On peut progresser en potentiel laitier et en qualité de mamelle, tout en gardant une vraie aptitude viande. La simmental autrichienne et tchèque le prouve.
S'INTERROGER SUR L'INTÉRÊT d'une race mixte, dans le contexte de plus en plus concurrentiel de la production laitière européenne, est une question très incongrue en Autriche. Elle l'est tout autant dans le sud de l'Allemagne ou en République tchèque. Alors que le type laitier est devenu la règle pour la holstein ou la brune et grignote du terrain en montbéliarde, les Autrichiens continuent de faire de la résistance, les Bavarois et la moitié des ex-kolkhozes tchèques aussi.
Il est vrai qu'en Autriche, le contexte est particulier. Toute l'économie de l'élevage tourne et se fédère autour de la simmental, appelée ici fleckvieh. Comme en Bavière, les tentatives de percée du croisement industriel sur vaches laitières et de développement d'un élevage allaitant avec des races à viande spécialisées ont tourné court. 80 % des bovins et 70 % des vaches laitières autrichiennes sont toujours des simmentals. Le débat sur l'intérêt de conserver une laitière mixte, gardant une vraie aptitude bouchère, ne s'est en réalité jamais posé. Et pour cause : dans un pays où les élevages comptent encore une vingtaine de vaches en moyenne et sont, à 80 %, situés en zone de montagne avec une seule vraie richesse, l'herbe, le débouché viande et l'élevage sont vitaux pour conforter le revenu lait.
L'essentiel de la commercialisation des veaux, génisses d'élevage, vaches à lait ou de réforme passe aussi par des marchés locaux. Comme celui d'Amstetten, en Basse-Bavière, le plus important du pays : en pleine saison, ce sont, une fois par mois, 600 vaches et génisses qui changent de main dans une journée au rythme d'une enchère à la minute. Et là, la sanction financière est immédiate pour les animaux manquant de gabarit et de conformation. Même chose pour la vente de veaux mâles, huit fois sur dix engraissés en Autriche dans les zones de plaine favorables au maïs-ensilage. La viande de ces jeunes bovins simmentals, abattus à 650-700 kg vif (370 à 380 kg de carcasse) entre dix-huit et vingt-deux mois, reste très appréciée et demandée par les circuits commerciaux. Une raison de plus de ne pas remettre en cause le type mixte.
SE DÉMARQUER À L'EXPORTATION
Les Autrichiens, commerçants dans l'âme, savent que pour vendre, mieux vaut avoir un argument de plus que les autres. Ils n'ont donc aucun intérêt à voir leur simmental perdre ses atouts viande. Les marchés d'exportation d'animaux vivants pèsent lourd dans la balance commerciale. En 2008, ce sont pas moins de 25 000 génisses qui ont quitté le territoire national… un chiffre impressionnant.
Le contexte autrichien, aussi particulier soit-il, n'explique pas tout. Si la simmental continue à progresser dans des régions comme la Basse-Autriche (2 % de vaches en 2008, gagnés sur la brune), c'est surtout qu'elle répond à l'attente des éleveurs. Ce sont d'ailleurs eux qui, via leur association, ont la main sur le programme de sélection (comme le contrôle laitier ou la gestion des marchés aux bestiaux) et définissent leurs besoins… pas les coopératives d'IA. Le fait est que l'Autriche est de ces pays acquis à la mixité, où les responsables de la simmental ont fait, dans les premiers, le choix pertinent d'améliorer le potentiel laitier et les qualités de pis de leurs animaux, en conservant si possible leur aptitude viande. « D'autres régions de la simmental, comme le Bade Wurtemberg (dans le sud-ouest de l'Allemagne), ont, à une époque, choisi d'améliorer l'aptitude viande et s'en sont mordu les doigts. C'est là que la holstein s'est le plus implantée », note Josef Tanzler, directeur de la Fédération autrichienne des éleveurs de fleckvieh.
D'ÉNORMES PROGRÈS POUR LA SIMMENTAL
L'évolution du niveau génétique des animaux semble montrer que les Autrichiens ont atteint leur objectif. La simmental y a fait d'énormes progrès sur le potentiel laitier et les qualités de mamelle, en perdant un minimum de son aptitude viande et en gardant des animaux éclatés dans leur gabarit. De 1993 à 2003, le potentiel laitier est passé d'un niveau génétique de - 687 kg à + 361 kg de lait, la synthèse mamelle d'un index moyen de 92,7 à 105,8 et sa musculature de 105,2 à 99,6 (après être restée de 1997 à 2002 entre 100 et 101). Les animaux ont aussi progressé dans leur gabarit (99 à 106,5) et leurs qualités d'aplombs (97,7 à 102,9).
De son côté, le niveau génétique viande évalué sur les taurillons (via la remontée de toutes les données d'abattage) est passé de 100.7 à 101.6.
Cette progression de l'index de synthèse viande cache une amélioration des poids d'abattage (97,6 à 103), mais un léger retrait du rendement viande (102,8 à 100,5) et du classement de conformation Europ (102,8 à 98,9).
APPRÉCIÉE POUR SON « FITNESS » DANS LES GRANDS TROUPEAUX
Le mariage harmonieux du lait et de la viande se voit aussi clairement dans les troupeaux. De 1998 à 2008, la moyenne du contrôle laitier des vaches au Herd Book est passée de 5 623 kg de lait/VL à 42,7 de MU à 6 927 kg à 52,9 de MU (lactations adultes). Les progrès sont aussi patents pour les pis, plus que fonctionnels aujourd'hui, même s'ils n'atteignent pas le niveau de la holstein dans les largeurs d'attache arrière. Mais ce n'est pas non plus l'objectif et cela n'empêche apparemment pas les mamelles simmentals de bien vieillir. Les performances d'abattage des jeunes bovins ne sont pas en reste. Sur les dix dernières années, le gain de poids net de la naissance à l'abattage est passé de 662 à 686 kg, le rendement viande de 56,2 à 56,8 et le classement Europ de 3,5 à 3,6. Au placard donc l'idée selon laquelle on ne peut pas combiner potentiel laitier et qualités de mamelles sans aller vers le type laitier… du moins pour ceux qui ne veulent pas courir derrière la holstein. Pas de doute pour Johan Tanzler, la simmental a les moyens pour continuer sur ce cap. Comprenez que dans les quelque 700 taureaux fleckvieh (dont certains avec une goutte de sang red ou montbéliard) testés par an, en ne comptant que l'Allemagne (550 taureaux) et l'Autriche (150), il y a suffisamment de choix. D'ailleurs, pour lui, maintenir la mixité n'est pas un souci, l'objectif est ailleurs : « Notre volonté est de nous positionner à la première place sur les critères de fitness. » Aux index fonctionnels « classiques » (longévité, cellules, fertilité, facilité de vêlage, mortinatalité) s'ajouteront, d'ici peu en Autriche, la sensibilité aux fièvres de lait, aux mammites cliniques et aux troubles de la fertilité.
Pour Josef Kucera, directeur de l'Association tchèque des éleveurs fleckvieh, cette facilité d'élevage est liée à la mixité. « Une vache qui garde une bonne couverture musculaire a plus de réserves corporelles pour encaisser les à-coups. D'où moins de problèmes de conduite. » Cela explique d'ailleurs, selon lui, le renouveau de la simmental dans son pays. La race qui pèse près de 50 % des effectifs de laitières (80 % à une époque), un niveau stable depuis quelques années, regagnerait du terrain. Josef Kuchera y voit l'effet d'une interrogation que se posent de plus en plus d'éleveurs. « Entre des holsteins à plus de 10 000 kg, qui posent souvent des soucis, et des simmentals à 8 000 kg, qui ont moins de problèmes de cellules et de vêlage, et qui se reproduisent plus facilement… un nombre croissant d'éleveurs penche pour les secondes. » Et il ne s'agit pas ici de troupeaux de la taille autrichienne. Héritage de la collectivisation forcée de l'agriculture sous l'ère communiste, l'élevage tchèque standard compte 160 vaches laitières en moyenne. « Dans ces exploitations, aujourd'hui entre les mains d'actionnaires privés, on ne garde pas la simmental par sentiment. Mais parce qu'elle est économiquement bien adaptée. » Une deuxième idée donc à laquelle il faut tordre le cou : la simmental se gère très bien et peut être rentable dans de grands troupeaux.
JEAN-MICHEL VOCORET
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