
Non, les aides de la Pac ne finissent pas dans notre bas de laine.
La nouvelle Pac est en action. Je ne veux pas vous parler ici du joyeux foutoir et du retard pris par l'administration. Lorsque l'on ouvre certaines notices au 30 avril, la mention « en cours d'élaboration » apparaît, ce qui nous vaut un report des déclarations au mois de juin. Je ne vous parlerai pas non plus, vous me connaissez, ce n'est pas mon genre, de la joyeuse improvisation dont font preuve nos énarques autour des haies. Une fois je les intègre dans la parcelle, ensuite, je les exclus, puis je les remets. La haie : « Une ligne continue plantée sans interruption de moins de 5 m, sinon, ce sont deux haies différentes » selon la définition de l'administration. Donc, un passage de troupeau ou de matériel coupe la haie, à moins que ce passage ne soit envahi par les ronces (sic). Ces mêmes ronces qui, ayant poussé tout l'été, font que votre haie est hors normes. Je n'ose pas aborder les SIE et les SNA, dont la complexité et le surréalisme sont dignes de Kafka. Sûr que le clampin qui a pondu ça n'est jamais venu à la campagne. Pitoyable !
Il faut rappeler que les aides furent inventées pour compenser la baisse des prix des céréales (et du maïs fourrage), des taurillons, du lait... Le prix de nos produits, départ ferme, n'a quasi pas évolué depuis vingt ans. Le panier de la ménagère est passé de 40 % du budget dans les années 1970 à 13 % aujourd'hui. Nos politiques ont choisi de privilégier une nourriture bon marché pour préserver la paix sociale. Les DPU sont une compensation, pas une subvention, ni une prime, un cadeau ou je ne sais quoi d'autre entendu au bistrot du coin. Leurs défenseurs prônent un maintien de l'enveloppe des aides Pac pour conforter les revenus. Leurs détracteurs mettent en avant leur part importante dans le budget européen. Les citoyens, eux, les comprennent de moins en moins.
Quelle que soit l'enveloppe d'aides, et sa répartition entre les divers piliers, rappelons que les sommes touchées par les agriculteurs représentent tout ou partie du revenu. De ce revenu est retranché le prélèvement MSA. Avec le solde, l'agriculteur investit dans l'exploitation. Il achète aussi des biens pour sa consommation privée. À chaque fois donc, il paie la TVA, à 20 ou 5,5 %. Ce sont donc plus de 30 % des aides Pac qui retournent directement ou indirectement dans les caisses de l'État, soit plus de 3,5 milliards d'euros pour la France. Sans cette manne, nos caisses MSA seraient en faillite, mais l'État abonde bien celles des mineurs qui n'ont plus d'actifs ou des cheminots. Les 7,5 milliards restants, tous nos fournisseurs en profitent, la grande surface comme le troquet du coin. L'argent de la Pac contribue à faire tourner l'économie et ne reste pas planqué dans le bas de laine.
Des économistes libéraux prétendent que sans les aides, nos fournisseurs seraient contraints de baisser les prix. Il est vrai que souvent, les mêmes biens sont vendus à des prix différents dans les pays en fonction du pouvoir d'achat et du rapport bénéfice/investissement généré. Mais pourquoi ne pas rendre ces aides nettes de cotisations sociales et les diminuer d'autant ? La part de l'agriculture dans le budget européen passerait de 40 à 30 %, avec le même solde au final pour les agriculteurs. Reconnaître qu'un petit tiers de la Pac n'est qu'un jeu d'écritures, c'est mieux promouvoir, auprès des consommateurs et des politiques, les deux autres tiers qui, eux, créent vraiment des échanges marchands. Pendant que l'on réforme, revoyons aussi la répartition de l'enveloppe qui fait qu'aujourd'hui, 80 % de l'aide sont distribués aux 25 % plus grosses exploitations. Et si les aides avaient aussi servi à créer une usine à gaz peuplée de fonctionnaires, de contrôleurs... ? Si les prix de nos produits étaient indexés sur l'inflation depuis vingt ans, nous n'aurions pas besoin de ces aumônes.
PASCAL POMMEREUL
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