Du business avec les rots des vaches laitières

Le méthane est un gaz puissant. Converti en équivalents carbone, son pouvoir de réchauffement est 25 fois supérieur à celui du gaz carbonique. Pas étonnant que le méthane entérique des bovins soit en ligne de mire. Sous certaines conditions, sa réduction peut être convertie en crédits carbone vendus sur le marché du carbone. C'est ce à quoi s'emploie le fabricant Valorex, connu pour ses aliments avec des graines riches en oméga 3 (lin) et l'association Bleu Blanc Coeur (BBC) qu'il a initiée.

Reconnaissance de l'ONU

« Depuis août dernier, BBC bénéficie de l'accréditation de l'Onu, ce qui permet l'ouverture d'un compte officiel CO2, crédité par l'État français de 8 635 t de CO2 », annonce Pierre Weill, président de Valorex et fondateur de BBC. Cette accréditation repose sur le lien acides gras du lait-méthane. « Moins il y a d'acides gras saturés dans le lait, moins il y a d'émissions de méthane entérique par litre. C'est possible grâce à une alimentation comprenant de l'herbe, de la luzerne et du lin. » Une méthodologie brevetée par Valorex en 2008, à laquelle l'Inra s'associe comme co-inventeur à partir du suivi de rations enrichies en graines de lin, mesure cette réduction. Commercialisée sous le nom de Visiolait, elle est proposée par le fabricant en routine via l'analyse des acides gras du lait par infrarouge. « Avant d'être auditée par l'Onu, cette méthodologie a été validée par le ministère de l'Écologie en avril 2011. »

Comment les éleveurs accèdent-ils à ce compte carbone ? « Il faut être adhérent à BBC et appliquer le cahier des charges fondé notamment sur une quantité minimum d'oméga 3 et l'exclusion de toute supplémentation lipidique, répond Pierre Weill. Sur un compte épargne CO2 personnel, BBC leur attribuera des quantités de CO2 au prorata de leur baisse. »

Création d'un catalogue en ligne de produits vertueux

500 éleveurs sont aujourd'hui adhérents sur les 3 000 utilisateurs de Visiolait. Seulement avec un prix de la tonne de carbone à 4 € sur le marché carbone, le projet n'est pas attractif. D'où l'idée astucieuse de créer un catalogue en ligne de produits « vertueux ». Jouffray- Drillaud, Terrena, Sodiaal via Candia, etc. sont partie prenante. Les adhérents bénéficient de bons d'achat carbone (un bon de 100 € pour 1 t de CO2). En contrepartie, ils accèdent à des remises que financent les fournisseurs.

Même si elle est ancrée dans le « business », la démarche n'en est pas moins originale. Elle montre que la réduction des GES est un des enjeux laitiers de ces prochaines années. Il faudra qu'elle repose sur des données fiables. L'Inra y travaille. Selon lui, les réductions de méthane calculées par Valorex pourraient être surestimées.