
Florent Meliand, sélectionneur et éleveur de Limousines en système naisseur à Saint-Ulphace (Sarthe), a extensifié son système et fait la chasse aux UGB improductifs. Un pilotage rationnel de son exploitation qui permet d’améliorer aussi ses performances environnementales.
Ce jeudi matin de décembre, Florent Meliand est occupé à faire du curage et charger des bennes de fumier. Un céréalier d’Eure-et-Loir, à 20 km de là, vient faire des allers et retours toute la journée, il y a 350 tonnes à charger au total dans la semaine. L’été prochain, ce sera l’inverse, Florent Meliand ira ramasser la paille dans les parcelles de l'agriculteur.
Cet échange paille contre fumier est la solution que l’éleveur de Limousines a trouvée il y a quelques années quand il a cessé la production de blé pour augmenter ses surfaces de prairies. Cela a permis aussi de diminuer un peu les charges de mécanisation et la consommation de gazole, donc les émissions de CO2. Il consomme 13 % de carburant de moins que la moyenne régionale.
Tout cela découle de l’arrêt de la production laitière en 2016, sur cette ferme qui fait travailler deux UTH. Les cultures, cela ne lui plaît pas trop, économiquement ce n’est pas rentable. « Je n’ai jamais eu la fibre d’un céréalier, je n’étais pas bon, je faisais du traitement préventif systématique. » Alors fini, le blé. Il se concentre sur la production de bovins viande.
Sur les 180 hectares de Perche sélection, aujourd’hui près de 150 sont en prairies, soit plus de 80 %, le reste est en maïs. L’idée, c’est de réduire le chargement à l’hectare. Il passe ainsi en trois ans de 1,7 à 1,4 UGB/ha. « Je produis toujours le même CO2, mais à l’hectare, j’ai diminué ».
Au passage, cette extensification lui permet de percevoir les 8 000 euros d’aides de l’ICHN, car il est en zone de handicap naturel. Et puis avec plus de 75 % d’herbe sur sa SAU, il peut s’affranchir de quelques contraintes Pac.
« Pour obtenir une autonomie alimentaire, il faut avoir un chargement réduit, mais il faut toujours être en phase avec le potentiel de son sol, rappelle Delphine Breton, technicienne de la chambre d’agriculture qui suit l’élevage. Florent ne pourra pas descendre en dessous d’1,4 UGB, s’il voulait aller plus loin il faudrait qu’il ait plus d’hectares ».
Objectif : 30 % de vêlages à 24 mois
L’autre levier mis en place par l’éleveur est la chasse aux animaux improductifs. Ici, on pratique les vêlages groupés, et en 100 % IA, c’est donc environ dix taureaux de moins sur l’exploitation. Mais c’est surtout sur les génisses que Florent Meliand travaille. Voilà des années qu’il a une parfaite maîtrise de l’intervalle vêlage-vêlage (IVV) à moins de 368 jours, 40 de moins que la moyenne de la race dans la région. « Un veau par vache et par an, c’est un objectif que tous les éleveurs devraient avoir ! » glisse Delphine Breton.
Si Florent Meliand y parvient, ce n’est pas un hasard : « Il est entièrement dédié à sa période de reproduction, il ne fait que cela, matin et soir il regarde ses femelles pour savoir exactement quand elles sont en chaleur, pour faire venir l’inséminateur dès le lendemain », rapporte l’ingénieure de la chambre. Avoir une seule période de reproduction permet de mieux suivre ses femelles, et atteindre ainsi plus facilement cet objectif d’un vêlage par an.
Sur l’âge au premier vêlage, Florent Meliand n’était pas très bon, quand il a effectué son premier diagnostic carbone (Cap2ER). En quelques années, il est passé de 35,8 à 31,6 mois (la moyenne en Pays de la Loire est à 34 mois). Au lieu d’avoir 100 % des vêlages à trois ans, un quart d’entre eux se font à deux ans.
« On peut donc très bien abaisser l’âge au 1er vêlage à 30 mois en moyenne même quand on a des vêlages groupés sur une seule période par an », appuie Delphine Breton. Le gain économique n’est pas anodin : 4,2 mois de gagnés en quelques années, c’est plus de 17 000 euros par an d’économisés. Et autant d’équivalent CO2 émis en moins.
Florent Meliand vise l’objectif de 30 % de ses 150 vêlages à 24 mois. « Un vêlage à 24 mois demande à ce que l’éleveur ait un suivi un peu plus rigoureux, il doit s’assurer que sa génisse ait une croissance régulière pour atteindre le poids de 450 kg à 15 mois », précise Delphine Breton. L’éleveur de Saint-Ulphace mène donc un travail génétique sur le long terme.
Le poids de carcasse des vaches de réforme a progressé de 50 kg en cinq ans grâce à la génétique et à la maîtrise de la ration, ce qui fait aussi mécaniquement diminuer l’empreinte carbone par kilo de viande produite. Et puis toutes les femelles sont échographiées systématiquement 40 jours après insémination. Si une vache est vide, le veau ensuite est sevré plus tôt, mis à l’engraissement plus rapidement et direction l’abattoir.
Une période d’engraissement de quatre mois
Le second diagnostic Cap2ER, réalisé cette année, est plutôt encourageant : l’exploitation de Florent Meliand émet 12,9 kg d’équivalent CO2 par kilo de viande vive, c’est 9 % de moins que la moyenne. « Tout ce que l’on a fait est arrivé parce qu’économiquement c’était intéressant », rappelle l’éleveur. « Dans la majorité des cas, améliorer les performances économiques de l’exploitation entraîne une réduction de l’impact carbone si cela passe par une bonne maîtrise des charges », abonde Delphine Breton.
Il y a toutefois à Perche sélection un point sur lequel les gains économiques ne coïncident pas avec la réduction de l’impact carbone, c’est l’engraissement. Ici, les vaches sont mises au pâturage au 10 avril pendant deux mois. Ensuite, elles restent à l’herbe, avec un complément de maïs et de concentrés jusqu’à début septembre. C’est beaucoup plus économique qu’un engraissement intensif de deux mois, mais quatre mois d’engraissement au minimum, c’est long, « cela n’est pas très performant sur l’impact carbone », juge l’éleveur.
La chargée de mission viande bovine spécialiste des diagnostics carbone est plus nuancée : « Plus la période d’engraissement est réduite, mieux c’est mais en race limousine, on compte 120 jours pour un gain de 110 kg, sa démarche est la bonne, quand on regarde globalement le délai entre vêlage et boucherie, c’est moins d’un an, il n’y a rien à améliorer ». Sur le reste non plus d’ailleurs : « Il a activé tous les leviers, il n’y a plus de progrès possibles à objectifs de production équivalents », estime Delphine Breton.
Florent Meliand parvient à se prélever un revenu de deux smic par mois sans être surchargé de travail. « J’essaye d’être en famille à 17 h le soir. » Tout à l’heure, quand les chargements de fumier seront terminés, il emmènera les deux petits chez le coiffeur. Il ne fera pas encore nuit.
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