Les éleveurs intensifs de plaine craignent une chute de leurs DPU à partir de 2014. Ont-ils raison de s'inquiéter ?
Vincent Chatellier : Rappelons que ces propositions s'inscrivent dans la continuité des précédentes réformes de la Pac qui avaient renforcé les soutiens découplés et limité le rôle des pouvoirs publics dans l'orientation des marchés. L'innovation majeure de ces propositions réside dans l'uniformisation des paiements découplés par hectare d'ici à 2019. Il s'agit d'un tournant pour la France où la référence historique prévaut. Si l'uniformisation s'applique à l'échelle nationale, les éleveurs laitiers des régions intensives seront pénalisés. À l'inverse, cette option serait profitable aux systèmes plus extensifs d'Auvergne ou de Franche-Comté. Une harmonisation à l'échelle des régions, voire des départements, aurait également des implications en fonction de la plus ou moins grande hétérogénéité des systèmes productifs locaux. Le choix du niveau géographique est laissé à l'État membre.
Le verdissement des aides constitue-t'il une menace pour les laitiers ?
V. C. : L'objectif d'une meilleure utilisation des ressources naturelles n'est pas discutable. D'autant plus que les aides agricoles doivent conserver une légitimité aux yeux de la société. La conditionnalité sort simplifiée de ce projet mais reste en vigueur pour le paiement de base. De plus, la Commission propose que chaque État utilise au moins 30 % du volume total des aides pour favoriser les pratiques bénéfiques au climat et à l'environnement. Pour en bénéficier, il faudra respecter trois conditions : au moins trois cultures dans l'assolement, la principale n'excédant pas 70 % de la surface éligible ; les parcelles déclarées en prairies permanentes en 2014 devront rester enherbées ; au moins 7 % de la surface éligible devront présenter un intérêt écologique (haie, jachère…) On ignore les modalités pratiques et la marge qui sera laissée aux États membres. Inutile donc de s'alarmer, d'autant que les pratiques des éleveurs laitiers sont souvent déjà proches de ces contraintes.
Quel niveau de régulation restera-t-il ?
V. C. : Faut-il le rappeler, les propositions de la Commission entérinent la suppression des quotas laitiers en 2015. On passe donc d'une gestion administrative de l'offre à une régulation marchande via les entreprises. De plus, et cela est nouveau, le projet instaure une clause de sauvegarde permettant à la Commission de prendre des mesures d'urgence en cas de perturbations des marchés. Cela passe par la création d'une « réserve de crise » qui pourra être mobilisée lorsque la volatilité des prix sera jugée excessive, mais aussi en cas de crise sanitaire, voire de perte de confiance des consommateurs. Par ailleurs, le second pilier de la Pac prévoit un ensemble d'instruments de gestion des risques et la création d'un fonds de développement rural. Alimenté par les agriculteurs, il verserait des aides notamment en cas de baisse de revenu d'au moins 30 %. Nous verrons à l'usage dans quelle mesure ces outils facilitent l'adaptation des agriculteurs à la volatilité des prix.
Quand les décisions finales seront-elles prises et mises en application ?
V. C. : Le pronostic est difficile. On ignore quel budget sera alloué à la Pac pour la période 2014-2020. Le projet de la Commission va circuler entre le Parlement et le Conseil, ce qui prendra plusieurs mois. Enfin, les États membres disposent d'une marge importante dans l'application de cette nouvelle politique. Impossible de dire aujourd'hui quelles options seront prises. Mais ils doivent annoncer pour le 1er août 2013 à quelle échelle ils appliqueront l'uniformisation des DPU (pays, régions…). La réforme doit théoriquement entrer en vigueur en 2014, mais il n'est pas certain que cet objectif soit tenu.
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