
Tous connectés à la même machine à broyer de l'homme.
Je n'aime pas les loups, ils tuent les moutons. Je n'aime pas les moutons, ils préfèrent se sacrifier pour échapper aux loups. J'ai suivi avec effroi ce reportage sur la stratégie d'entreprise de France Télécom qui n'avait d'autre but que de broyer les hommes afin de renouer avec le profit sans licenciements. Certes, vingt mille collaborateurs au « chomdu », ça fait désordre pour une entreprise publique. Mais quand même !
Comment ne pas faire le parallèle avec la politique agricole européenne qui, depuis quinze ans, procède pas à pas à l'élimination paysanne pour le seul profit des entreprises, des groupes, des cartels. Les gouvernants de toutes tendances, aveuglément européens, sont parvenus au fil du temps à pousser le suppositoire avec une grosse dose de vaseline démagogique. Un libéralisme créateur de richesses (pour tous ?), un capitalisme responsable (du portefeuille de qui ?), un partage équitable des profits (sans laissés pour compte ?), une relation gagnant-gagnant (vraiment à 50 % ?).
À France Télécom, le management consistait à mettre le salarié en position d'insécurité : changements de travail, salaire fluctuant, prime aléatoire, rentabilité du poste, comparatif avec l'élite, casser la cohésion du groupe, créer les rivalités, etc., etc. Une technique « made in USA » qui a fait ses preuves, et ça marche ! Démissions, dépressions et suicides à la pelle (une mode, selon les mots même de l'ex-PDG). Ça, c'est du capitalisme responsable, mais du genre « Casse-toi, pauv' con » ou « Tire-toi une balle dans la tête, sale plouc ! ».
Pour ma part, j'appelle cela de la connerie : on sème du Besancenot version agricole, José Bové, au risque de voir germer et récolter des extrémistes.
Créer l'insécurité : quel paysan est aujourd'hui serein au point d'imaginer sa carrière sur sa ferme ?
Changement de travail : quel agriculteur à ce jour peut être sûr d'assouvir sa passion pour la production qui l'a motivé à choisir ce métier ?
Salaire fluctuant : toutes les soupapes de sécurité sautent les unes après les autres au nom de l'Organisation mondiale du commerce. Dans l'intérêt de qui ?
Primes aléatoires : produire plus, moins cher, plus écolo et peut-être bien que dans sa grande largesse, la société lâchera une petite prime. Critères et montant à définir ?
Calcul de rentabilité du poste : robot ou roto avec trayeurs roumains, peu importe. L'essentiel, c'est l'obtention d'une matière première de grande qualité, pas chère et au moment opportun. Pour servir quels intérêts ?
Comparatif avec l'élite : mais regardez donc les Allemands, les Hollandais, les Danois et le peu d'Anglais qu'il reste. Chez ces gens-là, Môsieur, on est compétitif pour le plus grand bonheur des investisseurs. Soyons performants, sinon… ?
Casser la cohésion du groupe : 50 vaches, 400 000 l de quotas, boulot boulot, c'est fini l'agriculture à papa qui ronronne. Les jeunes loups formatés arrivent : 200, 500, 1 000 vaches au pied de l'usine, c'est l'avenir. À chacun son contrat, quitte à se déculotter.
L'interprofession, c'est quoi déjà ?
Quelle thérapie pour dénoncer par écrit cette connerie. Je sais, les lire, c'est moins drôle. Comme d'habitude, le fan-club de José Bové va encore m'envoyer des lettres d'insultes. Les ultra-libéraux vont encore tenter de faire pression sur la rédaction pour me virer*. Un sbire du ministère préférera probablement me cibler en direct : DSV, DDA, Police de l'eau et j'en passe, plutôt que de me prendre comme conseiller. Et vous savez quoi ? Peu m'importe.
ÉRIC CROUHY
*NDLR : Peine perdue, nous partageons son point de vue.
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