévoit Sophie Mattalia. Les races dont la présence n'est pas strictement locale devraient bénéficier d'outils d'élargissement des populations de référence, à l'image des génotypages mutualisés entre pays dont s'est servie la brune des Alpes.

Cependant, il ne faut pas compter sur une sélection génomique immédiatement opérationnelle et d'un niveau de précision comme cela existe dans les grandes races laitières. « Les résultats qui sortiront cette année devraient plutôt être utilisables comme un outil de présélection sur le terrain, permettant de mieux trier les taureaux à utiliser et les mères à taureaux », projette Stéphane Barbier.

De type sélection assistée par marqueurs, un tel outil sera appréciable pour guider les choix des races testant peu de taureaux. Et pour progresser, à l'avenir, « de nouveaux génotypages et analyses seront nécessaires pour enrichir la base d'informations, poursuit Stéphane Barbier. On peut espérer à terme une précision comme en normande ou montbéliarde. »

CATHERINE REGNARD

Les races abondance et tarine ont aussi à leur actif 500 génotypages en 2012 de femelles intéressantes et autant en 2013.

© JEAN-FRANCOIS MARIN

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

Tapez un ou plusieurs mots-clés...