ISRAËL DÉVOILE SES INNOVATIONS À AGRITECH

SAVEZ-VOUS QUE LE PREMIER COMPTEUR À LAIT EST NÉ DANS UN KIBBOUTZ ISRAÉLIEN ? Que de nombreux outils de monitoring (Heatime) comme des technologies équipant les robots de traite Lely et Delaval viennent de cet État ? Israël est aussi le pays qui détient le record mondial de la productivité laitière depuis des décennies. La moyenne atteint 12 000 kg de lait par vache en 2014.

Pourtant, avec 124 000 vaches laitières réparties dans 834 fermes, le pays n'a rien d'un géant laitier. Sa capacité d'innovation remarquable tient sans doute aux difficultés rencontrées pour produire dans des conditions extrêmes. Le désert occupe 60 % de la surface du pays et même en dehors de ces zones, les mois d'été sont torrides et secs.

Pour créer des troupeaux efficaces et durables, la filière mise sur la technologie. Et elle rentabilise ses investissements dans la recherche en exportant ses produits.

Le salon Agritech, qui ouvre ses portes à Tel Aviv tous les trois ans, représente un lieu de choix pour comprendre les orientations de l'agriculture de demain. La dernière édition s'est tenue fin avril 2015 et a accueilli plus de 12 000 visiteurs étrangers en trois jours.

ORIENTER LE LAIT SELON SA COMPOSITION

Dans le domaine laitier, la tendance va clairement vers des solutions de management de plus en plus sophistiquées. Il ne s'agit plus de vendre un simple podomètre ou un détecteur de chaleur. Chaque outil est désormais connecté. Les logiciels pointus qui permettent de les valoriser visent à surveiller en permanence chaque animal dans l'objectif d'atteindre l'optimum en matière de ration, de santé et de reproduction, pour aboutir au plus haut niveau de productivité et de rentabilité.

Ces objectifs que poursuivent les Israéliens sont très proches de ceux des éleveurs de tous les continents laitiers. La visite d'Agritech est donc riche d'enseignements, même si certaines idées ne sont pas encore sorties des cartons.

Afimilk est une entreprise relativement connue en France. Née dans un kibboutz auquel elle appartient toujours, elle a inventé le compteur à lait en 1977. Le podomètre et l'identification des animaux ont suivi dans les années 1980, puis les premiers logiciels de conduite de troupeaux. Afi Act permet ainsi de détecter les chaleurs sur la base de l'enregistrement de l'activité des vaches par un podomètre. Conçu au départ pour les élevages hors sol israéliens, il a été adapté aux systèmes pâturants (voir reportage). Et le compteur à lait a évolué pour mesurer la conductivité du lait.

L'entreprise a également mis au point un laboratoire d'analyses en salle de traite. Afilab permet de mesurer en continu la teneur en matière grasse, matière protéique, lactose, urée et sang dans le lait. Les données basculent sur un ordinateur et des alertes signalent les évolutions. « Il est ainsi facile de détecter une dérive dans la ration du troupeau ou l'émergence d'un problème de santé. En Israël, les éleveurs s'en servent beaucoup pour suivre le démarrage des lactations », précise Ronen Koll, manager chez Afimilk.

DÉTECTION PRÉCOCE DES ENNUIS SANITAIRES

La détection précoce des ennuis sanitaires est un enjeu majeur en Israël comme dans de nombreux pays afin de limiter l'usage des antibiotiques, mais aussi de réduire le temps de travail et de maximiser la production par vache.

Ce laboratoire peut aussi être couplé à un système d'orientation du lait vers des tanks différents (MCS, milk classification system). Cette option est utilisée par les éleveurs qui destinent une partie de leur lait à la production de fromages, plus exigeante en protéines, et le reste à d'autres produits. Sa commercialisation a débuté en Israël et une première installation vient de voir le jour en Italie. La société travaille sur d'autres évolutions. « Nous cherchons à coupler le système à une station météo, d'une part, et à la ventilation du bâtiment d'autre part », explique Ronen Koll. L'idée est de gérer l'ambiance au plus fin en fonction des conditions météo. Dans les régions très chaudes où les vaches bénéficient de brumisation ou de douches, la fréquence des épisodes sera aussi gérée selon le temps.

Le concurrent d'Afimilk, SCR, est bien moins connu des éleveurs français, car il ne vend pas sous son propre nom. Pourtant, beaucoup utilisent ses inventions sans le savoir, car il équipe les robots Delaval et Lely. SCR est aussi l'inventeur du Heatime qui permet la détection des chaleurs. Ce système est commercialisé en France par Evolution. L'entreprise vient d'être rachetée par l'Américain Allflex, très présent en France dans la fabrication de puces électroniques pour l'identification des animaux.

MESURER LA RUMINATION ET L'ACTIVITÉ

SCR est spécialisée dans la conception d'outils de monitoring et de management des troupeaux dans une optique de prévention des ennuis sanitaires. Fondé sur la mesure en continu des mouvements de l'animal et de la rumination (Heatime), il donne des alertes en cas d'évolution importante. « La rumination baisse de 50 % en cas de mammite », souligne Doron Bar, chez SCR. Il ajoute que les problèmes de santé qui surviennent après le vêlage ne sont souvent détectés qu'après quelques jours. Or, la baisse de la rumination est plus précoce, d'où l'intérêt de la mesurer en continu. C'est aussi un bon indicateur pour déceler les cétoses ou les déplacements de caillette. De plus, lorsqu'une vache malade reçoit des antibiotiques, l'efficacité du traitement est visible plus rapidement sur sa rumination que sur son état. On peut donc savoir plus vite s'il faut poursuivre ou changer de produit. Reste ensuite à savoir interpréter les variations constatées. SCR préconise d'isoler les animaux dont la rumination et l'activité chutent afin de les examiner pour réaliser un diagnostic plus précis. Une mesure de la conductivité du lait, par exemple, permettra de s'orienter, ou non, vers une mammite. Ce nouveau système de management, dénommé Heatime connecté ou Healthy Cow, commence à être disponible en France chez Evolution. Les alertes peuvent être envoyées sur mobile ou tablette, au choix de l'éleveur.

La sélection constitue une autre voie pour améliorer la productivité et la rentabilité des troupeaux. Dans ce domaine, XMatch propose un logiciel de gestion des accouplements utilisable en race pure ou en croisement. Le choix des taureaux s'effectue dans une base de données élaborée avec l'éleveur en fonction de ses priorités en matière de sélection. L'originalité du système vient de sa capacité à prévenir la consanguinité. Il remonte jusqu'à la sixième génération pour s'assurer que les deux pedigrees sont compatibles. XMatch travaille déjà avec Coopex et BCEL Ouest et devrait être présent au prochain Space pour la première fois.

INVESTISSEMENT DANS DES START-UP

Pour rester leader de l'innovation, Israël investit dans des start-up. « Nous avons créé des incubateurs d'entreprise », explique Saral Kemp, en charge de ce projet pour l'agriculture. Elle reçoit environ 200 dossiers de candidatures chaque année. Les projets doivent respecter plusieurs conditions. D'abord, répondre à un vrai problème qui se pose en Israël, mais aussi dans d'autres pays du monde. Ensuite, apporter une solution innovante et applicable dans le pays et ailleurs. L'objectif est donc bien d'appuyer les projets qui font avancer le pays et qui lui permettent d'exporter son savoir-faire. Les start-up sont soutenues pendant trois ans. Celles qui se développent par la suite remboursent l'aide perçue. Aujourd'hui, l'incubateur accueille une entreprise qui travaille sur un robot pour brancher les vaches en salle de traite (MiRobot). « Dans la majorité des pays laitiers, la disponibilité en main-d'oeuvre pour la traite constitue une difficulté. Les robots de traite n'y répondent que partiellement, car il existe des seuils quant à la taille des troupeaux. » L'idée est donc de positionner un robot par poste de traite pour nettoyer les mamelles et brancher la griffe. Il pourra aussi débrancher et effectuer du post-trempage, par exemple. Une seule personne suffira pour faire avancer les vaches et surveiller.

Ce MiRobot fonctionne déjà dans un cadre expérimental. Il sera installé en ferme l'an prochain. Nul doute qu'il fera très vite des adeptes en France et dans le monde, s'il est opérationnel à un prix abordable.

La technologie israélienne étendra alors encore son aura.