De garde ce jour-là, je suis appelé en urgence pour intervenir sur un lot d’une douzaine de génisses de race prim’holstein et croisée, âgées d’une vingtaine de mois.
Une première génisse était déjà en décubitus latéral abandonné avec des troubles nerveux de type tétanie lors de l’appel de l’éleveur. Une deuxième, en décubitus sternal, manifestait de l’hypersalivation, des difficultés respiratoires et des tremblements musculaires. Lors de notre approche, elle s’est relevée en présentant une incoordination motrice, des pertes d’équilibre et une faiblesse musculaire la rendant incapable d’étendre les membres postérieurs. Elle se déplaçait ainsi avec les jarrets fléchis et après quelques mètres, elle s’est affaissée pour se coucher en décubitus latéral.
Un sac d’aliment à base d’urée
L’origine de ces troubles ne fait aucun doute après la découverte du sac dans lequel les deux génisses se sont servies accidentellement. Il s’agit d’un aliment complémentaire pour la ration des vaches en lactation, à base d’urée à 80% sous forme de semoulette. Nous sommes donc face à une ingestion excessive d’azote non protéique. Cette urée, transformée en ammoniac par les bactéries protéolytiques du rumen, entraîne une augmentation du pH du rumen. Cet état d’alcalose du rumen, favorise le passage de l’ammoniac dans le sang à travers la paroi du rumen. Arrivé dans le foie, cet ammoniac est transformé en urée pour être éliminée dans les urines et la salive. Le dépassement des capacités de transformation par le foie entraîne alors une hyperammoniémie (excès d’ammoniaque dans le sang) responsable des symptômes dont l’évolution est très rapide, voire foudroyante. L’éleveur évalue l’accès à l’aliment fautif vers 17h00 et nous a contactés à 18h45. À mon arrivée une demi-heure plus tard, la première génisse était déjà morte !
Sept litres de vinaigre dans 20 litres d’eau
Afin de mettre en œuvre le traitement, la génisse encore vivante est placée en décubitus sternal. L’urgence consiste à rabaisser le plus rapidement possible le pH ruminal et ainsi réduire massivement l’absorption de l’ammoniac. Pour ce faire, l’administration d’acide acétique, à savoir du vinaigre de cuisine à la dose d’un litre par 100 kg de poids vif est recommandée. Nous avons administré à la sonde œsophagienne 7 litres de vinaigre mélangé dans 20 litres d’eau. Un apport complémentaire de vitamine du groupe B et d’un anti-inflammatoire a été réalisé tout comme une perfusion modérée de calcium.
Une fois le traitement réalisé, l’observation des autres animaux du lot n’a rien révélé d’anormal. Nous n’avons pas observé les premiers symptômes de l’alcalose du rumen à savoir un léger tympanisme (1), des signes de colique et une respiration accélérée. L’absence de symptômes sur les autres génisses presque deux heures après l’incident nous a rassurés, ceux-ci pouvant apparaître dès trente minutes après l’intoxication. Il est clair que seules deux génisses avaient ingéré cet aliment. Avant mon départ de l’exploitation, la génisse s’est relevée spontanément, était capable d’étendre les membres postérieurs et de se déplacer presque normalement. Le lendemain, l’éleveur nous a signalé la guérison complète de la génisse.
(1) Sonorité de l’abdomen à la percussion liée à un excès de gaz.
Le géant Lactalis marche sur des œufs
New Holland, McHale, Kubota, Kuhn… Les éleveurs font le plein de nouveautés au Sommet
Du fourrage 2024 au fourrage 2025 : les conseils pour réussir sa transition
Evaluer le stress thermique des vaches laitières par la composition du lait
Un système de compaction pour recycler les films d’enrubannage
Comment préparer une vache à la césarienne
Face à une perte de compétitivité inédite, accompagner davantage les agriculteurs
Après la Prim’Holstein, la Génétique Haute Performance débarque en Normande
À Versailles, les agriculteurs de la FNSEA/JA veulent interpeler Emmanuel Macron
Avant même la ratification, les importations de viande du Mercosur bondissent