Du bois recyclé pour pailler

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Antonin Jeaneau, son frère Romain et leur père Christophe, constituant le GAEC du Grand Bois, estiment tous les trois que le bois déchiqueté est une litière plus économique et plus pratique à employer que de la paille. (© Denis Lehé)

Des éleveurs des Pays de la Loire utilisent des copeaux produits à partir de bois recyclé pour pailler leurs laitières. Confort des animaux, fort pouvoir absorbant, prix compétitif, baisse des besoins en main-d’œuvre, etc., les atouts de cette litière sont nombreux, par rapport à la paille de céréales qu’ils employaient auparavant.

«Cela fait bientôt quatre ans que nous utilisons des copeaux de bois pour la litière des vaches et nous aurions désormais du mal à revenir en arrière, souligne Christophe Jeaneau, éleveur installé en Gaec avec ses deux fils, Romain et Antonin, sur la commune de Saint-Colomban (Loire-Atlantique). Nous avons un bâtiment sans logettes, avec une aire de couchage sur litière accumulée. Auparavant, nous utilisions de la paille mais n’en produisant pas assez sur l’exploitation, nous devions l’acheter au prix du marché. Quand les tarifs ont atteint les 120 € la tonne, livrée chez nous, la facture était devenue vraiment trop élevée. Nous savions qu’une entreprise du secteur proposait de la litière à base de copeaux de bois recyclé, avec un coût de revient apparemment plus abordable : nous avons voulu essayer. Le résultat fut très positif car nous avons rapidement constaté que les vaches restaient propres plus longtemps et que le temps de travail quotidien était nettement réduit.»

Des copeaux calibrés et sans écharde

À la différence d’éleveurs qui, dans certaines régions, utilisent des plaquettes de bois fabriquées à partir de branches prélevées sur des haies de bocage, le produit employé par le Gaec du Grand Bois provient de déchetteries. C’est l’entreprise vendéenne Bati Recyclage, spécialisée dans la collecte et le tri, qui a développé cette solution. Il s’agit uniquement de bois brut, déposé dans des bennes de recyclage installées chez des menuisiers, des professionnels du bâtiment et des industriels. L’entreprise a mis en place une technique de sélection stricte pour éliminer tous les produits peints, traités ou pouvant contenir de la colle. Lors du processus, le bois passe également devant des aimants et des détecteurs qui éliminent les métaux. Vient ensuite l’étape du broyage. Bati Recyclage s’est doté depuis quelques années d’un outil industriel très performant pour produire des copeaux calibrés selon différentes tailles et ne présentant pas de risque d’échardes pour le pis des animaux. Les livraisons sont effectuées par camion de 90 m3, généralement dans la semaine qui suit la commande.

Dans l’aire de couchage de 11,50 m de largeur par 80 m de longueur, un camion de 90 m3 suffit pour une période de deux à quatre semaines selon la météo et la saison. (© Denis Lehé)

Brassages matin et soir

Au Gaec du Grand Bois, la stabulation mesure 80 m de longueur et la zone de litière accumulée est large de 11,50 m. Après un curage complet, les éleveurs étalent environ 50 m3 de copeaux sur toute la surface avec le godet du télescopique. Ils essaient de créer une couche homogène. Les laitières finissent ensuite de répartir la matière en la piétinant. Matin et soir, quand les vaches partent à la traite, la litière est brassée avec un vieux vibroculteur attelé derrière un tracteur.

Pendant la traite, la litière est brassée avec un vibroculteur afin de mélanger les bouses. Une opération qui ne dure que quelques minutes. (© Denis Lehé)

L’objectif est de mélanger les bouses et les copeaux, une opération qui s’effectue en moins de dix minutes. Au bout d’une ou deux semaines, selon les conditions climatiques extérieures, un complément de litière est apporté ce qui permet de tenir encore une à deux semaines supplémentaires avant de curer complètement la stabulation. « Si le temps est très humide, un volume de 90 m3 de copeaux dure deux semaines, explique Romain Jeaneau. Quand la météo est plus clémente, ou en été quand les vaches sortent en prairie, cela nous suffit pour un mois. Le bois possède plusieurs avantages par rapport à de la paille, à commencer par son très fort pouvoir absorbant. Généralement, les copeaux noircissent assez vite, ce qui pourrait donner l’impression qu’ils sont sales. Mais en réalité, grâce aux deux brassages quotidiens, cette litière reste beaucoup plus sèche et saine que de la paille, notamment en surface. »

Le bois déchiqueté possède un très fort pouvoir absorbant sans présenter de risque de blessures ou d’échardes pour les animaux. (© Denis Lehé)

L’aération du bâtiment, un facteur clef

C’est aussi un fumier qui ne chauffe pas, avec moins de risques d’entretenir des germes, donc de développer des mammites. La stabulation est ouverte sur pratiquement tous les côtés, ce qui améliore le séchage naturel des plaquettes. Le produit ne se comporterait pas aussi bien dans un bâtiment moins aéré.

Grâce au bois déchiqueté, le temps mensuel consacré à l’entretien de l’aire de couchage a été divisé par trois ou quatre. Auparavant, le Gaec consommait environ 1,5 tonne de paille par jour, qu’il fallait étaler. Cela prenait au moins quarante-cinq minutes et, toutes les semaines, comme le fumier chauffait, la stabulation était entièrement curée. Avec la litière bois, le nombre et la durée des interventions ont nettement diminué. Après curage de la stabulation, le bois souillé part dans la fumière où il est composté pendant trois à quatre mois.

Pour maintenir les plaquettes en place, un muret d’une quinzaine de centimètres sépare l’aire de couchage du couloir d’exercice. (© Denis Lehé)

Alors qu’un fumier pailleux est souvent très mou et a tendance à s’étaler largement sur la plateforme bétonnée, celui obtenu avec les plaquettes reste plus sec et plus compact. Cela permet de créer des tas plus hauts qui prennent moins de place au sol. L’épandage du fumier dans les champs ne pose aucun souci, mais il faut tenir compte de sa densité plus élevée dans le remplissage de l’épandeur et le calcul des apports. Les analyses révèlent aussi des différences de composition avec une meilleure teneur en potassium et un pH souvent neutre, de l’ordre de 7. Sur le plan agronomique, le produit offre donc aussi des atouts à long terme (lire l’encadré ci-dessous).

Deux fois moins cher que la paille

Actuellement, cette filière de plaquettes de bois recyclé en litière pour le bétail reste une initiative locale. La société Bati Recyclage fournit principalement des éleveurs situés en Vendée ou en Loire-Atlantique. Au-delà, les coûts de transport deviennent limitants. L’entreprise croit beaucoup au développement de ce débouché. Elle a donc mis en place un suivi technique chez ses clients, allant jusqu’à réaliser des analyses de fumiers et de sols. «Notre objectif est d’améliorer nos connaissances sur le produit et ses évolutions dans le temps, commente Philippe Denis, responsable commercial chez Bati Recyclage. Toutes les références accumulées nous aident pour faire évoluer notre offre. Et, jusqu’à présent, les retours enregistrés sont plutôt favorables»

Dans cette stabulation équipée de logettes, l’éleveur place les plaquettes à l’avant de la case. Elles sont ensuite étalées par le piétinement des vaches. (© Denis Lehé)

Si la filière est encore confidentielle et peu connue, il existe un réel potentiel de croissance à condition de transférer la technologie vers d’autres régions, car la ressource existe pratiquement partout. En attendant, les premiers utilisateurs restent convaincus d’avoir fait le bon choix. «Ces plaquettes de bois constituent une excellente litière, bien adaptée à notre bâtiment et à notre troupeau, conclut Antonin Jeaneau. En comparaison avec de la paille, le confort est au moins équivalent. En matière de main-d’œuvre, le produit est plus simple à utiliser. Et sur le plan économique, nous avons réussi à diviser par deux notre facture d’achat.»

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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