
Pas de miracle après le printemps froid et pluvieux, les foins 2013 pâtissent du manque d'azote soluble et les reports de fauche pénalisent la valeur des ensilages d'herbe. Les premiers maïs affichent des teneurs en amidon et une digestibilité satisfaisantes.
DANS LE MASSIF JURASSIEN
Quelles valeurs alimentaires ?
Dans le Doubs : 1,3 point de MAT (matière azotée totale) en moins par rapport à 2012, soit 8,2 %, tel est le bilan très médiocre des foins récoltés cette année. La faute à ce printemps froid et pluvieux qui a pénalisé la pousse de l'herbe et la fixation de l'azote du sol, mais aussi retardé les chantiers de plus d'un mois. Cette baisse se retrouve sur tous les secteurs : -2 points sur les foins faits début juin à moins de 500 m d'altitude (7,6 g % de MAT), -1,2 point sur ceux du premier plateau (500-700 m) récoltés à la même période (7,8 % de MAT), -1 point sur ceux du deuxième plateau (700-900 m) faits fin juin-début juillet (8,5 % de MAT). Conséquence directe de ce manque d'azote sur les valeurs alimentaires : un niveau de PDIN à seulement 51 g/kg de matière sèche (MS) en moyenne (59 g/kg en 2012) et 17 points d'écart avec la teneur en PDIE. Cette dernière décroche en effet peu, à 68 g/kg de moyenne (71 g/kg en 2012). Il est vrai que côté valeur énergétique, on retrouve des valeurs équivalentes à 2012. Elles tournent à 0,66 UFL/kg de matière sèche en moyenne.
La qualité des regains à 13,5 % de MAT (85 g de PDIN et PDIE), 0,77 ULF/kg pour ceux récoltés à moins de 45 jours de repousse permettra de rééquilibrer les choses, mais pas de combler le déficit PDIN/PDIE observé sur les foins.
Dans le Jura : même constat que dans le Doubs voisin pour la teneur en protéines brutes et le niveau énergétique. La MAT chute de 2 % pour s'établir à 8,2 %. Là aussi, les teneurs sont très hétérogènes, descendant jusqu'à 3,5 %. Résultat : un niveau de PDIN aussi faible à 51 g/kg et un écart PDIN/PDIE du même acabit (16 points). Côté valeur énergétique, la hausse de 1 % du taux de cellulose brute par rapport à 2012 ne présage rien de bon en termes d'appétence, même si sa teneur reste correcte à 33 %. Cela se traduit, dans les valeurs nutritives, par une baisse de 0,07 point à 0,65 UFL/kg de MS en moyenne qui confirme le faible pouvoir lactogène des foins 2013. Avec des valeurs alimentaires correctes à bonnes, les regains permettront là encore de rééquilibrer les choses. Ils titrent 0,8 UFL/kg de et 16 % de MAT, avec un niveau de PDIN à 100 g/kg de MS.
À noter la baisse pas ordinaire du calcium de 0,8 point sur les foins à 3,8 g/kg de matière sèche. Elle peut s'expliquer par une plus faible proportion de légumineuses qui n'ont guère apprécié les températures faibles au printemps. Même constat sur les regains qui, d'après les premières tendances, perdent plus d'1 g de calcium par rapport à 2012, à 6,8 g/kg de matière sèche.
Les conseils pratiques
Dans le Doubs : « Avant de parler complémentation, soyez vigilant pour calculer très précisément cette année votre bilan fourrager et ajuster le nombre de vaches à votre stock. La mise à l'herbe tardive des animaux au printemps a en effet souvent amputé les stocks de report, alors même qu'on dénombre en moyenne 2,5 vaches de plus dans les étables et que nombre d'éleveurs sont prêts à produire un peu plus de lait. Gare aussi aux répercussions sanitaires des bâtiments saturés. On voit, année après année, les pics de cellules augmenter. L'écart entre PDIE et PDIN des foins traduit un déficit en azote rapidement dégradable dans le rumen. Le choix du correcteur azoté devra donc se porter sur des sources d'azote plutôt soluble. Le tourteau de colza, par exemple, est très approprié.
Même si le coût du concentré a un peu baissé, gare à ne pas courir de façon irraisonnée après les kilos de lait. Jugez au mieux l'efficacité du concentré distribué, surtout au-delà d'un certain niveau », observe Nicolas Gaudillère, de Conseil Élevage 25.
Dans le Jura : « Avec les taux élevés de cellulose brute et le niveau de PDIN faible de cette année, le fonctionnement du rumen va se jouer, comme l'an dernier, dans la composition des concentrés proposés. Il s'agira une fois encore de mettre l'accent sur l'azote soluble pour soutenir l'activité de la population microbienne du rumen. Nous avons pu juger au cours de l'hiver 2012-2013 de l'efficacité de cette solution dans bien des élevages. Elle repose sur l'utilisation de tourteaux solubles (colza ou soja), ces derniers devant être présents dans les premiers kilos de concentrés utilisés. Les autres sources d'azote (drèches...) peuvent être utiles, notamment dans les concentrés plus élaborés pour les vaches en début de lactation, mais pas en matières premières principales.
L'expérience de l'hiver dernier nous a montré aussi que dans certains cas, le seul levier de l'azote soluble n'avait pas eu l'effet escompté, même ciblé, sur des animaux en début de lactation. En revanche, l'apport supplémentaire d'énergie soluble type céréales (en particulier l'orge ou un mélange de 80 % d'orge et 20 % de maïs) apportait une réponse intéressante en niveau de production et de TP. En effet, l'apport d'énergie soluble aide aussi beaucoup à la dégradation de la cellulose très présente dans les foins de ces deux dernières années. Cette meilleure valorisation de la ration fourragère permet alors un gain de productivité. C'est pourquoi on doit retrouver des céréales dans les principales matières premières qui composent la complémentation en concentrés. L'orge et le maïs (en plus faible proportion) sont à privilégier. On peut aussi miser sur du triticale mais pas à plus de 20 % des concentrés énergétiques car sa forte solubilité pourrait, a contrario, être néfaste au transit », expliquent Perrine Truchon et Florian Anselme, de Jura Conseil Élevage.
DANS LES SAVOIES
Quelles valeurs alimentaires ?
Dans l'avant-pays : comme en Franche-Comté, les conditions du printemps pluvieux et froid ont ralenti la pousse de l'herbe et la minéralisation de l'azote du sol. Les premières coupes n'ont débuté que début juin avec un mois de retard... et encore, pour ceux équipés d'une installation de séchage en grange qui leur a permis de passer entre les gouttes. En cascade, la récolte des regains s'est décalée de trois à quatre semaines par rapport à d'ordinaire. Mais elle s'est déroulée dans des conditions météorologiques bien meilleures que les premières coupes. Au final, on se retrouve avec des foins de prairies naturelles (stade précoce épiaison-début floraison) oscillant entre 0,65 et 0,7 UFL, mais surtout assez pauvres en PDIN à 50 g/kg de matière sèche (-20 points par rapport à 2012). La qualité des regains permettra de corriger un peu le tir avec des valeurs de 0,75 à 0,8 UFL et 80 de PDIN (-10 points comparé à 2012). Les prairies temporaires affichent de meilleures valeurs que l'an dernier, aussi bien pour les premières coupes fauchées début épiaison (0,83 UFL, 75 g de PDIN) que pour les regains (0,78-0,8 UFL, 90 g de PDIN).
En montagne : compte tenu du décalage de récolte lié à l'altitude, la qualité des foins a été un peu plus préservée que dans l'avant-pays. Sur les prairies plutôt intensives avec prédominance de graminées et dicotylédones de type ombellifères, les premières coupes tournent autour de 0,7 UF (stade précoce épiaison-début floraison), dans la moyenne des dix dernières années. Sur les prairies diversifiées plus extensives, on retrouve des foins d'une valeur UF légèrement supérieure aux 0,65-0,68 habituels. Ils titrent aussi aux alentours de 0,7 UFL. Un peu en retrait comparé à la moyenne de dix ans, les teneurs en PDIN varient selon les types de prairies de 50 à 70 g/kg de MS. Sur les regains, les résultats UF et PDI des prairies de montagne se tiennent par rapport aux valeurs sur dix ans, de 0,8 UFL et 80 g de PDIN.
Les conseils pratiques
Dans l'avant-pays : « Contrairement à la zone de montagne, les rendements en foin ont été corrects et ceux en regain normaux. Compte tenu de la baisse sensible du niveau de matière azotée des premières coupes, il conviendra de complémenter les animaux avec un mélange céréales-tourteaux plus riche que d'habitude en tourteaux pour apporter l'azote soluble nécessaire au bon fonctionnement du rumen. La sortie retardée des animaux au printemps ayant par ailleurs consommé les habituels stocks de report, reste à espérer que la prochaine mise à l'herbe soit précoce. », observe Gérard Juillet, d'Alliance Conseil.
En montagne : « Nombre d'exploitations se retrouvent avec beaucoup de regain et peu de foin dans les granges. La faute au retard pris cette année dans la montée en alpage et aux vaches qui ont pâturé des prés normalement destinés à la fauche. Dans ces conditions, on risque de se retrouver avec une part importante de regain dans les rations et une valeur énergétique déficitaire à corriger en travaillant avec des céréales plutôt qu'avec une VL équilibrée en énergie et azote. Pour des niveaux de production élevés le recours à du tourteau sera bien sûr nécessaire », conseille Frédéric Perrin, de Coopelsa.
JEAN-MICHEL VOCORET
Vigilance en filière AOC comté alors que le nombre de vaches par étable tend à augmenter et que beaucoup de producteurs songent à faire un peu plus de lait, veillez à évaluer précisément votre bilan fourrager et à ajuster si besoin le nombre de laitières à votre stock. © JÉRÔME CHABANNE
La qualité des regains récoltés dans l'avant-pays savoyard permettra de corriger un peu le tir de ces foins faits en retard et pauvres en protéines brutes. © PHILIPPE ROY
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