« UN BÂTIMENT PENSÉ POUR LE CONFORT DE 1 000 VACHES »

© DENIS PAILLARD
© DENIS PAILLARD (©)

LA STABULATION DE LA FERME DITE « DES 1 000 VACHES » A ÉTÉ CONÇUE SUR LE MODÈLE NORD-AMÉRICAIN. LE PRINCIPE : UN RENOUVELLEMENT DE L'AIR OPTIMAL ET LA FLUIDITÉ DE CIRCULATION DES ANIMAUX. VISITE GUIDÉE AVEC SON RESPONSABLE DE TROUPEAU.

DANS SA CONCEPTION, LA STABULATION DE LA FERME DES 1 000 VACHES à Drucat est très simple : un toit de 12 mètres de hauteur au faîte sans translucides, des poteaux, six lots de 154 logettes creuses sur béton raclé et rainuré, sans murs, ni cornadis. Les plans ont été réalisés par un bureau d'étude allemand, Innovations Team, sur le modèle des grands troupeaux laitiers du Wisconsin (États-Unis). « Les vaches ne sont pas faites pour vivre en milieu confiné et tolèrent parfaitement les basses températures, rappelle Michel Welter, le gérant et responsable de troupeau. La stabulation a donc été conçue sur le principe d'un grand parasol avec quatre poteaux pour retrouver la même atmosphère qu'à l'extérieur. » Sous un climat d'influence océanique, l'installation de rideaux mobiles en façade est là avant tout pour éviter qu'il ne pleuve dans les logettes par temps de grands vents. Dans la même logique, le toit n'a pas de faîtière ouverte, mais un faîtage décalé face au vent dominant.

« PAS DE CUL-DE-SAC POUR ÉVITER LE STRESS »

En l'absence de pâturage, la stabulation a été pensée pour respecter autant que possible le comportement des bovins. Cette approche éthologique repose sur deux grands principes. Le premier consiste bien sûr à bâtir une structure dont les dimensions sont adaptées au nombre d'animaux présents : dans ce cas, une surface au sol de 10 m2/VL et un volume d'air de 75 m3. Le second vise à organiser une circulation fluide, c'est-à-dire sans cul-de-sac. « Il faut avoir à l'esprit que dans la nature, le bovin est une proie, rappelle Michel Welter. Si l'on veut que la vache soit calme et sans stress pour exprimer son potentiel, elle doit pouvoir fuir, avoir une solution de repli en toutes circonstances. » Ainsi, la stabulation se compose de six lots de 154 places, eux-mêmes divisés en trois lots de 50 places (2 x 3 rangées de logettes). À chaque extrémité de ces lots se trouve un passage entre les logettes de 3 m de large, avec un abreuvoir. Chaque animal dispose d'une logette, d'une place à l'auge, et la distance maximum entre le couchage et l'abreuvoir est de 22 m. Toutes les vaches, même les plus dominées, peuvent ainsi manger ou se coucher en même temps et avoir accès à l'eau sans restriction.

« LES VACHES SONT SOIT À L'AUGE, SOIT COUCHÉES »

Après l'organisation de l'aire de vie vient le choix des équipements. Les logettes creuses, garnies d'un mélange de paille et de chaux, avec tubulaires flexibles ont été choisies pour leur confort. « L'idéal aurait été des logettes de sable. Mais cela impliquait un dispositif spécifique de traitement de ce sable compliqué à mettre en oeuvre. » À l'auge, les tubes en plastique verticaux, en remplacement des cornadis, semblent faciliter la préhension des aliments : pendant leurs repas, on observe en effet des vaches relever la tête comme pour laisser descendre les aliments jusqu'au rumen. « Ce choix du confort implique de se doter par ailleurs d'un système de contention. » Les boucles électroniques et les portes de tri en sortie de traite sont prévues à cet effet, pour orienter les vaches vers l'infirmerie, le box de vêlage, ou un espace équipé d'une cage de parage professionnelle. Pour un observateur extérieur, la première impression ressentie dans le bâtiment est le calme et la luminosité. Très peu de vaches sont debout inutilement ou perchées dans leur logette (voir la vidéo sur le site de L'Éleveur laitier). Elles sont soit à l'auge, soit en train de boire, ou encore couchées dans leur logette. « Ces signes de confort de l'aire de vie sont essentiels, car chaque heure couchée supplémentaire est favorable à la production laitière et c'est aussi ce qui a permis de regrouper les animaux de vingt-cinq troupeaux, sans conflit. Le principal problème que nous avons rencontré est sanitaire. Il est lié aux boiteries, notamment dues à la Mortellaro. » Au quotidien, le protocole de lutte consiste à appliquer un spray antiseptique sur les lésions de dermatite à la traite, en complément d'un pédiluve mis en place tous les lundis et du passage du pareur une fois par mois. L'évolution des performances semble valider ce constat sur le confort des installations : le troupeau est passé de 22 litres par vache et par jour lors de la mise en route de la traite, à 34 litres (mois moyen de lactation de 201 jours), avec un taux cellulaire de 160 000 leucocytes entre janvier et juin. Conduit en croisement trois voies, ou procross, le troupeau de 865 vaches comprend essentiellement des holsteins pures, mais aussi 70 F1 holsteins x rouges scandinaves, 120 F1 holsteins x montbéliardes et 40 F2 holsteins x montbéliardes x rouges scandinaves. « Les croisements avec la montbéliarde se font plutôt sur vaches adultes et la rouge sur génisses, précise Michel Welter. Je réfléchis aussi à la possibilité d'intégrer en croisement 10 % de jersiaises pour optimiser les taux, l'efficacité alimentaire et limiter le gabarit des animaux. » La ration complète, distribuée une fois par jour, comprend 30 kg bruts d'ensilage de maïs, 7 kg d'ensilage d'herbe de prairie temporaire (ray-grass anglais et légumineuses), 8 kg de pulpe de betteraves surpressée, 4,5 kg de drèches de brasserie, 2 kg de soja, 1,2 kg de colza, 1,5 kg de corn gluten feed, 200 g de miscanthus et un CMV haut de gamme (Levucell, de Lallemand). Il est enrichi en levure et en antioxydants pour renforcer les défenses immunitaires. Du sel et du bicarbonate sont également mis à disposition en libre-service.

« UN INVESTISSEMENT GLOBAL DE 7 500 €/PLACE »

Les différents lots sont constitués au fil de l'évolution du stade physiologique, et reçoivent la même ration complète, à l'exception du lot des fraîches vêlées (7 à 70 jours) qui ont un complément de propylène. De 0 à 7 jours, les vaches restent dans le bâtiment des taries et font l'objet d'une attention particulière (suivi de température, contrôle des métrites...). Pour la détection des chaleurs, le responsable de troupeau s'appuie exclusivement sur les alertes transmises par les colliers de monitoring Boumatic. Au final, l'investissement total est de 7 500 €/place (y compris l'étude préalable et le permis de construire), soit 7,5 millions pour 1 000 vaches. Si l'on retient uniquement la stabulation des vaches laitières, l'investissement est de 1900 €/place.

JÉRÔME PEZON

Des rideaux mobiles automatiques, un bâtiment ouvert Les deux façades de la stabulation sont équipées de filets actionnés automatiquement par des capteurs de température, de vent et d'humidité. Le froid n'étant pas un problème sous un climat océanique, ils sont relevés pour éviter qu'il ne pleuve dans le bâtiment, car le bout des logettes se situe à 30 cm de l'extérieur. À noter l'absence de translucides en toiture pour éviter l'effet de serre en été.

© DENIS PAILLARD

Une place à l'auge pour chacune Avec un écartement de 75 cm, le dispositif Flex Feed garantit une place à l'auge à chaque animal, là où les dimensions étaient insuffisantes pour installer un cornadis par vache. Ces tubes en matière plastique sont montés sur une longue pièce de fer inclinable jusqu'à 30° vers l'avant pour plus de confort. Sans barre au garrot, ce dispositif offre plus de liberté de mouvements : après une prise d'aliments, on observe les vaches lever la tête sans entraves, comme pour laisser les aliments glisser dans la gorge. Elles peuvent aussi atteindre la nourriture jusqu'à 1,20 m devant elles, sur une table d'alimentation peinte en résine époxy.

© DENIS PAILLARD

2 x 3 rangées de logettes La stabulation des vaches laitières mesure 234 m de long sur 37 m de large. Elle est divisée en six lots de 154 logettes, soit 924 places. Chaque vache dispose d'une logette et d'une place à l'auge. L'éclairage est assuré par des lampes à induction, soit 120 lux/m2. La faîtière, à 12 m de hauteur, est ouverte vers l'est, à l'opposé des vents dominants, pour faciliter l'évacuation de l'air chaud et humide par un phénomène d'aspiration.

© DENIS PAILLARD

Un couloir couvert entre la stabulation et la salle de traite Un corridor de 35 m x 5,50 m relie la stabulation à l'aire d'attente (36 m x 10 m) et à la salle de traite (28 m x 24 m). Pour les vaches qui sont logées dans la stabulation du côté opposé à la salle de traite, deux passages canadiens sont prévus pour rejoindre ce couloir couvert puis la traite. Ensuite, sur le circuit de retour, elles peuvent être orientées à l'aide d'une boucle électronique et d'une porte de tri vers l'infirmerie et le bâtiment dédié aux taries (48 m x 34 m).

© DENIS PAILLARD

© DENIS PAILLARD

Des logettes creuses avec un cadre flexible Les logettes creuses sont ébousées quotidiennement et rechargées seulement tous les quinze jours, avec un torchis composé d'un tiers de paille, un tiers de chaux et un tiers d'eau. Chaque vache dispose d'une logette Flex Stalls, de Cow-Welfare : flexible et composé de tubes de gros diamètre en matière plastique légère, ce cadre est conçu pour que les vaches ne se couchent pas en travers et surtout pour éviter les chocs douloureux, et donc l'appréhension de la vache à fréquenter sa logette. Facilement réglables selon le gabarit des animaux, la dimension des logettes est de 1,20 m de large et 1,85 m de long, avec une barre au garrot à 1,20 cm.

© DENIS PAILLARD

Les taries avec les fraîches vêlées Les taries sont logées sur aire paillée, puis en logettes (60 places), lors de la préparation au vêlage et en début de lactation, dans un bâtiment de 48 m x 34 m. 150 places au cornadis sont prévues pour faciliter les interventions. En effet, pendant sept jours suivant le vêlage, les fraîches vêlées sont logées dans ce bâtiment où elles font l'objet d'une surveillance accrue.

© DENIS PAILLARD

Trois traites par jour, 220 vaches par heure Le troupeau est trait trois fois par jour avec un roto Boumatic de 50 places : à 5 h, 12 h 15 et 19 h 45. Trois salariés au minimum sont présents : l'un va chercher les lots, les pousse vers l'aire d'attente équipée d'un chien pneumatique et les raccompagne ; l'autre tire les premiers jets et gère les mammites ; le troisième branche. Un automate assure le post-trempage. La gestion des lots permet de traire 220 vaches/heure. Les deux tanks Serap de 30 000 litres sont dotés d'un système de prérefroidissement et le lait est collecté quotidiennement par Milcobel.

© DENIS PAILLARD

Un séparateur de phases et trois fosses à lisier Les aires d'exercice sont raclées 12 fois par jour par un racleur à cordes et les logettes ébousées quotidiennement à la main. Les déjections passent par un séparateur : la fraction solide est stockée sur une plateforme et épandue sur les parcelles éloignées ; le lisier est dirigé vers une préfosse de 900 m3, puis pompé vers deux fosses de 6 000 m3 et 3 000 m3.

© DENIS PAILLARD

Des silos pour la sécurité des salariés Les ensilages d'herbe et de maïs sont stockés dans deux silos de 70 m de long, sur 12 m de large et deux autres silos de 70 m x 16 m (90 ha de maïs). Ils sont constitués de plaques de béton autoportantes de 4,50 m de haut, posées au sol sans maçonnerie et dont l'inclinaison facilite le tassage des fourrages. Jamais remplis plus haut que 4,50 m et équipés de couloir de circulation, ils garantissent la sécurité des opérateurs.

© DENIS PAILLARD

Les veaux en semi plein-air Le choix des niches individuelles jusqu'à l'âge de 15 jours, puis des niches collectives par lots de cinq génisses (les mâles sont vendus à 15 jours) répond à un enjeu sanitaire. Leur entrée est orientée à l'opposé des vents d'ouest dominants. La buvée est distribuée avec un taxi-lait à raison de deux repas quotidiens, avant de passer à un repas après 15 jours, en complément d'un mash et de paille à volonté. Après chaque veau ou lot, les niches sont lavées, séchées au soleil et une flore barrière est dispersée au sol. Après le sevrage, les génisses sont élevées sur un deuxième site situé à une trentaine de kilomètres.

© DENIS PAILLARD

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

Tapez un ou plusieurs mots-clés...