
Dans les exploitations laitières fortes consommatrices d'eau, l'utilisation de sources peut s'avérer payante. À condition que la qualité de l'eau soit assurée.
SUR UN CHEPTEL DE CINQUANTE VACHES consommant annuellement 2 000 m3 (voir encadré), il est possible d'économiser 4 000 € par an, observe-t-on en Haute-Savoie, où le coût de l'eau du réseau a augmenté de 20 % en dix ans. À condition que l'eau captée soit de qualité, ce qui n'est pas toujours le cas. « De nombreux éleveurs possèdent un captage mais ne se soucient pas de son entretien, observe Jean-François Mermaz, du Groupement départemental sanitaire d'Haute-Savoie. Le captage construit par un grand-père, parfois difficile à localiser, a vieilli. Le contexte environnemental a changé. L'urbanisation galopante et les pratiques agricoles ont accru la vulnérabilité des captages dont la protection doit être renforcée. »
En Haute-Savoie, les organisations professionnelles ont souhaité sensibiliser les éleveurs à la qualité de l'eau, un sujet particulièrement sensible pour ce département, fabricant de fromages au lait cru.
DES ÉLEVEURS INTÉRESSÉS PAR LEUR SOURCE
En 2008 et 2009, les analyses d'eau, prises en charge par la Fédération départementale des coopératives laitières et le Laboratoire interprofessionnel d'analyses (Lidal), ont confirmé l'intérêt des éleveurs pour leurs sources. Le nombre d'analyses est passé de 20 à 250. Autre enseignement : sur plus de la moitié des prélèvements, les résultats n'étaient pas satisfaisants.
Chez Patrick Démolis, à Evires, les analyses ont montré des traces de pollution fécale (Escherichia coli, entérocoques), confirmant les suspicions de l'éleveur. « Je n'utilisais la source que pour l'abreuvement de mes quarante-cinq montbéliardes. » Souhaitant valoriser davantage sa ressource en eau, Patrick Démolis s'est rapproché du GDS, partenaire de l'opération. La qualité du captage, insuffisamment étanche, a rapidement été suspectée. L'eau avait initialement une bonne qualité mais elle se contaminait par la terre. D'une profondeur de 3,50 m, le puits avait été aménagé par le père de Patrick il y a une quarantaine d'années. Les buses avaient été empilées et s'emboîtaient les unes sur les autres, mais les joints n'avaient pas été faits. Rien ne s'opposait donc aux infiltrations d'air et d'eau de surface, de petits animaux et de sangsues. D'autant plus que le captage, situé en bas d'une prairie naturelle à 300 m à vol d'oiseau au-dessus de l'exploitation, était négligé. Le diagnostic de captage réalisé sur l'exploitation a mis en évidence les points faibles et forts de l'édifice. « Bien surélevé extérieurement, le captage est implanté dans une prairie fauchée, non pâturée, et qui dispose d'un bon couvert végétal, note Jean-François Mermaz. Le puits est éloigné de tout bâtiment et de toute route, ce qui constitue un environnement favorable en Haute-Savoie. » Autre avantage, l'écoulement de l'eau jusqu'à la ferme se fait par gravité et la maîtrise du foncier est assurée. En effet, la parcelle est la propriété de l'oncle de Patrick, ce qui exclut toute perspective à moyen terme de construction à proximité de la source.
Pour rétablir l'étanchéité du captage, le puits va être nettoyé et la tête de captage sera rehaussée de quelques centimètres. Un dôme de protection, constitué d'une butte de terre argileuse d'un rayon de 4 à 5 m, sera réalisé en amont.
« L'objectif est d'écarter les eaux de ruissellement de surface et d'éviter qu'elles ne drainent les bactéries, les parasites et autres contaminants à l'intérieur du captage, explique le technicien du GDS. Ces travaux sont à la portée de l'éleveur et de son tractopelle. Un couvercle hermétique et plus grand sera également installé. » Outre un entretien annuel du puits, Jean-François Mermaz conseille de modifier le périmètre de protection du captage. « Une zone ovale et non-circulaire, de 15 à 20 m, serait mieux adaptée à la forme et à la pente de la parcelle. »
Sur l'exploitation, la capacité de la réserve en eau sera également renforcée. L'ancien tank à lait, installé au-dessus de l'étable entravée sur le plafond à foin, ne dispose que d'une capacité de 2 000 l.
UNE DÉMARCHE VALABLE ÉCONOMIQUEMENT
«Notre source n'a jamais tari vraiment, précise Patrick Démolis. Mais l'été dernier, le débit était insuffisant. » Un nouveau réservoir de 5 000 l va être installé dans un local technique aménagé en contrebas du bâtiment des laitières. Un surpresseur de 1 000 l sera adapté en sortie de cuve et fera office de pompe. « Avec un débit amélioré, il sera plus facile d'utiliser le Karcher et de nettoyer les abords de la maison. »
Si les améliorations apportées cette année au captage ne suffisent pas à garantir une eau de source conforme pour la vaisselle laitière et l'abreuvement, Patrick Démolis envisage de traiter l'eau. Les analyses qui seront réalisées après l'achèvement des travaux détermineront s'il convient d'investir ou non dans une station. Dans cette hypothèse, il faudrait débourser 6 500 € environ (3 500 € pour la réserve d'eau avec le surpresseur, 1 000 € pour l'aménagement du local technique, 2 000 € pour le traitement aux UV). Les coûts de fonctionnement annuels sont chiffrés à 550 €. Ils se composent de 300 € de frais d'entretien (changement des filtres et de la lampe à UV), 100 € d'électricité et 120-150 € pour l'analyse de l'eau (moitié moins si seuls les critères bactériologiques sont recherchés). Avec une facture actuelle d'eau de réseau de 3 285 € par an pour le seul abreuvement des vaches (4 500 l d'eau par jour), et un emprunt sur cinq ans correspondant à une annuité de 1 400 € par an, le retour sur investissement est de trois ans seulement.
« Économiquement, la démarche vaut donc la peine, estime Patrick Desmolis. Par ailleurs, l'eau est aujourd'hui le “nouveau pétrole”. Il faut en prendre soin. »
ANNE BRÉHIER
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