Fausses bonnes idées

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Le « diversifiez-vous » claironné ici et là ne sauvera pas l'agriculture.

Face au marasme des prix agricoles, à la pression des transformateurs et des grandes surfaces pour une matière première toujours moins chère, de grands économistes, spécialistes en tous genres, appuyés par nos responsables professionnels, nous bassinent avec ce message : « Diversifiez-vous »

« Valorisez le bois de votre exploitation ».

Bon, d'accord. Je récupère les branches des haies, loue une déchiqueteuse, stocke les copeaux, attends qu'ils sèchent. Puis je les propose au syndicat intercommunal pour chauffer un immeuble collectif. Prix de revient : environ 100 €/tonne en comptant la rémunération du travail. « Désolé, me répond le politique, mais les scieries nous proposent du bois à 40 avec une sécurité et une régularité d'approvisionnement. » Forcément moins cher puisque c'est un déchet pour eux. Un bilan carbone catastrophique aussi, quand ce bois est importé d'Afrique ou d'Asie pour le bois d'oeuvre, des pays de l'Est pour le bois de chauffage. Quelques élus ont compris l'enjeu en assurant une partie de l'approvisionnement par des agriculteurs locaux et à prix garanti, le reste au plus offrant. Pour la majorité d'entre nous, le bois n'aura encore pour longtemps que le mérite de nous réchauffer plusieurs fois : quand on l'abat, quand on l'empile et quand on le charge dans sa chaudière.

« Valorisez vos toitures ».

Bon, d'accord. Les premiers contrats semblaient rentables puis, au fur et à mesure du moindre intérêt de ceux-ci, le prix des panneaux photovoltaïques baisse à toute vitesse. Il y a sans doute des fabricants et des installateurs qui s'en sont mis plein les fouilles. On nous annonce une rentabilité au bout de dix ans. La bonne affaire ! Pourquoi alors les propriétaires de GMS, toujours à l'affût d'investissements rentables et défiscalisés, ne se sont-ils pas rués sur la bonne occase, eux qui disposent de surfaces de toitures immenses ? Parce qu'une rentabilité à dix ans ne les intéresse pas, eux qui remboursent leurs magasins en cinq ans. De plus, qui assurera le recyclage des panneaux photovoltaïques en fin de vie ? Il n'y a que des couillons de particuliers ou des agriculteurs pour investir à aussi long terme.

« Valorisez les déchets verts en compost ».

Bon, d'accord. Je monte une plate-forme, récupère les végétaux des déchetteries. Et, dernière mode, les tontes de fossés le long des départementales, car « ils » se sont aperçus qu'en les laissant sur place, elles génèrent des nitrates. Je me retrouve avec un compost enrichi de tessons de Kronenbourg, d'aluminium de canettes de Coca et d'objets en plastique, car « ils » n'ont pas pensé que l'automobiliste balance tout et n'importe quoi par sa vitre.

« Valorisez vos lisiers ».

Bon, d'accord. Je monte une unité de méthanisation. Mais comme les lisiers et fumiers ont un rendement cinq fois moindre que le maïs et dix fois moindre que des graisses animales, je développe les cultures annuelles. Cela explique qu'en Allemagne, avec 5 000 usines de biogaz, les surfaces de maïs ensilage ont progressé de 40 % par rapport à 2000. En Basse-Saxe, qui concentre 75 % des unités de méthanisation, 171 000 ha de maïs (sans compter les céréales immatures) sont désormais voués au biogaz… au détriment de la prairie malgré les engagements de conditionnalité. Cette course à la surface y alimente la spéculation et les prix des terres à acheter ou à louer s'envolent.

Bien sûr, je force ici le trait. Toutes ces diversifications sont pertinentes quand elles sont bien réfléchies. Mais on en voit vite les limites. L'agriculture vivra d'abord et surtout par des prix justes et rémunérateurs. Michel Audiard disait : « Un con qui marche ira toujours plus loin qu'un intellectuel assis. » Ce à quoi ma grand-mère répond : « Oui, mais un con qui bosse génère du business et c'est souvent l'intellectuel assis qui ramasse la galette. »

PASCAL POMMEREUL

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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