
Constatant des écarts importants entre les index génomiques et ceux calculés sur descendance, les Américains restent prudents et maintiennent leur effort de testage.
LES ÉTATS-UNIS ONT ÉTÉ PARMI LES PREMIERS à publier les index génomiques, il y a deux ans. Ils semblaient alors très confiants dans cette nouvelle technologie. Mais depuis, les premiers taureaux génomiques ont vu leurs filles entrer en production. Et l'intégration de ces informations dans les index a bousculé les classements.
Quelques exemples dans la sortie d'index de décembre dernier. Tombay se classait à la trentième place du classement sur le TPI avec ses index génomiques. L'arrivée de ses filles lui a fait perdre 348 points et 995 kg de lait. Il a reculé à la 202e place. À l'inverse, Derac Zi est remonté de 1 192 à 1 423, soit un gain de 231 points de TPI. Entre ces extrêmes, les variations de 100 ou 150 points ne sont pas rares. Ce qui prouve bien que la génomique n'est pas une science exacte.
« Les unités de sélection américaines sont aujourd'hui beaucoup plus prudentes qu'il y a trois ans », témoigne Anthony Le Trionnaire, chez Bovec. Il commercialise, entre autres, les semences produites par Select Sires, une coopérative qui teste 300 taureaux holsteins par an. Scott Culbertson y est chargé du programme de sélection.
DES MOYENNES STABLES AVEC DES VARIATIONS INDIVIDUELLES FORTES
« À chaque sortie d'index, nous comparons les résultats de la génomique avec les performances des filles, pour les taureaux qui sont évalués sur descendance. Et cela nous incite à poursuivre le testage », explique-t-il. Il précise que ces variations restent limitées quand on considère les moyennes. Mais il en va différemment au niveau individuel. « Or, en génétique, on travaille sur des individus. »
Select Sires teste 300 taureaux holsteins par an. La génomique est utilisée pour trier les mâles et a permis de multiplier la pression de sélection par quatre. En effet, ces animaux sont choisis parmi une sélection de 1 800 veaux génotypés. Auparavant, la coopérative produisait environ 450 mâles sous contrat pour en retenir 300.
Une fois que les taureaux sont en production, 1 500 doses sont mises en place avec le souci de toucher différents types d'élevages aux quatre coins du pays. Ils sont ensuite en attente, le temps de connaître les performances de leurs filles. La réelle mise en service intervient lorsque les index sur descendance sont publiés. Seuls les tout meilleurs sont diffusés avant cette confirmation.
Select Sires conseille aux éleveurs ne pas dépasser le seuil de 15 % d'IAP avec des taureaux génomiques. « Au-delà, le risque lié aux variations d'index me semble trop important », précise Scott Culbertson.
Cette stratégie entraîne mécaniquement une augmentation du poids financier du schéma de sélection. Le coût du testage est resté le même. S'y rajoute celui du génotypage des animaux. Et la pression de sélection accrue a fait monter les prix des meilleurs mâles. De plus, comme la plupart des entreprises de sélection, Select Sires recherche de nouvelles origines pour sortir des familles surexploitées d'O-Man, Goldwyn ou Shottle.
LE COÛT DU PROGRAMME A AUGMENTÉ
Le programme est devenu plus international, et donc plus coûteux qu'avant, du fait de cet objectif de diversification des origines. Lors d'un passage en France, Scott Culbertson a collecté des poils d'animaux qui lui ont plu sur les élevages qu'il a visités. Il fera les tests ADN en rentrant et découvrira peut-être des familles intéressantes. Par ailleurs, l'arrivée de la génomique a incité Select Sires à constituer son propre troupeau. « Nous achetons des génisses dans des troupeaux d'élite afin de les travailler nous-mêmes. Aujourd'hui, une femelle peut être accouplée avec vingt-cinq mâles différents. » Cela aussi représente une charge supplémentaire.
UNE SITUATION TRANSITOIRE EN ATTENDANT DES PROGRÈS
Enfin, la question de réduire le nombre de mâles ne se pose pas chez Select Sires. Compte tenu de la variété des objectifs de sélection des éleveurs, la coopérative estime qu'elle ne pourra pas descendre en dessous de 300 taureaux pour les satisfaire. Néanmoins, cette stratégie ne devrait être que transitoire. La génomique progresse très vite. On peut donc légitimement s'attendre à une amélioration de la fiabilité des index à moyen terme. Les États-Unis poursuivront le testage tant que ce ne sera pas le cas. Soulignons qu'ils ne sont pas les seuls. Le Canada a lui aussi adopté la prudence.
Il en va différemment en France. Les entreprises de sélection hosltein n'investissent plus dans le testage. Même Créavia, qui s'était distinguée par sa prudence au début, pense réaliser plus de 50 % des IAP avec des taureaux génomiques cette année, contre 18 % l'an dernier. De plus, les entreprises de sélection ont tendance à réduire un peu le nombre de taureaux. De là à penser qu'elles prennent des risques dans le souci de réduire les coûts pour amortir les investissements très élevés qu'elles ont réalisés dans la recherche…
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