« AVEC NOTRE AUTOCHARGEUSE, ON ENSILE AUTREMENT DEPUIS QUINZE ANS »

Rémi Chrétien et Bruno Banon continuent de croire à l'ensilage d'herbe pour produire du lait. Il est vrai qu'avec leur autochargeuse, ils maîtrisent assez bien sa valeur alimentaire et le risque butyrique. En général, ils tablent pour raisonner leur ration sur un ensilage à 0,9 UFL et 85 à 105 de PDI/kg de MS.© JEAN-MICHEL VOCORET
Rémi Chrétien et Bruno Banon continuent de croire à l'ensilage d'herbe pour produire du lait. Il est vrai qu'avec leur autochargeuse, ils maîtrisent assez bien sa valeur alimentaire et le risque butyrique. En général, ils tablent pour raisonner leur ration sur un ensilage à 0,9 UFL et 85 à 105 de PDI/kg de MS.© JEAN-MICHEL VOCORET (©)

PLUS SOUPLE ET MOINS GOURMANDE EN MAIN-D'OEUVRE QU'UNE ENSILEUSE AUTOMOTRICE… LES PLUS DE L'AUTOCHARGEUSE ONT DEPUIS LONGTEMPS CONVAINCU LE GAEC DU PETIT FER. À LA NOUVELLE GÉNÉRATION DE MACHINE S'AJOUTE LE DÉBIT DE CHANTIER.

PRÈS DE 45 HA ENSILÉS AU PRINTEMPS, 10 HA ENVIRON EN DEUXIÈME COUPE, 25 ha en troisième coupe : l'herbe gérée systématiquement en alternance fauche-pâture occupe une place de choix au Gaec du Petit Fer. Logique, les prairies sont une richesse naturelle dans ce secteur des Vosges. Mais surtout, Bruno et Sylvie Banon, associés depuis 2004 avec Rémi Chrétien, leur ancien salarié, continuent de croire à l'ensilage d'herbe pour produire du lait. Ce n'est pas toujours le cas ici, où le maïs occupe une place de plus en plus prépondérante dans les rations des vaches laitières. La faute aux risques butyriques et au niveau de qualité d'un ensilage d'herbe pas toujours maîtrisé.

Au Petit Fer, ce sont les 45 ha de première coupe que les laitières valorisent. Les deuxième et troisième coupes vont aux allaitantes. Les 60 prim'holsteins sont conduites en deux lots. Le premier avec une ration complète de deux tiers de maïs et un tiers d'herbe équilibrée avec du correcteur azoté et un mélange de céréales fermières (maïs, orge, avoine) à 35 l de lait ; le second avec une ration de deux tiers d'ensilage d'herbe et un tiers de maïs, équilibrée à 27 l. Ce deuxième lot est le seul à pâturer, mais seulement le jour.

« LES BUTYRIQUES ICI, ON NE CONNAÎT PAS »

L'une des raisons pour laquelle Bruno, Sylvie et Rémi misent autant sur l'ensilage d'herbe, c'est qu'ils maîtrisent assez bien sa valeur alimentaire et le risque butyrique. Les résultats d'analyse le prouvent. En général, les associés du Gaec tablent, au moment de raisonner les rations, sur un ensilage autour de 0,90 UFL/kg de MS et 85 à 105 en PDI. « Les butyriques ici, on ne connaît pas. La dernière fois que nous avons eu un souci, c'était à cause de trousfaits par des corbeaux sur la bâche de couverture. » Cette qualité d'ensilage bien maîtrisée ne doit rien au hasard. Elle est pour Bruno Banon le fruit de la récolte à l'autochargeuse. Un choix sciemment réalisé il y a quinze ans, après dix années « sans problème » de chantier en commun avec un voisin (tracteur à poste inversé), et deux années de récolte gérées avec une ensileuse automotrice. L'expérience n'avait pas laissé de bons souvenirs. Notamment ces parcelles qui n'auraient pas dû être ensilées le jour planifié par l'entrepreneur, mais le lendemain. Ou ces 6 ha à Jubainville, sur la parcelle la plus éloignée de l'exploitation : « On y a fait de la “lessive”. Ça coulait au cul des remorques. On l'a regretté tout l'hiver, moi et les vaches », explique Bruno.

« L'HERBE IMPLIQUE UNE REMISE EN QUESTION PERMANENTE »

Pour lui, le principal point noir de l'automotrice est son manque de souplesse lié au nombre de personnes impliquées : « Pâturée, fanée ou ensilée, l'herbe implique une remise en question permanente. Le matin, on peut penser qu'il faut y aller puis, à cause d'un passage nuageux ou de 3 mm de pluie, devoir différer la récolte pour être à l'optimum en MS. Mais la décision de renvoyer les voisins chez eux est difficile à prendre quand tout le monde est dans la cour de la ferme avec ses bennes et que l'entrepreneur est pressé de passer au chantier suivant. »

L'autochargeuse, qui n'exige que trois personnes sur le chantier, n'a pas cet inconvénient. « Avant, sur les parcelles éloignées, six à sept personnes étaient nécessaires, cinq affectées aux bennes pour le transport, une au silo pour tasser et, selon l'organisation, une autre personne pour andainer devant l'ensileuse. Aujourd'hui, trois suffisent : une à l'autochargeuse, une au silo et une à l'andaineur », observe Bruno. Dans ces conditions, il est évidemment bien plus aisé de décaler un chantier si la pluie menace ou si le préfanage n'est pas suffisant. Autre avantage évident aux yeux de Bruno : la qualité du tassage. « C'est un réel souci avec la capacité actuelle des ensileuses automotrices d'avoir une benne qui arrive toutes les 5 min au silo et d'y réaliser du bon travail. »

« AVEC CETTE REMORQUE, ON PEUT FAUCHER 45 HA D'UN COUP »

Depuis 1994, c'est donc avec une Mengele de 29 m3 (l'une des premières machines équipées d'un rotor hélicoïdal et d'un dispositif de coupe) que le Gaec du Petit Fer récolte son ensilage. Témoin du soin apporté ici au matériel : cette autochargeuse est toujours là en dépannage.

En 2008, le Gaec a franchi une nouvelle étape. Il a investi dans une Krone ZX 450, une remorque autochargeuse de la nouvelle génération. Principal avantage de cette machine : son débit de chantier. « La Mengele était aussi souple d'utilisation, mais elle était équipée d'une caisse moins robuste. Résultat : il fallait suffisamment préfaner pour ne pas avoir trop de charge dans la caisse. Sinon, on n'en mettait pas assez dedans », résume Bruno, pilote de la ZX. Depuis l'an dernier, l'ensilage fauché à la conditionneuse subit, en général, un seul passage de pirouette (aucun si très peu d'herbe, ou deux selon la météo). Il reste ensuite un jour à un jour et demi au sol avant la récolte à l'autochargeuse, l'andaineur travaillant devant… un Krone Swadro 900 deux toupies ratissant sur 7 m de large. « Avec cette remorque, on peut faucher 45 ha d'un coup si la météo est propice, ramasser 15 ha le lendemain et le reste le surlendemain. On ensile jamais à moins de 35 % de MS. Pour limiter les risques butyriques, on vise 40 à 45 % de MS. »

« 15 MIN POUR REMPLIR, 2 MIN POUR DÉCHARGER »

Cette année où il a fallu passer entre les gouttes, le Gaec du Petit Fer a ensilé ses 45 ha de première coupe en trois fois en mai : 10 ha le 7 en fin de journée, 13 ha le 11 et 20 ha environ le 19. L'ensilage de ces 20 ha (pour moitié pirouettés deux fois) sur les parcelles les plus proches (à moins d'1 km), débuté à 10 h, était bouclé à 16 h… laissant à Bruno le temps d'entreprendre un second chantier chez un client. « Il faut 10 à 15 min pour remplir une remorque au champ et 2 min pour la décharger au silo. Début mai, en comptant environ 2 ha récoltés par remorque, on arrive à près de 4 à 5 ha/h sur les parcelles situées à moins d'un kilomètre. »

Ce débit de chantier impressionnant est le fruit d'une caisse de très grande capacité (43 m3) et d'un rotor de chargement très performant. Il le doit à sa conception et à ses grandes dimensions. Il est entraîné par des réducteurs à pignons dans des boîtiers à bain d'huile (pas de chaîne) lui conférant une grande robustesse. Constitué d'étoiles à huit branches de 88 cm de diamètre disposées en spirale, ce rotor de coupe de 1,84 m de large assure, derrière le pick-up de 2,10 m de large, un flux continu du fourrage à travers le dispositif de coupe… constitué de 0, 23 ou 46 couteaux selon le réglage. Ces couteaux s'effacent vers l'arrière en présence de corps étrangers. « L'avantage d'un tel dispositif de coupe, comparé au rotor d'une ensileuse automotrice, est aussi qu'il ne pulvérise pas les éventuelles mottes de terre ramassées avec le fourrage, au risque de le contaminer en butyriques. On les retrouve tranchées dans le silo. La vache peut les trier à l'auge. »

« ON ARRIVE À DES BRINS DE 4 À 5 CM. IDÉAL POUR LE RUMEN »

Petit bémol relevé par Bruno : contrairement aux automotrices, l'autochargeuse n'est pas équipée d'un dispositif d'affûtage automatique. « Mais il est facile de démonter les couteaux. Pas besoin d'outil pour cela. On les affûte tous les 45 à 50 ha. »

Les associés du Gaec ont remarqué aussi un plus sur la qualité de coupe. « Sur la Mengele, les couteaux étaient écartés de 38 mm, mais avec deux rangées de couteaux décalés. Résultat : des brins arrivaient à passer de travers. Ce n'est pas le cas avec la rangée unique de couteaux, de surcroît plus resserrés sur la Krone. On arrive à des brins réguliers de 4 à 5 cm de long. C'est idéal pour le rumen. » La première année, la Krone ZX 450 a tourné avec un tracteur de 140 ch, une puissance un peu limite pour exploiter pleinement les capacités de la remorque ou de la presse à balles carrées, surtout dans les parcelles en pente. Cette année, la ZX est attelée à un Fendt de 180 ch acquis neuf cet automne. À la clé, 5 min de gagnées pour la remplir.

On l'imagine aisément, vu le prix catalogue de la ZX 450 (plus de 94 000 € sans les hérissons de déchargement), cet investissement ne s'est pas fait à la légère. Il s'est d'abord raisonné dans la perspective de proposer une nouvelle prestation extérieure, en plus de la moisson et du pressage. En 2008, la remorque a tourné sur 80 ha chez des clients… un début. « C'est une machine très simple techniquement qui restera opérationnelle au moins quinze ans, laissant le temps de l'amortir. »

« LA ZX NE SE CANTONNE PAS À ENSILER L'HERBE »

L'autochargeuse ne se cantonne pas non plus à l'ensilage. La caisse est suffisamment robuste pour servir de benne pour les 25 ha d'ensilage de maïs du Gaec du Petit Fer. Pour cela, il suffit de disposer une tôle sur le rotor. La remorque est également utilisée pour la récolte de la paille des logettes, un travail que ne faisait pas la Mengele qui ne coupait pas assez court. Jusqu'en 2007, ce chantier de 4 ha se réalisait avec une ensileuse traînée à goulotte et deux bennes d'ensilage. Cette « corvée » mobilisait trois personnes toute une journée. L'an dernier, cette paille a été ramassée par une seule personne en moitié moins de temps. La ZX 450 a également travaillé cette année pour la paille utilisée dans la ration complète des allaitantes. Avec cette paille précoupée, le bol devrait moins tourner et moins s'user cet hiver.

Elle a aussi servi à la récolte en sec des 6 ha de luzerne récemment implantés.

Pour justifier leur investissement, Rémy Chrétien et Bruno Banon mettent aussi dans la balance les 45 ha de première coupe d'herbe valorisées par les laitières. Et les 25 ha de troisième coupe à une période où il n'est plus possible de récolter en sec. « La souplesse d'utilisation et la capacité de la machine nous permettent, tout en étant entrepreneurs de moisson et de pressage, de faire une deuxième et une troisième coupe d'ensilage. »

J.-M. VOCORET

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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