
Les guéguerres entre pro ou pas bio ne font que desservir la cause agricole.
Avec l'augmentation de la population, la diminution des terres arables, le réchauffement climatique… un débat fait rage entre les partisans du bio et les défenseurs d'une agriculture conventionnelle. Produirons-nous assez de nourriture ? Les premiers parlent d'une agriculture plus autonome et respectueuse de l'environnement, et de produits sains. Les autres argumentent sur le fait qu'en bio il faut 30 % de surface en plus pour produire la même quantité.
Étant moi-même producteur de lait classique (système herbe-maïs), on ne m'accusera pas de faire l'apologie du bio, mais le plus productif n'est pas toujours celui que l'on croit.
Prenez un intensif qui produit 300 000 l sur 30 ha, moitié herbe et moitié maïs, complémenté par du soja. Les 40 VL à 8 000 l y reçoivent une tonne de concentrés et les génisses sont élevées au lait en poudre puis avec paille, concentrés, pâturage et foin. À la fin de l'année, ce sont 30 t de soja et 36 t de céréales ou équivalents qui auront été achetées, soit 10,5 ha. Que la céréale provienne de la Beauce ou d'Ukraine, que le soja soit brésilien ou le colza français, ne change rien à la donne. Rajoutez un peu de luzerne pour stabiliser la ration hivernale, plus la poudre de lait pour les veaux… c'est 1,5 ha de plus. Soit 12 ha au total qu'il faut rajouter. Et donc 40 % de surface en plus.
À l'inverse, je connais des bio intensifs (2 UGB/ha) dont la ration est excédentaire en azote et qui n'achètent pratiquement rien. L'un d'eux cultive des prairies multi-espèces qui sont pâturées ou récoltées à l'autochargeuse puis séchées en grange. L'orge et le triticale bénéficient de l'azote des légumineuses et apportent l'énergie.
Je n'ai pas la prétention de vous faire une démonstration à la virgule près. Mais force est de constater que la plupart des conventionnels intensifs le sont grâce à des surfaces extérieures. Chaque consommateur français utilise l'équivalent de 500 m2 de soja sous forme de viande, de lait et autres produits transformés qu'ils soient français ou brésiliens.
Alors apparaît une nouvelle tendance, l'AEI pour l'agriculture écologiquement intensive. Elle part du principe qu'il faudra produire plus avec moins :
- moins de pétrole qui va devenir rare et cher. Donc moins de traction et de chimie (engrais, phytos) ;
- moins de terres arables (la SAU d'un département français disparaît tous les ans du fait de l'urbanisation).
Il va donc falloir faire évoluer nos systèmes vers la simplification du travail du sol, jouer sur les écosystèmes, favoriser l'interaction des espèces de plantes… autant de techniques à redécouvrir, inventer, développer. Ce que nous faisons tous les jours dans notre métier est en perpétuelle évolution.
Se pose aussi un choix politique : l'agriculture française doit-elle produire coûte que coûte des excédents bradés au prix mondial ? En étant plus autonome chez nous, on pourrait diminuer les importations. Ces surfaces libérées en dehors de l'UE serviraient aux cultures vivrières plutôt qu'aux cultures industrielles génératrices de déforestation et de ruine de la petite paysannerie. Au niveau de la planète, la nourriture serait mieux répartie.
Loin de moi l'idée de prôner tel ou tel système de production. Bio ou pas bio, il va falloir doubler la production alimentaire mondiale pour nourrir les neuf milliards d'habitants en 2050. Les guéguerres idéologiques entres partisans d'un modèle ou d'un autre ne font que desservir la cause agricole. C'est la diversité et la complémentarité des régions et des systèmes qui font la particularité et la richesse de l'agriculture française. Penser global et agir local. Ma grand-mère (à moins que ce soit Gandhi) vous adresse cette pensée : « La terre est assez grande pour satisfaire tout le monde, mais trop petite pour contenter chacun ».
PASCAL POMMEREUL
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?