Le 10 mars, au lendemain de la position commune de la France et l'Allemagne pour des solutions de sortie de crise, Romuald Schaber, président de l'EMB (European Milk Board), prédisait avec raison ce que serait l'accord du Conseil agricole européen à Bruxelles le 14 mars : « Un compromis avec la possibilité d'une limitation volontaire de la production, une augmentation des plafonds d'intervention du beurre et de la poudre et des aides aux éleveurs », confiait-il lors du congrès de l'OPL (Coordination rurale), au Mont-Saint-Michel. Il se réjouit de voir avancer les idées de l'EMB sur la limitation des volumes mais juge inefficace la mesure telle qu'elle était envisagée par le couple franco-allemand et reprise par l'Europe. « Il faudrait une réduction volontaire d'au moins 5 % sur plusieurs mois avec une prime compensatoire pouvant aller jusqu'à 0,30 €/kg non produit. Et si ce n'est pas suffisant, une réduction obligatoire de 2 à 3 %. On en est loin », déclare Romuald Schaber. L'accord européen ne prévoit aucune aide à la limitation de la production. Celle-ci porte sur six mois, renouvelable une fois, en dérogation aux règles de la concurrence. Surtout, il n'y a aucune obligation. C'est là que le bât blesse.
Le refus irlandais
Les pays nord-européens ne sont pas prêts à jouer ce jeu. À commencer par l'Irlande, qui connaît la plus forte hausse de la collecte en Europe depuis la fin des quotas (+ 13,3 %). Elle est opposée à tout contrôle de la production. « En Irlande, le développement laitier est planifié et organisé depuis plusieurs années, a déclaré le ministre de l'Agriculture, Simon Coveney, après le Conseil agricole. Retourner à un contrôle de la production serait très négatif. » Là-bas, ce sont les coopératives qui servent d'amortisseur avec des soutiens financiers (voir p. 18).
Même son de cloche aux Pays-Bas qui suivent l'Irlande avec + 6,9 % de collecte. La coopérative FrieslandCampina, à la tête de 80 à 90 % du lait néerlandais, l'a accrue de 600 millions de litres et en prévoit autant cette année. « Une limitation volontaire de la production n'améliorera pas le marché. Si nous le faisons, nos concurrents nous diront merci ! » affirme Frans Keurentjes, membre du bureau de FrieslandCampina.
Faux signal de l'Allemagne
Ces 600 Ml en plus n'ont pas pénalisé le complément de prix annuel versé en 2015 par le leader hollandais. Bien au contraire ! Il est monté à 35,30 €/t. De quoi, pour les 13 500 adhérents, absorber une partie de la chute du prix du lait (85,80 €/t pour un prix moyen à 306,80 €).
Dans ce tour d'horizon européen, l'espoir aurait pu venir de l'Allemagne. C'est ce que laissaient penser ses propositions communes avec la France sur la limitation volontaire de la production. « Aucun signal dans ce sens n'est donné des grandes coopératives allemandes, analyse un fin observateur du secteur laitier allemand. Si la collecte est stable, c'est que sous l'effet des prix bas, les producteurs les plus efficients lèvent le pied. »
Bref, il ne faut pas se bercer d'illusions. Une régulation européenne impulsée par les acteurs économiques a peu de chances d'aboutir. La filière française le dit à sa manière : « D'accord, si c'est à l'échelle européenne. »
CLAIRE HUE AVEC THOMAS HUBERT
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