
Les origines des nouveaux taureaux se resserrent autour de quelques cracks américains, avec le risque de voir la consanguinité augmenter. Pourtant, la génomique offre les moyens d'explorer de nouvelles souches.
LA GÉNOMIQUE EST TRÈS VITE ENTRÉE DANS LES SCHÉMAS de sélection holstein. Au point de faire disparaître le testage. Dès que les spécialistes ont senti le vent tourner, les analyses ont fleuri, avec des visions contradictoires en matière de variabilité génétique. Pour les uns, la génomique allait pousser à explorer en priorité les familles reconnues, pour contrer les risques liés à une précision plus faible des index obtenus par génotypage. Pour d'autres, c'est l'inverse qui allait se produire. En s'affranchissant du testage, on pourrait réduire le coût de production des mâles. Et donc prendre le risque d'aller les chercher dans des souches peu connues.
QUATRES PÈRES À TAUREAUX INCONTOURNABLES
Qu'en est-il aujourd'hui ? Pour le moment, la réalité donne raison à ceux qui brandissaient le risque d'une perte de variabilité. Les entreprises de sélection, françaises et étrangères, ont voulu sécuriser les résultats en s'appuyant sur des pedigrees solides. Une stratégie compréhensible alors qu'il fallait maîtriser cette nouvelle technologie, tout en se donnant un maximum de chances de rentabiliser l'investissement en sortant des mâles intéressants.
Aujourd'hui, quatre taureaux sont incontournables dans les origines des mâles génomiques dont les index sont publiés : O-Man, Shottle, Goldwyn et Bolton.
Dans une moindre mesure, Baxter, Toystory et Planet sont également souvent présents. Si l'on veut éviter ces souches, le choix est très limité. Il ne reste que trois séries de taureaux testés à venir. Des fils issus de ces mêmes taureaux. Ils arriveront après leurs frères génotypés et ces sorties d'index auront donc de moins en moins d'intérêt. On ne bénéficie donc pas vraiment de cette abondance de taureaux due à la période de transition. Certes, cette réduction des origines des taureaux n'est pas un problème dans l'immédiat pour les éleveurs français. Car ces géniteurs américains ou canadiens ont été peu diffusés en France. Les supports disponibles pour les accouplements ne manquent pas. Et si ces taureaux placent autant de fils, c'est bien en raison de leurs grandes qualités. Ils auront donc un impact positif sur la qualité des troupeaux.
Mais que fera-t-on ensuite, lorsque les pedigrees des vaches à accoupler se seront rapprochés de ceux des taureaux ? Le problème est d'autant plus crucial que les taureaux génomiques, utilisés très jeunes, sont accouplés avec des femelles de la même génération qu'eux. Leurs origines génétiques sont donc proches. Avant, la durée du testage impliquait un décalage. Plusieurs éléments permettent de se rassurer.
Et tout d'abord, les entreprises de sélection ont pris conscience de la nécessité de diversifier les origines. Il s'agit d'une nécessité puisque l'augmentation de la consanguinité favorise l'apparition de tares et accentue la fragilité des animaux. S'y rajoute le fait que sur un marché très concurrentiel, il est indispensable d'apporter de la nouveauté pour se démarquer. De plus, la technologie s'affine et permet d'améliorer la fiabilité des index génomiques. Depuis juin, la méthodologie a évolué permettant de gagner dix points de CD. Ceci a occasionné quelques évolutions parfois brutales, mais il n'empêche que la précision s'améliore. En outre, l'utilisation de la base de données de référence européenne Eurogenomics (16 000 taureaux) améliore elle aussi les CD. Cela est particulièrement sensible pour les taureaux plus répandus chez nos voisins qu'en France. Les montages originaux ont plus de chances de bien se classer. Cette meilleure fiabilité de la méthode doit inciter les entreprises de sélection à oser l'exploration de souches plus originales. Et il est vrai que la génomique permet de le faire à moindre coût par rapport à l'ancienne méthode. « Il est plus facile aujourd'hui de démultiplier une femelle et de réaliser plusieurs collectes successives. Si le propriétaire souhaite souvent un géniteur reconnu pour la première transplantation, il est plus ouvert pour prendre des risques à la deuxième collecte », précise Pascal Milon, chef de produit holstein chez Creavia.
« Bien entendu, on va chercher du sang neuf dans des familles nouvelles, mais pour le moment, les résultats ne sont pas à la hauteur », précise Frédéric Lepoint chez Gènes Diffusion. Les souches réputées restent les plus intéressantes. En outre, l'originalité, quand elle émerge, devient vite très courtisée et perd donc rapidement son intérêt en terme de variabilité. Réduire la consanguinité reste donc une difficulté majeure. « C'est en distribuant un grand nombre de mâles dont la diffusion reste limitée, que l'on préservera le mieux la variabilité », estime Frédéric Lepoint.
Par ailleurs, les entreprises de sélection ont à leur disposition un calcul de l'Isu qui intègre l'originalité génétique. En prenant en compte cet Isu, elles peuvent limiter les risques. Cet index va évoluer et élargir les taux de parenté pris en compte. Les entreprises de sélection seront ainsi mieux renseignées sur la proximité génétique des taureaux avec les femelles.
LES ENTREPRISES DOIVENT ÉLARGIR LEUR RESSOURCE
Un autre élément va pousser à diversifier les origines : il s'agit du futur nouvel Isu. Actuellement en préparation, il devrait sortir en 2012. On s'attend à un poids plus réduit de la production au profit des fonctionnels. Et de nouveaux caractères vont entrer dans l'index de synthèse, tels la vitesse de traite ou la facilité de naissance. Comme lors du changement de formule de 2001, on verra probablement certaines souches reprendre de l'intérêt tandis que d'autres seront pénalisées. Cela obligera à rebattre les cartes.
De même, les index génomiques couvrent aujourd'hui les mêmes caractères que les polygéniques. Mais d'autres vont apparaître, notamment dans le domaine de la santé. Là aussi, on verra probablement bouger la hiérarchie des taureaux. Il faudra aller chercher les bons gènes ailleurs.
Reste à savoir où trouver de nouvelles souches. Ce n'est pas si simple, même pour une race à effectif important comme la holstein. Les spécificités nationales issues des ressources locales ont tendance à s'atténuer. À l'étranger comme en France, les entreprises ont cherché à minimiser les risques en s'appuyant sur des pedigrees solides. Ainsi, les Pays-Bas ne sortent plus de nouveautés originales comme ils l'ont fait à l'époque de Jabot ou de Sunny Boy, par exemple. Le Danemark semble avoir mieux préservé ses caractéristiques. Les entreprises disposant d'une large base pourraient avoir l'avantage dans cette course, en raison de la diversité de leur ressource. Mais ce sont celles qui oseront innover, celles qui iront chercher des génisses dans des élevages inconnus, qui dénicheront de nouvelles souches.
PASCALE LE CANN
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