
« L'Amour est dans le pré » permet surtout à M6 de faire de l'audimat.
Je regardais l'émission de M6. Comme des millions de Français, je me suis pris au jeu. J'essayais pourtant de décrocher. Je me soigne. Je prends des cachets tous les matins. Je suis même prêt à voir un psy. Mais c'est plus fort que moi, chaque lundi, je regardais et en fin de saison, j'attendais avec impatience la prochaine. Mais qu'est ce qu'il y a de si intéressant ? Au départ de la saison, lors des présentations, j'observe la ferme : les bâtiments les animaux, le matériel… Ici une bête fatiguée, là un tas de pneus pourris sur le silo, plus loin un tracteur trop neuf prêté par le concessionnaire. Car, bien que la chaîne floute les marques, le jeu consiste à les identifier. Il y a les exploitations au top et celles qui laissent à désirer. Les systèmes au carré et les autres plus aléatoires, plus intuitifs ou qui relèvent d'une certaine improvisation.
Et puis il y a les candidats(es) qui espèrent trouver l'âme soeur. Suivant un casting savamment étudié par la chaîne, on retrouve chaque année le beau gosse jeune et dynamique accaparé par son métier, le gros balourd un peu nature, le cinquantenaire ténébreux amoureux de l'amour, le taiseux qui n'ose pas, deux ou trois femmes pour L'argent est dans le pré Ma grand-mère disait : « Les banques se font du blé sur le dos des paysans. » On pourra désormais rajouter : « Les banques et M6… » montrer qu'il n'y a pas que des hommes célibataires dans l'agriculture… Chacun se présente sous son meilleur jour, mis en valeur par la présentatrice qui minaude en se promenant dans la ferme vêtue de tenues souvent décalées. Puis vient la séance des lettres. Au vu du courrier que reçoivent certains, on se demande comment autant de personnes espèrent et sont prêtes à jouer le jeu. Lors du casting, on tente de deviner qui est sincère, qui a besoin de passer à la télé pour sa promo et qui a parié avec ses copines.
Enfin, elles ou ils viennent à la ferme. Suivant un scénario bien écrit, la production monte les prétendants(es) l'un(e) contre l'autre ou, au contraire, les présente comme des bons(nes) copains(ines). Le(a) « m'as-tu vu(e) » qui se met en avant et le(a) timide qui attend la déclaration. C'est qu'il faut tenir le téléspectateur en haleine et là, on tombe vite dans le voyeurisme et on attend avec impatience de savoir s'ils se sont embrassés ou plus… Là, on touche à la téléréalité. À la fin, on se couche avec un drôle de goût dans la bouche, du genre des lendemains de cuite quand on se dit : « Je n'aurais pas dû… »
Alors « L'Amour est dans le pré » est-elle une émission qui oeuvre pour la promotion de l'agriculture ? C'est d'abord un divertissement qui permet à M6 de faire de l'audimat et de vendre de la pub. Et puis il y a le phénomène Thierry Olive. Cette caricature du bon paysan rougeaud et roublard, avec sa ferme qui ressemble à l'Arche de Noé, fait le buzz sur le net et le spectacle partout où il passe. Lors de son mariage avec sa prétendante, en septembre à Gavray, un bourg du centre de la Manche, 8 000 curieux ont déferlé dans la paisible commune. Devant les caméras et les appareils photos des médias, il a fait son show ! La réalité dépasse la fiction et ça n'a plus rien à voir avec l'agriculture. Avec condescendance, les gens de la ville pensent que le vrai paysan est rustique. Pendant ce temps, une association comme Agriculture de Bretagne, et bien d'autres qui font la promotion du métier, rame pour avoir un entrefilet dans la presse. La plupart des reportages sur l'agriculture sont plutôt à charge et ce ne sont pas les nouvelles révélations sur les OGM qui vont arranger les choses. D'un côté, des émissions-spectacles, de l'autre, des reportages chocs et accusateurs. À quand une présentation objective des enjeux de notre métier ?
Ma grand-mère disait : « Les banques se font du blé sur le dos des paysans. » On pourra désormais rajouter : « Les banques et M6… »
PASCAL POMMEREUL
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