Grève du lait

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Et si ça avait été la très bonne mauvaise idée pour commencer à bouger ?

À l'origine tellement utopique, l'idée de la grève du lait européenne fut vite perçue comme farfelue par nos petits cerveaux, sans doute trop conservateurs. C'était sans compter sur cette génération Google qui, sans réussir l'Intersyndicale, a pourtant donné naissance à un embryon du premier « internet syndical ».

La FNSEA a loupé le train de la modernité, mais nous fait réfléchir sur cette grande question philosophique : ai-je eu tort d'avoir raison ou ont-ils eu raison d'avoir tort ? Camoufl et historique pour elle, c'est le président de la République lui-même qui donne un argument de poids à la réflexion. Alors que la FNSEA n'a jamais réussi à médiatiser la détresse des producteurs de lait, Sarkozy, des États-Unis, entre Clearstream, le réchauffement climatique, les bonus et Mahmoud Ahmadinejad, glisse quelques phrases de réconfort aux producteurs de lait qui tous, grévistes ou pas, luttent pour leur survie. Pour être parfaitement honnête, ça m'a mis sur le cul ! L'heure de la perestroïka syndicale aurait-elle sonné ?

Comment expliquer qu'un nouveau ministre, énarque originaire de Neuilly, en clair un curriculum à effrayer les paysans, arrive en si peu de temps à sensibiliser le président sur l'urgence de la crise laitière. Au point que ce dernier l'évoque depuis New York ? La pression médiatique autour de cette grève a incontestablement poussé mais aussi servi ce ministre d'un nouveau genre. Il faut souhaiter que les laitiers se souviennent de Bruno Le Maire comme d'un politique réactif et actif, qui ne cherche pas à se réfugier derrière un syndicalisme majoritaire pour le moins sclérosé.

Mais que s'est-il donc passé à la FNSEA pour rester là, planté au milieu de la route, comme un aveugle sans chien ni canne ? Une nomenclature à la Soviet qui décide du haut de sa tour d'ivoire, sans tenir compte des réalités du quotidien d'un peuple syndiqué ? Trop sûre d'une « bonne parole » diffusée par une presse syndicale départementale sous contrôle ? Trop habituée à jouer les reptiles en costard-cravate, qui serpentent et lézardent dans les couloirs des ministères, de Matignon ou de l'Élysée ? Nul ne sait, mais cette grève, sans leader, victime de la guerre des chiffres de participation, n'en reste pas moins très bien perçue par les adhérents et sympathisants FNSEA et JA. Bon nombre d'entre eux, ici et là, en toute discrétion, ont d'ailleurs participé par solidarité à ces épandages et distributions gratuites.

À trop souvent être « parisiens », certains leaders du syndicalisme majoritaire ont sans doute eu un moment d'égarement et oublié, l'espace d'un temps trop long, qui ils étaient, d'où ils venaient et surtout qui ils représentaient. C'est l'enchaînement des sept péchés capitaux.

L'orgueil en n'acceptant pas que d'autres, venus de nulle part, prennent l'initiative de l'action syndicale.

L'avarice parce que le pouvoir, ça ne se partage pas.

La luxure car la frontière est bien mince entre la cogestion et le copinage.

L'envie, cette irrésistible attraction, cette force qui s'empare du responsable syndical, le transforme au point de ne plus penser qu'à son avancement dans la hiérarchie. Y perdre son âme importe peu, l'ascenseur ne monte que pour ceux qui épousent le moule.

La gourmandise, parce qu'avec de moins en moins de paysans, de plus en plus de syndicats, il ne doit en rester qu'un.

La colère en perdant son sang-froid et en dénonçant, à la place des pouvoirs publics, une faible participation à la grève.

La paresse en étant à la tête du Copa, aucune tentative de mouvement européen n'y a jamais trouvé son origine.

Faute de structure, l'Apli, comme les autres, disparaîtra sans doute demain, mais restera dans les mémoires en ayant convaincu les paysans européens que « Yes, we can ».

ÉRIC CROUHY

Aperçu des marchés
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Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
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Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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