6 élevages en circuits courts au peigne fin

Circuits courts
Objectif : gagner en temps et confort de travail. (©Fotolia , Terre-net Média // Montage Terre-net Média)

Dans le cadre du projet Trac, six exploitations bovines lait et viande, en circuits courts, ont bénéficié d’un diagnostic pour évaluer l’organisation de l’atelier et de la main-d’œuvre, la pénibilité, la charge de travail et mentale… Et faire ressortir les points forts et d’amélioration en vue d’en tirer des enseignements et des conseils, tant pour les éleveurs que les conseillers, et d’accompagner derrière les producteurs.

Le travail, principal talon d’Achille

Parmi les six élevages ayant participé à cet audit : trois bovins lait et trois allaitants, de différentes régions, avec des surfaces, niveaux de production,systèmes (polyculture-élevage, plus spécialisés, herbagers, en agriculture biologique…), types et volumes de main-d’œuvre, gammes et débouchés divers…

Leur point commun : la commercialisation de leurs produits en circuits courts, avec souvent vente directe à la ferme ou à des particuliers, et un atelier de transformation sur l’exploitation. Deux d’entre eux sont des fermes d’application de lycées agricoles. Retrouvez les présentations plus détaillées (SAU, cheptel, MO, volumes produits, transformés, etc.) en bas d’article.

Dans toutes ces structures, le travail et ses multiples composantes est l’élément qui pèche le plus, donc à améliorer en priorité, principalement sur l’activité transformation, puis commercialisation. Dans le premier élevage, son organisation générale, avec de nombreuses tâches manuelles, répétitives et pénibles, de même que spatiale, pose problème, notamment en termes de « ressources humaines mobilisées ».

Les éleveurs expliquent : « Il faut vider la cuve fromagère de 800 l pour mettre tout en moule manuellement, frotter les tommes, manipuler 1 tonne de mimolette, porter des caisses… Cela fait beaucoup de manutention, de mouvements répétitifs qui génèrent des tendinites aux avant-bras. »

En tout, la fabrication fromagère occupe 80 heures par semaine et trois personnes. L’espace dédié est, à certaines périodes de l’année, trop exigu. La logistique de commercialisation est également chronophage. Elle représente « 20h30 par semaine sur trois jours de livraison par secteur géographique. » Une situation aggravée par le départ imprévu d’un associé, une fois l’enquête réalisée. Le besoin, déjà identifié lors du diagnostic et formulé par les producteurs après cet événement, est donc de gagner en temps et confort de travail.

Dans la deuxième ferme, les installations étant fonctionnelles, c’est plus l’organisation de la main-d’œuvre qui doit être revue dans le cadre de la restructuration du Gaec (entrée d’un associé), du lancement récent de la fabrication de yaourts et de la retraite prochaine des parents, qui ne veulent pas aborder le sujet alors que cela pourrait obliger l’un des membres à revenir sur l’activité production.

De façon générale, dans ce genre d’analyses, le facteur âge est à prendre en compte, ainsi que le recul de celui légal de départ en retraite, afin de préserver le capital santé des exploitants, pointe cette étude.

La troisième exploitation laitière, avec une main-d’œuvre uniquement salariée, fait face plutôt à des problématiques de management (gestion de la communication, répartition des tâches et responsabilités, rapport de pouvoir et transmission des consignes, valorisation du travail et reconnaissance), source d’un turn-over important et de dysfonctionnements.

La charge mentale est pesante en raison des contrôles résultant des non-conformités, de la diversité des métiers exercés (production, transformation et commercialisation, déjà mis en évidence dans un autre diagnostic) et au manque de rentabilité. Or la vétusté de la fromagerie (nombreuses pannes et casses) nécessiterait des investissements en vue de son automatisation. Surdimensionnée et sous-utilisée, elle génère en outre des coûts de fonctionnements très élevés.

Deux des élevages bovins viande sont davantage confrontés, comme l’une des fermes laitières, à la pénibilité de certains travaux. Des risques physiques, de troubles musculosquelettiques (TMS) entre autres, ont été mis en avant, en particulier lors de la mise en conserves (fatigue générale, position « tirant sur le cou » douloureuse, douleurs l’hiver consécutives au froid et à l’humidité dans le local de découpe) et de manière générale avec le port de charges lourdes. Lesquels peuvent être aggravés par la charge mentale ou les risques psychiques.

Dans l’une des deux structures en effet, beaucoup de choses reposent sur la responsable d’atelier : organisation globale du travail, gestion de l’équipe de transformation, de l’atelier (entretien des locaux et équipements, maintenance), des stocks et commandes, de l’administratif, des finances et parfois de l’ensemble de l’exploitation, tout en assurant la transformation et la commercialisation.

Elle doit « penser à tout ». Pas étonnant qu’elle soit très fatiguée et ait du mal à se faire remplacer, pour prendre des congés par exemple. De plus, la baisse de l’engouement pour les circuits courts, post-covid, l’inquiète pour rentabiliser les investissements de mise aux normes effectués.

Seule une des exploitations allaitantes (d’un lycée agricole) semble avoir des objectifs et contraintes qui diffèrent : elle cherche à « mieux valoriser ses produits, développer ses ventes et conforter les emplois ». Cependant, « l’organisation du travail, pensée pour que les pics d’activité ne se chevauchent pas, pourrait être limitante ».

Quelles solutions envisageables ?

La réduction des manipulations et déplacements, de la pénibilité, du temps de travail et de la main-d’œuvre requise passe, dans la plupart des cas, par un réaménagement voire un agrandissement de l’espace, et l’acquisition d’équipements.

Revenons sur le premier élevage laitier : l’installation d’une cuve mécanisée supprimerait le brassage à la main ; surélevée, et associée à une table de moulage des fromages avec répartiteur, elle permettrait le remplissage des moules par gravité. La rationalisation du process de fabrication du fromage blanc enlèverait une astreinte, le dimanche soir, et économiserait de l’énergie.

Dans l’une des exploitations bovins viande, une armoire frigorifique rationnaliserait le stockage et des diables faciliteraient la manutention. Attention, les équipements doivent être « bien pensés et surtout adaptés aux besoins », mettent en avant ces audits, qui évoquent l’existence d’aides financières et la possibilité de se faire accompagner, par des organismes extérieurs, pour trouver des fournisseurs et matériaux.

Pour diminuer plus spécifiquement la pénibilité et les risques physiques comme les TMS, l’intervention d’un ergonome ou technicien spécialisé peut être bénéfique. Il s’agit « d’adapter les tâches aux capacités physiques de chaque travailleur afin de les rendre plus autonomes », détaille l’étude. Et « de leur faire prendre conscience de leurs différences de fonctionnement et de comportement au travail ».

« Il faut réfléchir chaque geste pour l’exécuter le plus facilement possible. » Essayez, notamment, d’éviter au maximum de devoir vous baisser. L’un des ateliers de transformation a, lui, « décaissé l’entrée pour être à hauteur lors du chargement de camions ». Une solution simple à mettre en place, sans surcoût, est déjà de partager/alterner à plusieurs les travaux les plus pénibles. Peu importe ce qu’il y a à faire, pouvoir se remplacer au sein du collectif de travail est de toute façon essentiel.

Pour certains travaux, pourquoi pas faire appel à l’entraide, ou déléguer aux salariés ou en externe : cultures, élevage des génisses… voire songer à arrêter certaines activités (comme les volailles dans l’une des situations étudiées).

Outre la formalisation des process (description écrite, plannings, consignes, réunions, etc.), l’une des structures cite le profil MTBI, une méthode utilisée en ressources humaines, axée sur la personnalité et qui aide à cerner la façon d’entrer en contact avec les autres, de communiquer, de décider…. Ainsi, elle a pu remettre à plat la répartition des rôles et les relations au sein du collectif. Cet outil peut aussi simplifier l’intégration de nouveaux travailleurs, en mesurant leur « compatibilité » avec les autres et servir de déclic pour engager des changements.

Les propositions pour progresser : mieux gérer le fichier le fichier client, anticiper et planifier les commandes, en étant plus ferme auprès de la clientèle notamment sur les délais à respecter pour commander. La partie comptabilité peut vite s’avérer lourde selon le nombre d’opérations par mois. Acquérir un logiciel adapté ou externaliser ce service peut être préférable.

Pour les producteurs ayant déjà mis en œuvre les évolutions préconisées, le gain de temps et de confort est déjà au rendez-vous. Tous soulignent l’intérêt d’un regard extérieur sur leurs pratiques, qui a mis en évidence des difficultés dont ils n’avaient pas ou peu conscience. L’accompagnement par un tiers limite, en outre, l’aspect émotionnel. Le partage d’expérience avec d’autres producteurs en circuits courts reste toutefois fortement recommandé pour compléter ce type de démarches.

Précisons que ces diagnostics, et l’accompagnement qui en découle, se font en plusieurs étapes. Des « demandes explicites et implicites » ont débord été formulées par les éleveurs auprès de conseillers. Puis, les diverses composantes du travail ont été analysées via la description de journées types, l’observation en situations, l’utilisation d’outils comme des semainiers (tâches réalisées, durée, nombre de personnes mobilisées, etc.), la matrice Swot (forces, faibles, opportunités, menaces), Déclic travail, les tableaux comparatifs…

Les attentes ont été priorisées. Les pistes de progrès ont ensuite été co-construites avec les producteurs, et regroupées par thématique, avec parfois plusieurs scénarios. Un suivi régulier a eu lieu tout au long de leur mise en place. Les retours des accompagnants et des éleveurs ont été recueillis pour appréhender les limites et éléments à améliorer. Chaque phase est détaillée dans une fiche pour chaque élevage audité, et synthétisé dans une frise chronologique.

Organismes participants : CERD, ARVD Nord Pas-de-Calais, chambre d’agriculture de la Sarthe, FRCivam Pays de la Loire, chambre d’agriculture de Bretagne, interafog, Afipar. Source : idele

Les fermes auditées en quelques chiffres

  • Exploitation 1 : bovins lait (Pas-de-Calais)

Statut juridique : EARL
SAU : 67 ha (+ champignonnières)
Production : 220 000 l/an (système herbager)
Label : en AB
MO : passage de 4 à 3 associés + salariés, apprentis, bénévoles
Diversification : transformation laitière à la ferme (170 000 l/an) (3 ETP) + cidricole
Gamme : 5 types de fromages frais et affinés, cidre, jus de pomme, vinaigre, champignons frais
Commercialisation : circuits courts (crémiers, points de vente collectifs, dépôts chez des producteurs, semi-grossistes, restauration collective) + vente à la ferme
Autres éléments de contexte : «rapide développement de la transformation, sans réflexion globale sur l’aménagement des locaux, avec la main-d’œuvre comme variable d’ajustement »

  • Exploitation 2 : bovins lait (Pays de la Loire)

Statut juridique : Gaec familial
SAU : 230 ha
Production : 1,5 Ml/an + poulaillers (1 200 m2)
Label : volailles de Loué
MO : 4 associés (2 parents + 2 frères) + 3,5 salariés
Diversification : transformation laitière à la ferme (230 000 l/an)
Gamme : beurre, fromages frais, tommes, faisselles, yaourts
Commercialisation : circuits courts (GMS locales) + vente à la ferme et sur les marchés
Autres éléments de contexte : volonté d’une épouse de rejoindre l’atelier circuits courts

  • Exploitation 3 : bovins lait (Hauts-de-France)

Statut juridique : ferme d’application de lycée agricole
SAU : 53 ha (prairies) + 5 ha vergers écopâturés
Production : 240 000 l/an (40 VL Bleue du Nord)
Label : en AB
MO : 1 directeur gestionnaire + 4 salariés (2 en élevage + 2 en fromagerie) + aides élèves et professeurs (ateliers pédagogiques)
Diversification : transformation laitière à la ferme (100 000 l/an) + pour autres producteurs (1 j/sem)
Gamme : 6 fromages affinés
Commercialisation : circuits courts (détaillants, boutiques de terroir, GMS, restauration collective dans un rayon de 80 km) + vente à la ferme
Autres éléments de contexte : objectif de production + pédagogique, fort turn-over de la direction

  • Exploitation 4 : bovins viande (Bourgogne-Franche-Comté)

Statut juridique : Gaec entre époux
SAU : 270 ha (dont 35 ha de céréales)
MO : 2 associés + 3 salariés (1,8 ETP) + service de remplacement 8 h/sem + aides bénévoles
Diversification : découpe + transformation à la ferme (30 VA + 10 veaux par an)
Gamme : viande fraîche, préparations à base de viande, conserves, produits séchés
Commercialisation : circuits courts (épiceries, restaurants, particuliers) avec tournées + vente à la ferme sur les marchés + magasin de producteurs en projet

  • Exploitation 5 : bovins viande (Nouvelle-Aquitaine)

​​​​​​Statut juridique : Gaec familial
SAU : 86 ha (céréales + oléagineux dont tournesol, colza, cameline) ​​​​​​
Cheptel : 27 mères Salers (système herbager)
Label : en AB
MO : 2 associés + aides ponctuelles de la famille et des voisins
Diversification : fabrication d’huiles à la ferme (une partie des oléagineux), atelier de découpe externe (60 km) pour la viande
Gamme : veaux au détail ou en colis, huiles
Commercialisation : circuits courts (magasins de producteurs et de produits locaux + biocoops dans un rayon de 50 km) + vente à la ferme
Autres éléments de contexte : 2 sites d’exploitation situés à 4 km

  • Exploitation 6 : bovins viande (Nouvelle-Aquitaine)

​​​​​​Statut juridique : ferme d’application de lycée agricole
SAU : 90 ha (dont 86 ha en herbe)
Cheptel : 50 mères Rouge des Prés + 200 brebis + un atelier volailles (2 000/an)
MO : 1 directeur gestionnaire + 2,25 salariés (2 en élevage + 0,25 à la vente) + aides ponctuelles d’élèves
Diversification : découpe + transformation à la ferme, station d’évaluation de taureaux, station d’expérimentation d’engraissement
Gamme : colis de viande
Commercialisation : circuits courts (en collectif à la restauration collective et ponctuellement au détail) + vente à la ferme

Réagir à cet article
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

Monitoring

Tapez un ou plusieurs mots-clés...