Le cocktail prix du blé élevé plus prix du lait en recul depuis la fi n de l'été plus fl ambée du prix des aliments interroge les producteurs sur la rentabilité de leur activité laitière. Leur malaise est au-delà. Décryptage.
Les éleveurs laitiers n'ont pas le moral. Certains parlent d'un retour à la crise de 2009. Ont-ils raison ?
Alain Le Boulanger : Dire que le secteur laitier traverse une crise comparable à celle de 2009 n'est pas justifié. À l'époque, il a fait face à la fois à un effondrement du prix du lait et à une hausse de celui des intrants. Nous ne sommes pas dans ce scénario aujourd'hui. Sous l'effet des indices de saisonnalité et de marché, le prix du lait baisse depuis la fi n de l'été. Il devrait remonter à partir du deuxième trimestre. Ce recul intervient alors que les prix des concentrés explosent. La rentabilité des élevages va, certes, en être affectée mais je préfère parler de crise de la trésorerie.
Comment faut-il réagir ?
A. L. B. : Le risque est de lâcher prise techniquement. Pour réduire la facture, des producteurs distribuent moins de concentrés au détriment de la production. C'est oublier que les volumes en moins augmentent le poids des charges fixes au litre et pénalisent le revenu. Si l'on décide de réduire la voilure, il faut bien en mesurer l'impact global.
La conjoncture favorable en 2011 a encouragé les investissements. Sont-ils un handicap aujourd'hui ?
A. L. B. : S'il y a un accroissement des annuités, c'est surtout lié à l'agrandissement des exploitations qui s'accélère. Il s'accompagne d'une augmentation de cheptel, d'une extension des bâtiments, qui alourdissent leur structure financière. Dans la Manche, département très laitier, de 2010 à 2012, les éleveurs spécialisés en lait ont produit en moyenne 41 000 l supplémentaires (voir tableau). On pourrait croire que ce volume a permis d'absorber les 15 % d'annuités en plus. En fait, non. Ramenées aux 1 000 l, elles progressent de 4,50 €. Faute d'économies, le maintien du revenu passe par une hausse des volumes produits. Sur la question du prix du lait, il existe donc un réel décalage de perception entre les producteurs et les industriels : les premiers veulent un prix un peu plus élevé, les seconds le jugent correct.
Le malaise des éleveurs les pousserat- il à arrêter le lait pour les céréales ?
A. L. B. : Les laitiers qui produisent des céréales sur leur ferme peuvent comparer la rentabilité des deux activités. Reprenons l'exemple de la Manche. À 70 q/ha, la marge brute du blé s'élève, en 2011-2012, à 997 € contre 1 444 €/ha de SFP pour l'atelier du lait. La valeur ajoutée reste en faveur de ce dernier, mais l'écart s'est réduit ces dernières années. Vu le temps passé à l'un et l'autre et les résultats des fermes céréalières (70 000 € de résultat courant/Utaf pour 135 ha de Scop en 2011-2012 en Basse-Normandie), il est logique que les éleveurs disposant d'au moins 120 à 130 ha de SAU s'interrogent. Or, ils sont aussi à la tête de grosses structures laitières.
Est-ce jouable ?
A. L. B. : Tout dépendra du potentiel agronomique et de retournement des prairies, mais pas seulement. Si l'entreprise a récemment investi, l'activité céréalière ne suffi ra pas à faire face aux échéances bancaires. De même, il faut vérifier que la conversion est cohérente avec une tonne de blé à 160 € et de mauvais rendements. Enfin, elle doit souvent être envisagée dans le cadre du départ d'un associé ou de la reprise d'une exploitation car elle occupera moins de main-d'oeuvre.
Le malaise n'est-il qu'économique ?
A. L. B. : Les éleveurs ont aussi le sentiment d'être moins libres que les céréaliers. Ces derniers n'ont pas à gérer des relations de filière qui, en lait, se sont tendues avec la contractualisation. Les éleveurs ont besoin de plus de visibilité pour investir pour l'avenir.
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