Reprendre sa liberté vis-à-vis des intermédiaires pour reprendre la main sur un modèle économique où les producteurs de lait ne reçoivent que des « restes » : c’est le choix qu’a fait en 2016 Fabrice Hégron en créant avec des collègues une laiterie indépendante.
Il aura fallu un lourd investissement, de quelque 8,5 millions d’euros, pour permettre aux membres de la laiterie, appelée « En direct des éleveurs » installée à Rémouillé (Loire-Atlantique), de collecter, transformer et distribuer eux-mêmes le lait issu de leurs fermes, garantissant à chaque éleveur un « revenu minimum net » de 1 700 euros par mois, « hors financement de la laiterie », insiste M. Hégron.
« Le premier critère, c’était reprendre notre liberté parce que quand vous êtes agriculteur aujourd’hui, vous êtes totalement dépendants de ce qui se passe après », en aval, explique-t-il à l’AFP dans la laiterie, qui a vendu 7,2 millions de litres l’an dernier. Le lait est vendu dans la grande distribution autour de 1,16 euro/litre mais la laiterie ne souhaite pas communiquer sur le prix versé aux éleveurs.
« Il y a une phrase qui m’a choqué quand j’étais petit, que j’ai entendue quasiment tous les jours. C’est : « « Produis, ne t’en fais pas, on s’occupe du reste" », poursuit-il. « Ça venait de gens qui étaient « le reste" en fait » : tous les intermédiaires de la filière.
L’idée d'« En direct des éleveurs », c’est que « l’agriculteur doit reprendre la main » car « depuis très, très longtemps, c’est notre client qui facture. Aujourd’hui, ce n’est pas possible », dit Fabrice Hégron.
« On a nos charges de fourrage, nos charges d’aliments, nos charges d’électricité, de main-d’œuvre. Comme toutes les autres entreprises, on a des charges », égrène Jérémy Maillard, président de la Fédération départementale des producteurs de lait de Loire-Atlantique.
« Toutes les autres entreprises font le bilan de ces charges et calculent le prix où elles peuvent vendre le produit. Nous, c’est l’inverse ! On a un prix au consommateur et après chacun prend sa marge et le reste va à l’agriculteur », poursuit-il.
« Ce n’est pas logique, ce n’est pas dans ce sens-là qu’il faut penser », déplore cet éleveur de Pornic, qui n’appartient pas au réseau de « En direct des éleveurs ».
Erosion du nombre de producteurs laitiers
Comme des dizaines d’éleveurs de l’ouest de la France, M. Maillard avait manifesté le mois dernier pour dénoncer la politique de Lactalis et le prix payé par le groupe industriel français, qu’ils jugent trop bas et contraire à la loi Egalim censée offrir aux agriculteurs une rémunération tenant compte de leurs coûts de production. Sur sa ferme héritée de ses parents en 2009, Jérémy Maillard s’en sort notamment grâce à trois robots de traite qui fonctionnent en continu, lui permettant de produire chaque jour 5 500 litres de lait avec ses 135 vaches.
Un système qui l’autorise à travailler un peu moins que la plupart de ses collègues, six jours sur sept avec deux semaines de vacances par an. Mais il a dû effectuer de lourds investissements et il estime que sa rémunération est insuffisante par rapport au temps consacré à son exploitation.
Ces difficultés de la profession se traduisent, selon lui, par « une grosse érosion laitière ». « Il y a beaucoup de fermes qui arrêtent malheureusement parce que c’est 7 jours sur 7, c’est assez compliqué techniquement, il faut faire toujours plus et mieux… »
« On était 120 000 exploitations laitières en 1999, a priori on serait 45 000 aujourd’hui », confirme Fabrice Hégron, estimant que le problème vient de ce qu'« un certain nombre de gens ne veulent pas lâcher » ce système « qu’ils maîtrisent depuis 40 ans ». « Il faut que ça soit, à la base, le monde agricole qui monte un autre modèle », prône le cofondateur de la laiterie indépendante qui distribue ses produits dans plus de 500 magasins de la grande distribution.
« Dans notre système, ce qu’on a voulu remettre en place, ce sont nos coûts de production, et on le fait depuis le début », en intégrant également les coûts de la transformation et la marge du magasin, « pour avoir un prix final qui correspond réellement » à ce que chaque éleveur doit percevoir, insiste-t-il.
Votre email professionnel est utilisé par les sociétés du groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters
et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici.
Consultez notre politique de confidentialité
pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits.
Notre service client est à votre disposition par mail : serviceclients@ngpa.fr.
« Ensiler 38 ha de maïs, c’est rentrer l’équivalent de 75 000 € de stock »
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Maïs fourrage : « Un silo mal tassé monte rapidement à 15 % de freinte »
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
La « loi Duplomb » est officiellement promulguée
Quelle évolution du prix des terres 2024 en Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
Quelle évolution du prix des terres en Bretagne en 2024 ?
Facturation électronique : ce qui va changer pour vous dès 2026