
Hier, le tilleul de la ferme est tombé sous les coups de hache des urbanistes.
Ces quelques lignes ne relèvent pas du virtuel. Toute ressemblance avec des faits similaires n'est pas pure coïncidence. Les faits se déroulent au coeur de la France profonde, celle d'en bas, dont on dit qu'elle fleure bon le terroir. Hier, le père Joseph a rendu son dernier soupir en même temps que tombait le tilleul de la ferme sous les coups de hache des urbanistes. Issu de la génération d'après-guerre, du temps où il suffisait de se retrousser les manches, très vite, le jeune agriculteur s'était rendu compte de la difficulté d'exploiter un corps de ferme au centre du bourg.
Lucide, le père Joseph a abandonné les vieux bâtiments pluri-centenaires pour s'installer hors du village. C'était enthousiasmant et surtout fonctionnel. Mais le rêve a viré au cauchemar. En une dizaine d'années, les pavillons ont suivi, comme un essaim d'abeilles, la transhumance de l'exploitation jusqu'à l'encercler. Joseph dut se rendre à l'évidence : il fallait recommencer. Cette fois, tant qu'à faire, autant se déplacer assez loin pour ne pas voir l'histoire se répéter. Derrière la rivière et les marais environnants... barrière naturelle sur laquelle buterait le développement de la cité. Car de toutes parts, on l'affirmait : « On doit garder de la verdure ! ». Ce secteur, le poumon du bourg, il ne fallait pas y toucher. Les politiques l'avaient juré, une main sur la Bible et l'autre serrant déjà la dague sous le manteau.
Il était beaucoup trop optimiste, le père Joseph. À la faveur du nouveau maire, pelleteuses et promoteurs ont franchi la rivière avec plus d'aisance que César le Rubicon. La rivière, on l'a « reprofilée », les marais asséchés. Tout y est passé, des belles terres à blé où la moisson souriait au soleil de juillet aux herbages qui coloraient le printemps. Puis, faute de combattants, le combat cessa. La ferme s'arrêta. Pourtant, son voisin Félix, plus pragmatique, l'avait prévenu lors des différentes procédures du Pos : « Il ne faut pas t'entêter. Malgré leur mine attentionnée, ces gens-là n'en ont rien à cirer de l'agriculture. Et nos représentants professionnels, ils ne tapent pas assez sur la table. Et, quand c'est le cas, on les accuse d'être des empêcheurs de tourner en rond. Alors, mon vieux, il te faut changer ton fusil d'épaule ». Mais Joseph ne désespérait jamais. Il était trop confiant.
Couché dans son linceul, il ne verra pas les prochaines municipales. Il en avait la hantise. Car, à chaque tournée, un pan de terre tombait. À l'heure où les candidats à la mairie aiguisent leurs armes sur les débris d'une agriculture divisée, où les projets fleurissent sans se soucier des hectares engloutis..., il aurait pu parler pendant des heures, le père Joseph, des occasions manquées, des serments d'un soir et des reniements du lendemain. Du temps où il y avait encore une bonne poignée d'agriculteurs au village. Il aurait pu répéter les grands discours entendus sur l'intérêt général alors que ce n'était, souvent, que des intérêts particuliers et des bons coups à réaliser.
Le père Joseph, c'était un vrai. Il savait mieux que quiconque parler aux bêtes, mais était bien moins à l'aise pour tenir la dragée haute aux décideurs de tout poil. Quels que soient les caprices du soleil et de la pluie, il savait faire pousser le blé, mais les imprimés 10053X15 et les recours devant les tribunaux, ce n'était pas son truc. Même s'il n'avait pas brillé sur les bancs de l'école, il se rappelait cette leçon d'histoire sur Henri IV et sa poule au pot, mais surtout des mots de son ministre : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». La mère nourricière a déjà perdu un pis et l'autre souffre de mammite chronique ! Brave Sully, de ton trépas, surtout ne te retourne pas !
GABRIEL
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?