AÉRATION DES PRAIRIES UN INTÉRÊT : QUI RESTE À DÉMONTRER

Les résultats à mi-course d'un essai montrent que les gains attendus d'un passage de herse-scarificateur ne sont pas forcément au rendez-vous.

UTILISER UNE HERSE DE PRAIRIES A-T-IL DES EFFETS BÉNÉFIQUES SUR la flore, la qualité et la productivité fourragère de ma parcelle ? Sont-ils durables dans le temps ? Ces gains potentiels annoncés par les argumentaires commerciaux sont-ils à la hauteur du coût d'utilisation de ces outils ? À quelle profondeur faut-il travailler pour aérer une prairie ? Les questions que se posent les herbagers sont légion. Les études neutres sur le sujet ne le sont pas (lire encadré). Pour tenter d'apporter sa pierre à l'édifice et répondre concrètement à ces interrogations, la ferme Arvalis, à Saint- Hilaire-en-Woëvre (Meuse), s'est jetée à l'eau.

Entouré d'experts (Inra, chambres d'agriculture de Haute- Saône et Haute-Marne, Cesam des Vosges…), Didier Deleau, ingénieur chez Arvalis en charge de ce projet, a élaboré un protocole d'essais visant non pas à tester des matériels, mais le niveau d'agressivité du travail. Cela avec trois types d'outils scarifiant très superficiellement de 3 à 4 cm, de 4 à 6 cm ou, plus en profondeur, à 10-15 cm (voir ci-contre).

Support de cette expérimentation lancée à l'automne 2006 pour cinq ans : une prairie naturelle. « D'assez bonnes qualité et productivité malgré les apparences, implantée en 1991, à l'époque avec un mélange ray-grass anglais-trèfle blanc, exploitée en fauche (foin) avec pâture des repousses, recevant 30 unités d'azote minérale par hectare et par an (pas d'apport de P et K minéral du fait de bons indices de nutrition) et 15 t/ha de fumier tous les trois ans », précise Didier Deleau. En fait, une prairie permanente plutôt de bon niveau donc et menée de façon classique.

Sept bandes de 100 x 6 m y sont identifiées, dont une témoin où aucune intervention mécanique n'est réalisée. Rythme de passage initialement prévu des outils sur les autres bandes : tous les printemps pour les moins agressifs, à l'automne et une fois tous les deux ans pour le régénérateur travaillant de 10 à 15 cm de profondeur. Les conditions météorologiques du printemps 2007 ont bouleversé un peu ce protocole. Dans les faits, seul l'A-Airsol, de Grégoire, en position non agressive sera passé comme prévu chaque année.

En revanche, l'impasse sera faite en 2008 pour le Prairial de Carré et pour la herse Ponge. Quant à l'A-Airsol en position agressive, il n'oeuvrera qu'à l'automne 2006.

« On pourra reprocher à ce dispositif expérimental le manque de répétition des bandes, certes, mais cela a permis de s'affranchir du risque d'hétérogénéité du sous-sol argilo-limoneux. De surcroît, à l'intérieur de chaque bande, la multiplication des prélèvements réalisés pour les différents points étudiés fiabilise les résultats », note l'ingénieur. Particularité de l'expérimentation : pour mesurer l'intérêt de l'aération sur une prairie dégradée par du piétinement, chaque bande de terrain était divisée en deux, une moitié étant « pâturée » par des génisses en arrière-saison.

Dans les faits, la réalisation de ce piétinement s'est révélée délicate en raison des conditions pas assez humides.

Il est donc difficile de tirer, à mi-essai, des conclusions sur cette partie piétinée. En revanche, certaines tendances des zones non piétinées, elles aussi à confirmer quand les observations 2010 et 2011 seront exploitées, interrogent.

DES RÉSULTATS PLUTÔT DÉCEVANTS

« À ce stade de l'essai, avec trois années de mesures sur cinq attendues au final, on retrouve les résultats plutôt décevants des deux essais du même type menés dans le passé dans les Pays de la Loire et le Massif central », observe Didier Deleau.

Ainsi, l'évolution du taux de sol nu, crucial pour éviter l'arrivée de plantes indésirables (rumex...), apparaît-elle surtout liée à un effet année. En moyenne sur quatre ans, ce taux est au mieux égal au témoin (6,5 %), au pire plus de d'agressivité testés deux fois supérieur (14,2 %) avec l'outil travaillant le plus en profondeur… qu'il vaudrait donc mieux éviter sur une prairie en bon état.

Concernant la flore de cette prairie, rappelons-le d'assez bonne qualité (33 % de bonnes graminées et légumineuses, 45 % de graminées moyennes, 25 % de dicotylédones), on observe entre les années 2007 et 2009 un effet légèrement défavorable du passage des outils au printemps sur le taux de bonnes graminées. Cela vaut surtout pour les outils travaillant de 4 à 15 cm (- 10 % à comparer aux + 5 % de la bande témoin). L'effet est plus neutre pour la herse grattant les trois premiers centimètres (- 1 %). Cette baisse sensible des bonnes graminées se fait au profit des légumineuses (2 % pour le témoin, 10 % pour un travail superficiel sur les six premiers centimètres, 5 % pour un travail à 10-15 cm). Même effet positif avec l'outil plus agressif passé à l'automne (5 % de légumineuses).

À propos du rendement fourrager, constat identique et aussi décevant pour les différents niveaux d'agressivité testés : aucun effet positif sur les trois ans. On atteint au mieux le même niveau que le témoin, plutôt bon d'ailleurs (6 à 7 t de MS/ha), au pire inférieur. Pas d'effets significatifs non plus de l'aération de la prairie sur la valeur alimentaire du fourrage récolté au premier cycle en 2007, 2008 et 2009. De la même façon, aérer le sol n'a pas modifié les indices de nutrition P et K qui traduisent la disponibilité de ces deux éléments pour les plantes. On n'observe qu'un effet année en 2008 et 2009, lié à l'apport de fumier fait à l'automne 2007, comme on pouvait s'y attendre. Reste à savoir s'il y a ou pas un effet du passage de ces outils sur l'évolution de la matière organique, donnée analysée mais pas encore exploitée.

Pour autant, ces résultats à mi-course appellent à prendre avec beaucoup de précautions certains argumentaires commerciaux. Surtout si l'on dispose de prairies en bon état. Le comportement de la zone piétinée pour lequel les observations sont encore trop récentes ou partielles sera de ce point de vue intéressant à suivre. Peut-être que dans ce cas, aérer sa prairie permettrait-il de générer des bénéfices susceptibles de compenser le surcoût engendré par le passage de l'outil (20 à 25 €/ha).

JEAN-MICHEL VOCORET

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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