Le paquet lait, qui autorise les fromages sous AOP-IGP à réguler leur production, permet-il à la Franche-Comté d'aborder 2015 en toute sérénité ?
Claude Philippe : Pas vraiment. Seul le comté a un plan de régulation validé par Bruxelles. Les autres AOP n'en sont qu'au stade des réflexions pour aller en ce sens. Nous serions plus sereins si le paquet lait nous avait autorisés à réguler non seulement la production de fromages mais aussi de lait. Ce n'est pas le cas. Le risque est donc grand de voir après 2015 la production laitière s'intensifier et remettre en cause l'identité terroir des AOP. Risque supplémentaire, le lait produit en plus et non transformé en comté a toutes les chances de finir en morbier et déstabiliser son marché. Le cahier des charges « production laitière » de ces deux AOP est en effet le même. Sur 2 000 producteurs de lait ayant une « déclaration d'identification » morbier, presque tous sont aussi des producteurs de lait à comté, moins de 100 sont des livreurs exclusifs de lait à morbier. Le potentiel de croissance est donc considérable.
Pour parer à ce risque, le morbier aura-t-il bientôt son plan de régulation ?
C.P. : Je préfère parler de plan de développement qualitatif et quantitatif du morbier auquel nous réfléchissons effectivement. C'est le meilleur moyen d'éviter qu'il devienne un produit d'excédent payé à un prix B. Mais le débat n'est pas facile dans une filière où quatre acteurs font 70 % des volumes et une quarantaine le reste. Surtout quand les premiers, en place depuis longtemps, ont fait de cette AOP leur fer de lance et que dans les seconds, certains sont des nouveaux venus qui l'ont développée en complément du comté. Dans ces conditions, délicat d'obtenir l'aval de deux tiers des producteurs (de fromages et de lait) et deux tiers des volumes, condition sine qua non du paquet lait pour réguler.
Faute de pouvoir réguler le lait, comment gérer sereinement l'après-2015 ?
C.P. : Pour protéger les filières régionales du risque d'affaiblissement et de perte d'identité lié à la fin des quotas, nous misons sur une démarche collective fondée sur le volontariat. D'où l'idée d'une charte de bonne conduite engageant tous les acteurs.
Qui a signé cette charte ?
C.P. : Les représentants des filières (producteurs de lait, fédérations des coopératives laitières, syndicats de produit, chambre des affineurs), des chambres d'agriculture et des contrôles laitiers. Seule la Fnil n'a pas souhaité s'engager, voulant d'abord expertiser la conformité de cette démarche avec le droit de la concurrence. Cette charte est un premier pas politique qui trace la voie à suivre. Le vrai enjeu est de voir demain les acteurs économiques se l'approprier et y adhérer.
À quoi s'engagent ses signataires ?
C.P. : À gérer une croissance modérée de la production de lait, à lutter contre le parasitisme en s'interdisant de produire, fabriquer ou affiner des fromages qui viennent en concurrence avec nos AOP. Les fromageries s'engagent aussi à mettre en place une politique contractuelle avec les producteurs (et ces derniers à la suivre) qui fixe les volumes en fonction des débouchés. D'une part, du lait A + B que l'atelier pense pouvoir commercialiser, et donc contractualiser avec ses producteurs en début de campagne. D'autre part, du lait C qui n'a pas de valorisation fromagère au sein de l'atelier ou dans le cadre d'un partenariat contractuel.
Un accord interprofessionnel va-t-il accompagner cette charte ?
C.P. : On y travaille. Il devrait notamment prévoir des obligations déclaratives des ateliers de fabrication, l'objectif étant de tenir un tableau de bord de l'état de la production régionale.
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