
Au Gaec Le Bac, à quinze kilomètres de la côte vendéenne, les vaches sont en bâtiment toute l’année avec une ration à base de maïs et produisent 1,5 million de litres par an. L’exploitation fait partie du réseau Climate farm demo. Sa recette pour réduire son empreinte carbone : optimiser la marge brute sur coût alimentaire.
S’ils ont réduit leurs émissions de CO2, ce n’est pas par idéologie ou pour sauver la planète mais plutôt par opportunisme. Quand on leur propose en 2018 d’intégrer la démarche carbone (Cap2ER), ils acceptent volontiers, on leur promet des crédits, c’est-à-dire une rémunération sur les progrès effectués. Ils réalisent donc un premier diagnostic, puis un deuxième et intègrent l’an dernier le réseau Climate farm demo qui rassemble quelque 1 500 fermes en Europe.
« On a accepté, ce n’était pas trop gourmand en temps », rapporte Luc Cantin, l’un des deux associés de cette exploitation d’élevage qui fait vivre cinq actifs, à Coëx (Vendée). Aujourd’hui, son empreinte carbone est de 8 % inférieure à celle des meilleurs élevages de l’entreprise de conseil Seenovia.
Le Gaec Le Bac est une ferme conventionnelle où le lait représente plus de 90 % du revenu. Ici, les vaches sont en bâtiment toute l’année avec une ration constituée autour du maïs et produisent 1,5 million de litres par an. Il y a trente ans, à sa création, l’élevage sortait 600 000 litres.
Réduire les achats de concentrés
« La question du carbone n’a jamais guidé nos décisions, nos motivations depuis vingt ans sont toujours économiques, avec l’objectif d’augmenter nos revenus », insiste Luc Cantin. « Plus il y a de revenu, moins il y a d’impact carbone », embraye son fils Pierre, 24 ans, salarié de la ferme et bientôt associé. L’EBE est d’environ 100 000 € par associé. L’exploitation est pilotée de façon rationnelle et la trajectoire de réduction de carbone suit les décisions stratégiques successives pour améliorer son efficacité et optimiser la charge de travail.
Ils commencent par s’attaquer au coût alimentaire fourrager et au concentré. Objectif : optimiser la marge brute sur coût alimentaire. Leurs vaches produisent 9 200 litres avec 42,9 de TP et 34,3 de TB. L’achat de concentré s’élève aujourd’hui à 136 €/1 000 litres, 15 € au-dessus de la moyenne des fermes robot de Seenovia. « Il reste encore un gain d’optimisation sur la partie concentré », commente sobrement Tanguy Bodin, le technicien qui les suit. Ils implantent du colza pour réduire la part de soja et gagner ainsi en autonomie protéique. Mécaniquement, la réduction de la dépendance au soja entraîne une baisse de l’impact carbone.
Les deux associés décident aussi de passer aux semis simplifiés pour réduire la charge de travail. Ils introduisent du méteil en dérobée, qui a pour vertu de structurer le sol et permet ainsi de se passer de labour. C’est donc moins d’émissions de CO2. L’introduction du méteil, riche en légumineuses à la place du ray-grass a aussi pour intérêt de capitaliser l’azote, donc de réduire le recours aux correcteurs azotés. « Grâce au méteil dont les valeurs alimentaires sont bien meilleures, on peut réduire le concentré, économiquement on y gagne », se réjouit Pierre Cantin.
Passer de 80 à 45 génisses
Dans cette quête d’optimisation de l’outil de production, les éleveurs travaillent sur leur atelier génisse. Ils commencent par réduire leur nombre pour diminuer les coûts. Il y en avait 80 à l’année, il n’y en a plus que 45. Ici, l’UGB génisses sur l’UGB vache est désormais de 28 % contre 40 % pour la moyenne de groupe de Seenovia. Pour y arriver, ils sont passés par du sexage et du croisement. Ils travaillent aussi sur l’âge au 1er vêlage. Objectif : 24 mois. Pour l’instant, ils sont à 26 mois. Cela passe par l’alimentation : paille + concentrés jusqu’à 6 mois pour assurer une croissance rapide, puis pâturage à partir de 9 mois et ration foin-enrubannage l’hiver. « La stratégie mise en place fonctionne, c’est plutôt payant », commente Luc Cantin. Les coûts diminuent et l’empreinte carbone avec.
Le Gaec Le Bac, qui a aussi un poulailler de 1 500 m2, a investi dans une unité de micro-méthanisation d’une capacité de 800 000 kWh, soit 190 foyers. La moitié de la consommation d’énergie de la ferme est produite ici.
À la sortie du méthaniseur, un séparateur de phase permet d’obtenir un digestat liquide (épandu sur les terres les plus proches) et un digestat solide (parcelles plus lointaines). « Cela nous permet d’économiser une dizaine de tonnes d’engrais minéral », observe Luc Cantin. « L'atelier volailles permet d’avoir un engrais riche, concentré en azote, en phosphore et en potassium », ajoute Tanguy Bodin, le conseiller de Seenovia.
Reste que 80 % de la chaleur produite par le méthaniseur est gaspillée. Luc et Nicolas Cantin avaient songé à mettre un chauffage par le sol dans le poulailler mais le bâtiment était trop éloigné, et le coût exorbitant.
Passer de 2 à 45 ha de légumineuses
La prochaine étape sera la construction d’un séchoir en bottes. Il verra le jour à la suite de l’installation prochaine de Pierre Cantin. C’est lui, pour l’instant salarié, qui porte le dossier et cela fait cinq ans qu’il y travaille. L’investissement devrait s’élever à 800 000 euros, mais si tout se passe bien, il sera rentabilisé en cinq ans, veut croire le jeune éleveur. L’objectif principal de l’outil, c’est de gagner en qualité d’herbe récoltée.
Ce sera l’occasion de produire beaucoup plus de légumineuses (luzerne et trèfle violet), dont la surface passera de 2 à 45 ha au détriment du maïs et des cultures de vente. Elles seront entièrement valorisées sur l’exploitation, de quoi réduire encore un peu plus les achats de concentrés. L’élevage passera d’une ration humide à une ration semi-sèche. Cela devrait aussi améliorer l’état sanitaire des vaches : moins de mammites, plus de longévité. Grâce à cela, la marge brute de l’élevage devrait progresser de 60 € les 1 000 litres, tablent les éleveurs. Ces derniers estiment que cela pourra réduire leur empreinte carbone par litre de lait produit de 10 %.
« Le projet de Pierre est très réfléchi, s’enthousiasme Christine Berger de l’Institut de l’élevage, coordinatrice du projet Climate farm demo. Voilà un système qui sur le papier, vaches en bâtiment avec ration maïs, ne semble pas tourné vers l’environnement et qui nous montre qu’il y a des solutions pour réduire son impact carbone. » La zootechnicienne salue « une exploitation réfléchie avec une démarche technico-économique qui évolue tout le temps en réfléchissant à court, moyen et plus long terme ».
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