
Face aux risques de manque de fourrage en période estivale, valoriser les prairies peu productives, les roseaux des marais ou les formations ligneuses pourrait contribuer à l’autonomie des fermes en limitant le recours à certains fourrages. C’est ce qui ressort d’un travail mené par l’Inrae avec quatre fermes du Grand Ouest.
Quand il n’y a plus grand-chose, on évite le gaspi, on racle les fonds de tiroir. En élevage bovin, en période de sécheresse estivale et de déficit fourrager, cela peut se traduire par « l’utilisation de ressources atypiques issues du capital naturel », cette végétation non cultivée présente dans les fermes. Une voie qu’a choisi d’explorer l’Inrae, en analysant les usages dans quatre exploitations d’élevage bovin de l’ouest de la France. Une synthèse était présentée lors des récentes journées de l’Association francophone pour les prairies et les fourrages, à Angers.
Ils élèvent des vaches laitières ou allaitantes dans le Poitou, en Bretagne ou en Pays de la Loire. Ces quatre exploitations valorisent les « ressources atypiques », une pratique peu répandue dans le Grand Ouest, à l’inverse des zones montagneuses où c’est habituel, dans les systèmes pastoraux du sud de la France.
Il s’agit parfois de ressources cultivées comme de la vigne ancienne, parfois de prairies délaissées peu productives, parfois encore de végétations de fossés ou dans le Poitou, de roseaux. Le foin issu de prairies délaissées remplace ainsi celui issu de prairies permanentes par exemple. Ces ressources permettent « de nourrir les animaux au pâturage lors de périodes de déficit fourrager l’été et constituer des réserves hivernales de fourrages ou de litière ». Dans tous les cas, ces ressources « contribuent significativement à l’autonomie des fermes en réduisant le recours à certains intrants (fourrages, paillage) » observe Damaris Sterling, qui a mené l’étude pour l’Inrae.
Près d’un tiers de la ration
Au Gaec de Trévarn, dans le Finistère, les vaches pâturent quelques jours par an sur des prairies délaissées, à l’automne après la fauche. Des parcelles de leur exploitation, mais aussi mises à disposition par des voisins. Elles sont fauchées durant l’été pour constituer de l’alimentation et de la litière durant l’hiver, pendant la période de tarissement. Les animaux sont alors intégralement nourris de ces fourrages issus de “prairies délaissées”. Au total, sur l’année, 11 % de la ration provient de ressources atypiques.
En plein cœur du marais atlantique, sur la côte vendéenne, le Gaec La Barge va plus loin encore. L’alimentation issue de ressources atypiques représente près d’un tiers du total de la ration des vaches allaitantes, 29 % exactement. L’exploitation s’étend sur 170 hectares dont une bonne part de la surface est peu productive. Au début de l’été, lorsque les prairies permanentes ne produisent plus guère, les végétations du microrelief du marais, inondées une bonne partie de l’année, prennent le relais. Et l’herbe y est appétente !

Ensuite, au cœur de l’été, les vaches (maraîchines) s’en vont pâturer les fossés, bords des fossés et bords de parcelles. Une ration variée, faite de végétation riche en fibres et de végétation verte et appétente : roseaux, chénopodes, … « Cette association et ces pratiques ont permis au Gaec La Barge de ne pas affourager du tout les animaux au cours de l’été 2022, qui était particulièrement sec », raconte Damaris Sterling. La ferme a pu vendre le foin qu’elle avait en stock.
Pour ces deux fermes, ces pratiques s’inscrivent dans une démarche globale : race rustique, charges réduites, transformation et vente directe. Les actifs parviennent à se prélever un revenu mensuel de 2 000 à 3 000 euros, assure Damaris Sterling.
Arbres fourragers
Les deux autres exploitations étudiées sont des fermes expérimentales. Dans les Marais atlantiques, celle de Saint-Laurent-de-la-Prée (Charente-Maritime) a testé avec succès l’utilisation du roseau commun en alternative à la paille de céréales pour la litière des animaux. Il apparaît que le coût de revient est identique pour une qualité équivalente. Il constitue un tiers de la litière, une part qui va augmenter dans les années à venir. « Le roseau est substituable en totalité ou en partie à la paille de céréales, conclut Daphné Durant, ingénieure de recherche en charge du projet. Il pourrait retrouver une place dans les exploitations de marais cherchant à mieux valoriser les ressources naturelles du milieu tout en les préservant ».

À la ferme expérimentale de Lusignan (Vienne), enfin, les vaches mangent une vigne qui a été implantée spécifiquement pour nourrir les animaux et pâturent les arbres. 70 essences différentes ont été implantées il y a une dizaine d’années. L’expérimentation vise à acquérir des références sur l’intérêt de l’arbre fourrager.
Préservation de la biodiversité
Valoriser les ressources atypiques peut viser d’autres objectifs que celui de contribuer à l’autonomie des fermes. « C’est le moyen pour les éleveurs de maintenir de la biodiversité sauvage et domestique sur les exploitations, insiste Damaris Sterling. Le fait de ne pas mettre d’intrants sur des prairies pauvres permet de maintenir la richesse spécifique de ces surfaces ». La pratique de la fauche tardive permet le renouvellement végétatif et préserve les habitats pour la nidification. La préservation de ces ressources sur le long terme passe par une gestion durable, « elles ne peuvent être utilisées qu’une fois tous les deux ou trois ans ».

Reste à savoir si ces pratiques peuvent être diffusées à grande échelle. « On n’a pas vocation à fournir des recommandations à tous les éleveurs de France, précise l’ingénieure agro, mais on voit qu’il y a un intérêt qui se réveille, les ressources atypiques sont une piste à explorer, la pratique du pastoralisme peut peut-être se développer dans certaines zones »
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