
C'est la contraction de téléphone et connard. Mais si, vous voyez bien de qui je veux parler ! Dans la rue, cet homme qui marche en parlant fort, une oreillette Bluetooth vissée dans l'esgourde pour faire croire qu'il a une conversation importante et que lui, il n'a pas de temps à perdre. Et ce commercial qui zigzague sur la petite route de campagne, le portable coincé avec l'épaule, le genou sous le volant, tout en prenant des notes sur un calepin. « Phonard » !
En agriculture, c'est pareil. Les réunions professionnelles deviennent un cauchemar. Au début des portables, on le laissait sonner pour bien faire voir qu'on en possédait un. Puis, plus tard, après quelques rappels à l'ordre, on l'éteignait ou on le mettait sur vibreur en début de réunion. Aujourd'hui, les bonnes manières semblent disparaître et le téléphone est posé ostensiblement sur la table pour bien montrer que j'ai acheté le dernier iPhone à la mode. Mais surtout, j'ai une bonne excuse. Et oui, merveille de la technologie, j'ai un robot de traite qui m'appelle quand il a un bug. Et l'autre qui attend un vêlage n'arrête pas de regarder s'il n'a pas reçu un texto envoyé par le Velphone, vous savez cet appareil qui prévient quand la mise bas est imminente. Moi, pas très au fait des nouvelles technologies, j'ai voulu en faire autant. J'ai donc fourré mon portable dans le cul de la vache en programmant le numéro du fixe de la maison et en espérant que le veau en passant appuierait sur la touche de rappel automatique. J'ai été bon pour racheter un nouvel appareil. Mais, moins con que j'en ai l'air, j'ai pris un Samsung orange, soi-disant étanche et indestructible. Comme ça, je vais pouvoir réessayer.
Il y a aussi le bolus intrarumen qui donne en permanence la température de la vache, le pH de la panse, le nombre de pas et celui de coups de queue pour chasser les mouches et la météo au-dessus de la prairie, prévient quand la Blanchette a cassé le fil, quand elle a propulsé son quota de méthane dans l'atmosphère, sa dose de nitrate sur le sol… Et l'autre qui reçoit en temps réel des textos de la bourse aux grains pour vendre son blé au bon moment et réaliser l'affaire du siècle. Il n'a pas compris qu'en élevage laitier, gagner 20 ou 30 € sur quelques tonnes de blé, c'est toujours bon à prendre, mais que perdre 15 % d'efficacité alimentaire coûte beaucoup plus chère et ça, personne ne te téléphone pour le dire.
Sans compter tous nos fidèles fournisseurs qui nous abreuvent d'infos sur la dernière promo.
Alors moi j'imagine l'élevage du futur où le robot appellera directement le SAV, le Velphone, le vétérinaire, le détecteur de chaleurs, l'inséminateur. Le bolus détecterait la panse vide et appellerait le fournisseur d'aliment… Moi, pendant ce temps, je serai sur une plage aux Seychelles, en train de siroter un cocktail, le téléphone éteint bien sûr pour ne pas me faire pourrir la vie par les phonards.
Il ne faudrait pas que le stress du portable nous transforme en « aigriculteurs ». Toutes ces nouvelles technologies doivent non pas nous rendre dépendants mais plus libres. Ainsi, nous deviendrons des « happyculteurs ». Pas des apiculteurs mais bien des éleveurs de vaches heureux. L'avantage du portable c'est qu'on peut parler à ses amis sans être obligé de leur payer un coup à boire. Et puis, quand une femme me téléphone, ça ne me gêne pas de lui répondre avec ma cotte pleine de bouse. C'est quand même une belle invention. Comme disait ma grand-mère : « Et dire qu'avec le téléphone sans fil les hirondelles n'auront plus où se poser… »
PASCAL POMMEREUL
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
« J’ai opté pour un système très simple car c’est rentable »
Réformer ou garder ? 26 éleveurs dévoilent leur stratégie de renouvellement
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
FCO : le Grand Ouest en première ligne
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?