
Les associés du Gaec du Transfo, à Stenay (Meuse), ont décidé d’investir dans l’injection de biogaz associée à la cogénération. Cette installation assure l’autonomie énergétique de l’exploitation et a aussi permis l’embauche d’un salarié.
Au mois de mars dernier, Boris Gondouin et Gérald Rouvroy, éleveurs laitiers dans la Meuse, ont mis en service un moteur de cogénération relié à leur unité de méthanisation, opérationnelle depuis le 9 mai 2019. Ainsi, avec 600 m² de panneaux photovoltaïques en complément, leur exploitation devient la troisième en France à être 100 % autonome en électricité.

« Nous aurions pu être les premiers, mais l’administration meusienne a été un peu plus lente à enregistrer notre dossier que celui de deux collègues producteurs dans les Ardennes, plaisantent-ils. Plutôt que de chercher à s’agrandir, ce projet de méthanisation a pour but de valoriser les effluents produits sur la ferme avec un contrat de rachat du biogaz – sur quinze ans à prix garanti indexé sur le coût de la vie – de nature à renforcer notre indépendance financière. »
Pour concrétiser ce projet, il aura fallu une bonne dose de motivation, de ténacité et d’huile de coude. Leur réflexion commence en effet en 2015 par une pré-étude, en partenariat avec le bureau d’études Methalac.
La proximité du réseau favorable à l’injection de biogaz
Après un premier refus de la part de GRDF concernant l’injection de biogaz dans le réseau, les éleveurs ont ensuite consacré plus d’un an à monter un dossier de cogénération dédié à la production d’électricité avec Enedis. Problème : le faible rendement électrique de la méthanisation, de 60 %, et l’impossibilité de valoriser la chaleur produite localement. Mais la ferme est située à seulement 650 mètres du réseau de gaz. Le projet de raccordement pour y injecter du biométhane sera donc finalement retenu par GRDF, après une étude de faisabilité de six mois. Dès lors, tout s’enclenche : montage du dossier avec Methalac, demande de devis et de subventions auprès de l’Ademe, permis de construire. Les travaux vont commencer fin 2017 et prévoient une large part d’autoconstruction pour laquelle les éleveurs vont pouvoir s’appuyer sur le groupement d’employeurs de la Cuma et aussi sur de l’entraide. « Nous n’avons pas créé de société dédiée pour gérer la méthanisation, en raison de l’impossibilité d’apporter les 20 % d’autofinancement minimaux. Elle est donc intégrée à l’activité du Gaec. Dans ce cadre, notre agence du Crédit Agricole a accepté d’accompagner le projet en considérant la valeur de l’autoconstruction comme du financement propre. »


La phase de construction va durer dix-huit mois, avant la mise en service du process de production suivant : le biogaz est d’abord le produit de la dégradation de la matière organique en milieu anaérobie, dans un digesteur et un post-digesteur de 1 650 m3 chacun. Ce processus conduit, d’une part, à la production d’un digestat évacué vers une troisième cuve de 5 500 m3 et, d’autre part, à la production de biogaz composé de 50 à 55 % de méthane (CH4), mais aussi de dioxyde de carbone (CO2). Le biogaz brut passe ensuite par une unité de purification qui lui permet d’atteindre les spécifications du gaz naturel (97 % de CH4) avant d’être injecté directement dans le réseau.
Une ration à base de déjection, de seigle et de petit-lait
Ici, le digesteur est alimenté par 3 500 t de lisier enrichi en poussière de chanvre ou de céréales et 2 000 t de fumier/an. Cette ration est complétée par deux coupes de 20 ha d’herbe et 45 ha de seigle ensilés et stockés dans trois silos couloirs. Dans un contexte séchant, les éleveurs ont préféré miser sur une culture d’hiver qui assure des rendements de 8 à 10 t de MS/ha. « Semé entre la fin août et le 18 septembre et ensilé à un stade précoce, le seigle est un bon compromis qui permet à la fois de valoriser 35 m3 de digestat et de couvrir les sols en hiver. De plus, il laisse une bonne structure de sol qui offre la possibilité d’épandre à nouveau 35 m3 de digestat sans préparation du sol, avant l’implantation du maïs au plus tard le 1er mai. » La part d’assolement consacrée à la méthanisation implique l’achat de près d’une trentaine d’hectares de luzerne sur pieds contractualisés avec un céréalier.

La ration est aussi enrichie par des sous-produits locaux : 40 t/semaine de sérum de petit-lait livré par la laiterie Schreiber, ou encore des apports plus irréguliers de céréales déclassées ou d’issues de légumes équivalant à 30 t/semaine. Au total, l’exploitation produit ainsi 10 000 t de digestat, dont une part fait l’objet d’échange avec de la paille auprès de céréaliers voisins.
La cogénération adaptée aux besoins de l’exploitation
Dans la pratique, les ingrédients solides sont chargés dans un bol à fond mouvant au télescopique, quotidiennement en hiver, tous les deux jours en été. Ils sont ensuite mélangés au lisier et au petit-lait dans un broyeur (prémix) avant d’alimenter le digesteur. Surélevée par rapport au site de méthanisation, la fosse à lisier de la stabulation sur caillebotis intégral (1 300 m3) se vide par gravité d’abord sous la fosse des taurillons (800 m3), puis vers le prémix. Le temps de maturation moyen de la ration est de 85 jours dans le digesteur et le post-digesteur, tous les deux chauffés entre 39° et 42 °C grâce à la chaleur produite par la cogénération.

En effet, pour que la boucle soit complète, un moteur de cogénération d’une puissance de 50 à 100 kWh a remplacé la chaudière. Il est alimenté par du biogaz partiellement épuré afin de produire de la chaleur (40 %) et de l’électricité (60 %). « Il a été dimensionné en fonction de nos besoins en chaleur, précisent les éleveurs. Il est par ailleurs branché sur la ligne électrique pour alimenter l’exploitation en complément des panneaux photovoltaïques. »
Un investissement total de 2,8 millions d’euros
Sur ce principe, les associés ont un contrat d’injection de biogaz de 92 Normo m3/heure (Nm3/h) au prix de 1,60 €/Nm3, écrêté de 30 % pendant les quatre mois les plus chauds de l’année. Le niveau d’injection dans le réseau est en effet tributaire de la consommation de la commune de Stenay où se trouve la ferme, soit 350 Nm3/h en hiver. En été, le méthaniseur est donc alimenté uniquement avec les déjections du troupeau et le petit-lait, afin de réduire la production. Le moteur de cogénération consomme pour sa part 20 Nm3/h pour son fonctionnement. Concrètement, les 600 m² de panneaux photovoltaïques, fixés sur un hangar de stockage, alimentent prioritairement la ferme en électricité, assurant son autonomie jusqu’à 100 kWh. En l’absence de soleil, le moteur est capable de prendre le relais et de couvrir les besoins de l’exploitation. Cela implique des phases d’excédents de production électrique renvoyés vers le réseau via une borne qui ne sont pas valorisés.

Les équipements du site sont fournis par la société Prodeval. Avec le bureau d’études, les éleveurs ont privilégié l’automatisation des différentes étapes de fonctionnement. « Cela limite le temps de travail, mais a forcément un coût », reconnaissent-ils. L’investissement total s’élève à 2,8 millions d’euros, dont 250 000 € pour le moteur de cogénération. Les associés ont bénéficié de 380 000 € de subventions via l’Ademe et les fonds Feader. Le temps de travail est estimé à uneheure par jour, « lorsque tout se déroule normalement ».
Le biogaz génère un chiffre d’affaires de 1 million d’euros et une économie d’électricité évaluée à 100 000 € (sur la base d’un contrat d’approvisionnement de 16 cts/kW). « Le revenu généré par la méthanisation permet de rémunérer l’équivalent de 1,3 UTH/an via le groupement d’employeurs de la Cuma, même si le fait de ne pas avoir créé de société génère du produit et donc des cotisations supplémentaires pour le Gaec. La prochaine étape de l’autonomie passe désormais par l’utilisation du biogaz pour les tracteurs de la ferme. »
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