« L'ÉLEVAGE DES VEAUX N'EST PLUS UNE ASTREINTE »

PHOTOS © J.P.
PHOTOS © J.P. (©)

LA CONSTRUCTION D'UNE NURSERY INDÉPENDANTE, ÉQUIPÉE D'UN DAL, A CONSIDÉRABLEMENT AMÉLIORÉ LES CONDITIONS DE TRAVAIL DU COUPLE D'ÉLEVEURS PERMETTANT AINSI D'ASSUMER UN TRAVAIL À L'EXTÉRIEUR.

L'INVESTISSEMENT DE 72 000 €, CONSENTI POUR LA NURSERY DE 50 PLACES dédiée à l'élevage des veaux de 15 jours à 4,5 mois, répond à la volonté de rationaliser le temps de travail et d'améliorer les performances d'élevage grâce à de bonnes conditions d'ambiance. « Avant, les veaux étaient élevés dans les vieux bâtiments du corps de ferme, explique Véronique Lebleu. Il fallait transporter quotidiennement la buvée des veaux à brouette depuis la laiterie de la stabulation, située à 100 mètres. Le lait refroidissait et c'était un travail pénible qui pouvait prendre jusqu'à une heure soir et matin en période de mise-bas de septembre-octobre. »

En charge du soin des veaux, l'éleveuse s'occupait de cette tâche le matin, avant d'aller travailler au bureau de poste local où elle occupe un emploi à mi-temps. « Depuis l'installation du dal, en septembre 2013, le soin des veaux n'est plus une astreinte. Je peux libérer du temps pour aider mon mari à la traite, notamment pendant les pics de travaux de plaine, et repousser mes interventions en nursery plus tard dans l'après-midi, si besoin. »

L'astreinte des deux buvées par jour au seau à tétine a cependant été maintenue pendant les quinze premiers jours de vie des veaux suivant la mise-bas (une semaine au colostrum maternel, puis une semaine au lait entier). Lors de cette phase, les nouveau-nés sont élevés dans des niches individuelles à l'extérieur. Ils intègrent ensuite la nouvelle nursery, un bâtiment de 280 m2 en bois, fermé, à ventilation dite statique : cela signifie que le principe de renouvellement de l'air ambiant dans la nursery repose sur l'exposition du long-pan vers les vents dominants (sud-ouest), avec un bardage ajouré de 80 cm à 2,50 m du sol. La pression de l'air, qui entre par le bardage, évacue l'humidité ambiante et l'ammoniac soit par la faîtière en toiture, soit par le long-pan opposé.

« OBJECTIF : ÉVACUER L'HUMIDITÉ AMBIANTE »

Ce principe de ventilation se révèle moins coûteux que les systèmes de ventilation dynamique avec extracteur d'air, pour lesquels il faut compter au moins 8 000 € d'investissement supplémentaire. Mais son efficacité est aussi plus difficile à maîtriser. Elle repose sur l'entrée d'air, l'exposition et la largeur du bâtiment. « Plus il est étroit, plus elle est efficace, c'est pourquoi, on retient une largeur de 12 à 13 m maximum pour ce type d'installation, souligne Benoît Dudan, conseiller en bâtiment de la chambre d'agriculture Nord-Pas-de-Calais. Concrètement, il y a peu d'écarts de température entre l'intérieur de la nursery et l'extérieur. Mais il ne faut pas faire une obsession de la température. Pour preuve, les veaux sont élevés dehors en niche pendant quinze jours dès leur naissance. L'ennemi n'est pas le froid, mais l'humidité. C'est pour cela qu'il est difficile de réussir l'élevage des veaux dans la stabulation des vaches laitières, et que l'on mise sur des bâtiments spécifiques dont on réduit le volume pour pouvoir évacuer l'humidité plus facilement. Lorsque l'on appréhende l'ambiance en nursery, l'erreur est de vouloir tout calfeutrer pour préserver la chaleur. Ce faisant, on maintient l'humidité, favorisant ainsi le développement du microbisme et les conséquences sanitaires qui en découlent. » C'est aussi parce qu'ils dégagent trop d'humidité que les veaux de plus de 4,5 mois sortent de la nursery.

« LE BON COMPROMIS ENTRE VENTILATION ET TEMPÉRATURE »

Dans les faits, seule la toiture est isolée avec des panneaux de polyuréthane pour maintenir la fraîcheur en été et éviter des variations de température trop importantes entre le jour et la nuit, en hiver. De la même manière, des panneaux translucides en polycarbonate sont installés tout le long des façades sud et est, afin de profiter du soleil levant, en automne et en hiver, pour réchauffer rapidement le bâtiment. « Contrairement aux toitures associant tôles en fibrociment et tôles translucides, travailler l'apport de lumière par la façade n'induit pas d'effet de serre », souligne le conseiller. Ce dispositif participe également à l'assèchement des aires de couchage. L'entretien de la litière correspond à un compromis subtil entre la nécessité d'évacuer l'humidité et le maintien d'une zone de couchage, source de chaleur en hiver.

« FACILITER L'ALLOTEMENT EN VÊLAGES ÉTALÉS »

Les doubles barrières et un trottoir central permettent en effet de bloquer facilement les veaux d'un côté pour ne curer que la moitié de l'aire paillée, une fois par semaine à cette période de l'année. La seconde partie, le long du couloir de paillage, n'est curée qu'une fois par mois, permettant ainsi de garder la chaleur du couchage en période de grand froid.

« Le curage mensuel consiste néanmoins à ne pas accumuler trop de litière, source d'humidité et d'ammoniac. »

Au-delà des notions d'ambiance, les éleveurs mettent en avant les atouts pratiques de la nursery : « Tout l'intérêt du système repose sur le jeu de doubles barrières, rappelle Jean-Yves. D'une part, il est très facile de bloquer les veaux d'un côté pour curer sans avoir à les sortir. D'autre part, alors que nous évoluons vers un meilleur étalement des vêlages, cela permet de faire des lots d'animaux de même âge. Je pars du principe qu'il ne faut pas plus de trois semaines d'écart, sinon les plus petits gabarits sont pénalisés sur la consommation de concentrés distribués en libre-service à l'auge. » Cette attention correspond à un programme de sevrage précoce en soixante-douze jours et à un objectif de vêlage à deux ans. Pendant la phase lactée, les veaux consomment d'abord un aliment floconné puis un aliment de croissance ; après le sevrage, la ration complète des laitières et de la paille à volonté, disponible sur le couloir de paillage. Les 50 cm de l'auge sont recouverts d'une couche de résine pour faciliter le nettoyage et pour éviter l'abrasion du béton par l'acidité de l'ensilage. « L'autre intérêt de constituer des lots est de pouvoir faire un nettoyage case par case avec le nettoyeur à haute pression. Car, avec l'étalement des vêlages, on ne peut plus faire de vide sanitaire. » Un système de drains évacue l'eau de lavage par gravité vers une préfosse de 3 000 litres située à l'extérieur. Préfosse qui réceptionne également les jus de l'aire paillée (en très faible quantité) et du caillebotis situé sous le dal.

« UN ENJEU EN ZONE DE POLYCULTURE-ÉLEVAGE »

Le choix du plan d'aménagement et les démarches administratives ont été faits avec le conseiller de la chambre d'agriculture. Le modèle retenu correspond à 90 % des installations neuves mises en service par la chambre consulaire. Seule adaptation au plan proposée par la chambre (voir infographie), les niches individuelles sont à l'extérieur, ce qui aboutit à réduire de 1,90 m la largeur de la nursery. Les éleveurs ont largement participé à l'aménagement extérieur du bâtiment et ont pu bénéficier d'une aide financière de 18 000 € dans le cadre du PMBE. « Lors de la mise aux normes, on a trop souvent concentré les moyens sur les laitières en reléguant les veaux dans un coin du bâtiment, rappelle Benoît Dudan. Or, les conditions d'ambiance des vaches adultes ne sont pas adaptées aux veaux, comme en témoignent les taux de mortalité, entre 5 et 20 %, observés dans la région. Ce type d'investissement correspond à la problématique d'une zone de polyculture-élevage où la fonctionnalité des installations doit permettre de faire face à l'augmentation de la taille des troupeaux dans un contexte de baisse de la main-d'oeuvre familiale. »

JÉRÔME PEZON

Possibilité d'allotement. Dans un contexte de vêlages étalés, l'aménagement intérieur offre la possibilité de faire six lots d'animaux de même âge pour limiter les phénomènes de concurrence à l'auge pour la consommation de concentrés.

L'aire de paillage évite aux veaux le contact avec une paroi froide et met à leur disposition le fourrage à volonté. La consommation des veaux et les besoins de la litière représentent une quantité d'environ une botte de 400 kg/semaine.

Le trottoir central et l'absence de stalle devant les cornadis facilitent le curage en deux parties. En période de grand froid, on tolère l'accumulation de litière, sur la moitié de l'aire de couchage, pour conserver la chaleur.

Les panneaux translucides, placés sur les façades est et sud, permettent de réchauffer rapidement le bâtiment en morte-saison.

Le dal, de la marque DeLaval, comporte deux stations de distribution pour les jeunes veaux. Il représente un investissement de 10 000 €, car il peut fonctionner aussi bien au lait entier qu'à la poudre. Selon le nombre de veaux présents simultanément, il doit simplement être rechargé une ou deux fois par semaine, sans autre intervention.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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