La hausse du coût de production de l'herbe ralentit cette année

L'enrubannage coûte en moyenne 135 €/t MS, rémunération du travail compris. (©Antoine Humeau)
L'enrubannage coûte en moyenne 135 €/t MS, rémunération du travail compris. (©Antoine Humeau)

Malgré l’accalmie observée cette année, la hausse des coûts de production de l’herbe sur pied ou récoltée est importante sur les trois dernières années. La chambre d’agriculture des Pays de la Loire dresse un état des lieux de ces prix dans l’Ouest. Face à ces hausses, quelques adaptations à l’échelle de son exploitation sont parfois souhaitables.

Depuis 2020, les prix planchers de l’herbe sur pied ont progressé de 30 % pour une prairie temporaire RGI de 18 mois. C’est la conséquence directe de la hausse des prix des engrais et des coûts de mécanisation. Les frais de récolte, quant à eux, ont connu une flambée de + 45 à + 65 % en 2 ans.

Mais en réalité, la hausse vertigineuse s’est concentrée l’an dernier. La progression des coûts de production de l’herbe connait une accalmie cette année. C’est ce qui ressort de la dernière note annuelle rédigée par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire.

« Ce qui est nouveau cette année, c’est essentiellement la hausse des engrais », relève Charlotte Morin, chargée de mission filière bovins lait à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Le coût a été multiplié par 2 entre 2022 et 2023, « sur une prairie de 5 ans par exemple, cela représente une charge de 80 €/ha, dont 40 € de hausse ».

En Pays de la Loire, la tonne de matière sèche pour l’herbe sur pied est évaluée à 60 € en moyenne. 55 € pour une prairie naturelle ou temporaire de longue durée, 85 € pour un RGI de 18 mois. Une hausse d’environ 5 €/t, ce qui reste modeste. Il s’agit là de « prix plancher », c’est-à-dire un prix calculé à partir du coût de production (intégrant la main d’œuvre). Autrement dit, l’agriculteur qui vend à un prix inférieur ne rentre pas dans ses frais. Pour l’acheteur, cet indicateur est précieux, il sait que s’il trouve de l’herbe à moins cher que ce prix, il fait une très bonne affaire.

Prix planchers de l'herbe sur pied

(source chambre d'agriculture 2023)

Prairie naturelleRGI 18 mois
(2 à 3 coupes dans l'année)
Prairie temporaire
RGA + TB ou RGA + fétuque
(5 ans)
Rendement annuel (estimé)5 t MS/ha9 t MS/ha7 t MS/ha
Prix de l'herbe sur pied en année moyenne55 €/t MS85 €/t MS60 €/t MS
Année à faible rendement (-20 %)65 €/t MS100 €/t MS70 €/t MS
Année à fort rendement (+20 %)45 €/t MS70 €/t MS50 €/t MS

Entre acheteur et vendeur, compromis autour du prix plancher

L’acheteur doit aussi prendre en compte le barème prix maximum, c’est-à-dire le « prix plafond ». Il s’agit du prix que coûterait à l’éleveur un fourrage constitué de paille et de concentré, s’il n’avait pas d’enrubannage, de foin ou d’ensilage d’herbe (pour une valeur équivalente). « L’an dernier, les prix des céréales et du soja ont tellement explosé que les prix plafond ont atteint des niveaux jamais vus jusque-là », raconte Charlotte Morin. Dans la plupart des cas, les prix plafonds 2023 s’écartent des prix planchers de plus de 100 €/t, ils sont souvent dissuasifs.

Entre l’acheteur et le vendeur, le compromis peut se trouver autour du prix plancher qui « permet à chacun de s’y retrouver ».

Valeurs alimentaires, prix plafonds et prix planchers pour différents fourrages récoltés (source : CA 2023) :

Prix plafonds (en comptant 5 % de perte au stockage / distribution (€/t MS)

Prix planchers, main d’œuvre comprise (€/t MS)

Foin de bonne qualité

240

135

Foin moyen

220

135

Foin médiocre

190

130

Ensilage RGI

260

175

Ensilage RGA/TB

265

155

Ensilage tardif

250

140

Enrubannage jaune

260

195

Enrubannage moyen

240

175

Frais de récolte de l’herbe (source : CA avec les barèmes Cuma) :

 

Ensilage

Foin

Enrubannage

Rendement par coupe

3 à 4 t MS

3 à 4 t MS

2 à 3 t MS

Soit un coût hors travail

75 €/t MS

60 €/t MS

110 €/t MS

Temps de travail (/ha)

2h30 à 3h

3h30 à 4h30

3h0 à 4h

Coût (y compris travail rémunéré à 20 €/h)

90 €/t MS

80 €/t MS

135 €/t MS

Quels ajustements opérer ?

Ensilage plutôt qu'enrubannage

Face à la forte hausse du coût de la bâche d’enrubannage et aux frais de récolte plus élevés, certains peuvent envisager de valoriser davantage leur herbe en ensilage. « L’enrubannage reste tout de même très pratique, quand on a de petits chantiers, de quelques hectares par ci par là », tempère Charlotte Morin. Et puis la qualité est plus uniforme, il n’y a pas ces importantes variations que l’on observe en avançant dans le silo.

Dans les faits, il y a en réalité sur le terrain « très peu d’ajustements tactiques instantanés » pour la valorisation de l’herbe, observe Stéphanie Guibert, chargée de mission prairies à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Quand il y en a, « l’écart se fait majoritairement sur la part de pâturage dans l’herbe valorisée, c’est là qu’il y a le plus à gagner ». Le contexte de hausse des prix depuis plusieurs années incite surtout les éleveurs à optimiser, ne pas gaspiller, quel que soit le mode de récolte » constate-t-elle. Cela consiste à « aller chercher l’herbe au moment où elle pousse » et dans le pilotage du pâturage au quotidien, ajuster la surface aux besoins des animaux, bien gérer la complémentarité de l’auge quand il y en a.

Faire pâturer à l’automne

Une autre réflexion concerne la valorisation de l’herbe à l’automne. « Dans le contexte actuel, à l’automne il devient plus intéressant de sortir les vaches au pâturage plutôt que de faire de l’enrubannage », préconise l’ingénieure agronome spécialisée prairies. Les conditions de conservation de l’enrubannage d’automne sont mauvaises en raison de son fort taux d’humidité, même s’il est de bonne qualité à la récolte. « Plus on est dans un contexte de coûts élevés, moins la stratégie d’enrubanner l’herbe d’automne sera pertinente ».

À l’échelle de l’exploitation, le contexte actuel de hausse des coûts et de sécheresses à répétition incite à sécuriser le plus possible son système fourrager, c’est-à-dire produire le plus de fourrage possible, au détriment des cultures. « Plus on sécurise, mieux ce sera » insiste Stéphanie Guibert. Mais face à la hausse des prix des céréales, l’arbitrage est parfois difficile, certains étant tentés de développer les surfaces de cultures de vente.

« Les éleveurs sont en réalité plus préoccupés actuellement par la résilience de leur système face aux épisodes de sécheresse et de chaleur que par la hausse des coûts. » 

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,14 €/kg net +0,04
Vaches, charolaises, R= France 6,99 €/kg net +0,05
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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