Comptes de Noël

C'est la belle nuit de Noël, le lait étend son manteau blanc, tralala, etc. Les yeux levés vers le ciel, à genoux, petit enfant, avant de fermer les paupières, je fais une dernière prière, tralala et re-etc. Quand « Le Maire Noël » est descendu du ciel avec ses prêts bonifiés par milliers, j'espérais qu'il n'oublierait pas mes petits souliers, tralala… Et patratras ! Rien. Que dalle. J'ai même regardé si sa hotte n'était pas restée coincée dans la cheminée, que nenni ! Pas de traces de traîneau sur le toit, même pas le moindre petit crottin de renne devant la porte.

Je ne comprends pas, il était pourtant motivé pour nous aider « Le Maire Noël », tellement dynamique et déterminé que j'allais même jusqu'à croire que, petit, sa maman l'avait trempé dans une marmite de Red Bull. Faut croire que la potion n'était pas si magique. Reste plus qu'à trouver des explications à ce retard.

De mauvaises langues m'ont dit que Jean-Louis Borloo l'avait incité à se détourner de Copenhague, sommet sur le réchauffement climatique oblige. Attentif, « Le Maire Noël » se laissa convaincre par les arguments du ministre écolo : « Tu vois mon verre de whisky, les glaçons fondent. Plus on consomme, plus on en fait dissoudre. Pour les préserver, c'est simple, faut arrêter de consommer. Ouais, mais crois-moi, ce n'est pas facile. Alors autant se trouver des excuses, des boucs émissaires. Si tu passes plein gaz avec tes rennes au-dessus de la petite sirène, avec tes dégagements de méthane, ils vont tout te coller sur l'échine. Passe par Bruxelles, c'est moins risqué. »

« Le Maire Noël » s'exécute mais à l'approche de la capitale européenne, quelle ne fut sa surprise d'apercevoir une foule d'eurocrates hostiles lui ordonnant de descendre de son nuage. À peine débarqué, ils ont essayé de lui piquer sa hotte et nos cadeaux. Il faut les comprendre, ces riches discrets non répertoriés sur internet qui veulent une petite augmentation. La vie est chère et ce n'est pas toujours facile de ne plus se payer de caviar à mettre sur ses toasts au foie gras.

Blagues à part, il reste une autre explication à ce retard incompréhensible, malheureusement plus convaincante et avancée par de très très mauvaises langues. Pour faire vite, « Le Maire Noël » aurait souhaité se faire aider par les banquiers. Vous savez, ce sont ces gens fascinés par l'argent facile. Jadis, ils étaient gangsters, aujourd'hui, ils sont à l'intérieur de la boîte à sous. Costard cravate, ils attendent le client et, au premier sourire, vous comprenez que vous n'êtes qu'une dinde de Noël. Ce ne sont plus des dents que vous apercevez, c'est une plumeuse !

Et oui, pas très philanthrope la pie voleuse. Même en sachant qu'elle va y perdre ses dessous chics, elle préférera toujours investir à Dubaï plutôt que dans les Restos du coeur. Prêter de l'argent à 1,5 % garanti par l'État, c'est bien, mais si par un simple clic, on récupérait les 30 000 € sur un compte épargne, c'est mieux.

Naïf, « Le Maire Noël » ignorait sans doute qu'il existe dans la nature des éleveurs d'un genre particulier qui n'ont pas de problèmes de trésorerie. Ils élèvent des chevaux : un élevage très concentré sous le capot de très très gros tracteurs.

Il faut laisser du temps au temps, cette période de trêve des confiseurs devrait suffire pour imprimer des factures d'appros antidatées et justifier ainsi une dette fournisseurs éligible à l'obtention du prêt bonifié. Les restes seront distribués de-ci delà dans certaines cheminées qui ne craignent pas trop le feu.

Je fais le voeu que « Le Maire Noël » n'attende pas la « Saint-Fisc » pour remettre de l'ordre dans les maisons et servir enfin mon petit soulier. Ce serait trop injuste que l'on puisse dire de lui que « Le Maire Noël » est une ordure.