OP par bassin, un rêve ? À chaque époque son lot de tabous.

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Lorsque nos anciens s'organisèrent pour fonder les mutuelles, les coopératives… ils bousculèrent l'ordre établi par la noblesse, le clergé et les possédants. Vint la révolution fourragère des années soixante, avec son lot d'innovations mais aussi de suspicions et de critiques. Dans les années quatre-vingt, ceux qui se mariaient avec des femmes qui travaillaient à l'extérieur du domicile suscitaient des interrogations : « Le modèle familial allait éclater. Il fallait un salaire extérieur pour vivre décemment sur une ferme ? »

Les pionniers du sans-labour ont aussi été regardés de travers. Ceux qui arrêtaient le métier à 45 ans et ceux qui s'installaient à 40 ans n'étaient pas de vrais agriculteurs. Ceux qui installaient un robot étaient des fainéants. Et aujourd'hui, ceux qui arrêtent le lait pour faire des céréales sont des démissionnaires. La liste est longue et à chaque époque son lot de tabous. Les pionniers qui osent franchir le Rubicon sont regardés de travers « car les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux », comme le chantait Brassens. La polémique refroidie après une période plus ou moins longue. Chacun se donne enfin le droit d'enfreindre cette limite implicite.

Dernier grand tabou : les producteurs seraient incapables de s'organiser collectivement pour gérer l'offre de lait, et ainsi reprendre la main sur les transformateurs. « Adopter des mesures de gestion des volumes serait tout à fait incompatible avec les exigences du fonctionnement de notre industrie sur le marché mondial », martèle Joop Kleibeuker, secrétaire général de l'European Dairy Association (association des industriels laitiers). Celui-ci assure qu'un tel système de gestion des volumes « ne fonctionnerait pas dans le monde d'aujourd'hui ». Nos coops, qui ont été créées pour faire contrepoids, sont le plus souvent les moins-disantes en termes de prix. Leur organisation et la valorisation qu'elles tirent du lait ne leur permettent que rarement d'acheter plus cher. Avec 54 % du lait collecté, elles dégageraient moins de 40 % de la plus-value globale.

Dans le cochon, tout est bon… sauf le prix. Pour le lait, c'est pareil. Lors d'une précédente chronique, je vous avais expliqué comment certains industriels privés valorisent notre lait. Le cracking leur permet d'isoler ses composants un par un. La demande est telle que la production 2013 serait déjà promise ou vendue. Les grands groupes ont donc besoin de beaucoup de lait pour satisfaire ces nouveaux marchés. Alors, pourquoi limitent-ils la production de leurs clients historiques ? Trouvent-ils ou espèrent-ils trouver demain du lait à pas cher auprès des coops ? L'interrogation est légitime à l'heure où les accords de partenariat coops-privés fleurissent. Dans certains cas, le privé se présente même en sauveur d'une situation coopérative catastrophique. Si demain les coops proposent des rallonges à leurs adhérents pour revendre ce lait aux privés, ces derniers auront toute liberté de le transformer en produits tout venant… concurrençant le coeur de cible des coops, et donc en maintenant les prix bas. Dans le même temps, ils pourront faire de grosses plus-values sur le marché des ingrédients où il y a peu de concurrence. Et pendant ce temps, on nous calcule un prix du lait basé sur le beurre, la poudre, l'emmental et le gouda, produits à très faibles marges. Diviser pour régner ! Voilà pourquoi les transformateurs n'ont pas intérêt à ce que les producteurs s'organisent en OP horizontales à l'échelle d'une grande région. Ma grand-mère vous adresse cette pensée un brin prétentieuse : « Mon petit-fils n'écrit pas parce qu'il a des choses à dire mais pour donner à penser. » Ce à quoi je réponds : « Il vaut mieux donner à réfléchir que prêter à rire. »

PASCAL POMMEREUL

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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Herbe

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