
Les enjeux actuels ressemblent au « grand espoir » des années soixante.
A l'écomusée de Rennes s'est tenue une exposition sur la révolution agricole intitulée « Le Grand espoir ». On y croisait les acteurs à la retraite de cette période. Et le papy d'expliquer à ses petits-enfants le démarrage du « petit gris » et la mamie, le fonctionnement de la baratte en bois. On y a aussi rappelé que la Jac (Jeunesse agricole chrétienne) contribua grandement à la prise de conscience du milieu agricole. C'était la première fois depuis deux mille ans que les curés ne promettaient pas que l'enfer ou le paradis. On y échangeait sur l'autonomie, l'esprit d'entreprise, l'émancipation, tout en restant chaste avant le mariage (il ne fallait pas déconner non plus). Puis ce fut la création des groupes de développement (Ceta, GVA, Civam…), les Cuma qui expérimentèrent et diffusèrent à grande échelle le progrès censé aboutir à notre autonomie alimentaire. La méthode a tellement réussi qu'aujourd'hui, on remarque plus les méfaits et on oublie les réussites.
Des prédicateurs d'un nouveau genre sont apparus pour nous promettre l'enfer. Parmi eux, Périco Légasse, pourfendeur de la malbouffe au journal Marianne, intervenait au printemps sur France Inter pour dénoncer le projet 1 000 vaches dans la Somme. Adepte du coup de gueule synonyme d'audimat, il dénonçait « ce projet satanique » (tiens, retour à l'obscurantisme pré- Jac) qui va générer 40 000 t de lisier sur 2 700 ha (ce qui ne fait que 15 t/ha). Ces vaches « enchaînées nuit et jour à leurs mangeoires », dixit ce soi-disant journaliste qui devrait au moins se renseigner, produiront un lait impropre à la consommation. Et ça dure comme ça pendant cinq minutes. Que l'on soit pour ou contre ce type d'étable, le débat est ouvert mais avec des personnes qui avancent des arguments fi ables, et pas des tissus de conneries déballés à des auditeurs crédules.
Dans le même genre, Jean-Pierre Coffe ne se prive pas de faire de la pub pour Lidl, grand casseur de prix qui n'hésite pas à brader le lait UHT en dessous du prix de revient. Il ne faut pas s'étonner que des élevages industriels concentrent la production en espérant comprimer les coûts… ce qui n'est pas gagné d'ailleurs. À ce propos, je voudrais citer un chercheur de l'Inra qui a étudié les systèmes agricoles de par ce vaste monde. Selon lui, l'agriculture familiale se caractérise par sa faculté à encaisser les variations de prix, qui entraînent la pauvreté, et engagent l'intégrité sociale et économique des paysans. C'est dramatique et cela explique sa capacité de résistance.
Pendant ce temps, l'agriculture industrielle est condamnée à dégager des bénéfices quelles qu'en soient les conséquences sous peine de disparaître.
L'agriculture conventionnelle doit évoluer pour produire plus en dépensant moins, et c'est là qu'intervient l'agriculture écologiquement intensive. La polémique autour de son nom n'est que perte d'énergie déployée par des opposants en mal d'imagination. Elle se serait appelée tartempion, on en causerait moins. Quel que soit le nom, faire évoluer ses pratiques est le lot de tous les jours des agriculteurs qui croient en leur métier. Redonner du pouvoir de décision aux producteurs, accepter de revoir ses convictions, renouer le contact avec le consommateur, relever le défi sociétal, produire plus avec moins en faisant évoluer nos pratiques par l'optimisation des capacités du sol, des plantes et des animaux, utiliser moins de dérivés du pétrole (carburant, engrais, phytos…)… Au-delà des techniques, sur le fond, voilà qui ressemble furieusement au grand espoir des années soixante. La boucle est bouclée !
Ma grand-mère aurait pu le dire, mais Pierre Dac l'a devancée « L'avenir, c'est du passé en préparation
PASCAL POMMEREUL
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?